1943 - Les Goumiers participent à la Libération de la Corse

Bonjour à tous,

Voici quelques photos de deux objets auxquels je tiens particulièrement, car ils sont les témoins d'une période importante de l'histoire de la Corse pendant la Seconde Guerre mondiale : sa libération. En effet, voici un casque américain modèle US 1917 A1, casque fabriqué et distribué à partir de 1936. Il est un des symboles de cette libération, puisque ce casque faisait partie de la tenue du Goumier, Goumiers ayant pris une part active et importante lors de la libération de l'île. Comme on peut le voir, il est assez semblable au casque US modèle 1917, à quelques différences, résidant notamment dans la structure interne. Une structure de coiffe en aluminium est présente, permettant le maintien d'une coiffe en cuir. De part et d'autre, deux fixations permettent de mettre une jugulaire en coton beige (absente en partie ici). Sur ce casque, et comme de très nombreux exemplaires, la coiffe a été enlevée par les Goumiers, portant sur leur tête la rezza (ou khiout), et le casque posé au-dessus. Seule la structure donc est présente sur cet exemplaire.
Accompagne ce casque un formidable livret édité et distribué par la Royal Air Force. Ce petit livret de décembre 1943 relate la Libération de la Corse, à la fois les combats libérateurs, le rôle des Résistants corses, des troupes de la France libre venues d'Afrique, le rôle important de l'Armée américaine dans la logistique notamment. Ce petit livret sert aussi afin d'encourager la suite des combats pour la Libération de la France et plus globalement de l'Europe.  

Les Goumiers ont donc pris une part entière aux combats pour la libération du premier territoire de France métropolitaine. Ces troupes supplétives, composées de Marocains, souvent des montagnes, et engagés volontaires, sont reparties en plusieurs Goums. En Corse débarqueront le 2ème Goum, le 47ème Goum notamment. A ces Goumiers viennent s'ajouter d'autres troupes et régiments comme le  4ème Régiment de Spahis marocains, le 1er Régiment de Tirailleurs marocains, le 1er Bataillon de Choc, quelques éléments de l'Artillerie de Montagne. Cela fait environ 10000 hommes au total (dont on peut ajouter près de 400 Américains). Ils viennent appuyer une Résistance corse bien organisée, en plusieurs mouvements, à la fois Gaullistes et Communistes. Les Résistants sont près de 11700 dans l'île (pour une population de 250000 habitants).

Revenons un peu en arrière pour mieux comprendre la situation de la Corse pendant la Seconde Guerre mondiale.

En mai-juin 1940, la Bataille de France débouche sur la demande d'armistice et la signature de l'Armistice, dans le wagon de Rethondes, le 22 juin 1940. L'Italie est entrée en guerre le 10 juin et a dans ses objectifs une occupation de la Corse (une communauté estimée à 17000 Italiens était présente dans l'île au déclenchement du conflit). L'Italie fasciste obtient la possibilité d'installer sur l'île non pas des forces militaires, mais une commission d'armistice, présente à Aiacciu. Elle doit avoir comme mission de désarmer l'île, de se mettre en relation avec les autorités, passées sous contrôle vichyste (le soutien à Pétain et Vichy est assez général). Cependant, des mouvements de résistance, et des actions individuelles (sous forme de communication de presse, distribution de tract) naissent dès juillet 1940. En 1941, ces mouvements s'organisent, et se mettent en relation avec la France libre, de l'autre côté de la Méditerranée.
L'année 1942 marque un tournant pour l'île. En effet, suite à l'opération Torch, en Afrique du Nord, le 8 novembre 1942, Hitler décide de l'invasion de la zone sud de la France. En Corse, Bastia voit débarquer, trois jours plus tard, le 11 novembre 1942, près de 80000 soldats italiens, qui vont constituer les forces d'occupation militaire. Les principales villes et les villages voient donc débarquer l'armée italienne. 80000 soldats italiens dans une île de 250000 habitants. Très vite, il faut à la Résistance corse plus de matériel, plus d'armes. A partir de décembre 1942, des missions successives, menées notamment grâce au sous-marin Casabianca, permettent de ravitailler, souvent de nuit, la Résistance insulaire. Un de ses Résistants, Fred Scamaroni, a été approché par Giraud pour unifier les mouvements de Résistance dans l'île. Mais, arrêté par l'OVRA, il meurt en mars 1943. De nouvelles tentatives sont menées afin d'unifier la Résistance, sous l'impulsion du nouveau représentant de la France libre : Paul Colonna d'Istria.
Les événements vont se succéder et permettre la Libération. Le débarquement allié en Sicile débouche sur l'arrestation et la destitution de Mussolini en juillet 1943. Les Allemands, présents en Sardaigne, vont alors concentrer leur force et débarquer en Corse, par le sud de l'île, en août. Entre 25000 et 30000 Allemands sont présents en Corse, des éléments de la 90ème Panzergrenadier Division et de la Sturmbrigade Reichsführer SS. Ils occupent la sud de l'île, la Plaine orientale.
Le 8 septembre 1943 est proclamé l'armistice entre les Alliés et l'Italie. Les troupes italiennes se rallient, sous les ordres de leur général, Magli, à la Résistance corse. Des combats ont lieu devant le port de Bastia entre Allemands et Italiens.

L'insurrection de la Corse commence véritablement le 9 septembre à Aiacciu. La ville se soulève, des Allemands sont faits prisonniers. La Résistance occupe la mairie. C'est désormais un long processus qui s'engage pour libérer toute l'île. Des combats s'engagent dans le sud de l'île, autour de Levie, entre les Résistants et les troupes allemandes. A Alger, des préparatifs sont engagés pour permettre d'aider, en matériel et en hommes, l'insurrection de la Corse. Le 13 septembre, les hommes du 1er Bataillon de Choc débarquent à Aiacciu, au nombre de 500. Puis, dans les jours qui suivent, débarquent à leur tour les Spahis, les Goumiers, les Tirailleurs. 6000 hommes environ, avec des renforts venus ensuite, près de 400 tonnes d'armes, du matériel, fourni par l'armée américaine, des véhicules (comme les Jeeps). S'engagent des combats dans le sud de l'île, contre les SS, afin de s'emparer des dépôts de munitions et des voies de communication. Dans le même temps, Bastia voit de durs combats s'effectuer entre Italiens, Résistants et Allemands. Ces derniers reprennent le contrôle de la ville, car le nord de l'île et le Cap devaient permettre le rembarquement et le départ des Allemands. Entre le 20 septembre et la fin du mois, les forces françaises du Bataillon de Choc, guidés par les Résistants, conquièrent la Plaine orientale, les aérodromes de Ghisunaccia et Borgu. Les troupes marocaines, eux, passent pour grande partie, par le centre de l'île, Corti, puis foncent vers le nord afin d'entamer la libération de Bastia.
Fin septembre/début octobre, les Allemands de la 90ème Panzergrenadier Division cherchent à quitter l'île. Les Goumiers rencontrent au sud et l'ouest de Bastia des Résistants, parfois jeunes (14-15-16 ans) qui vont les guider afin de s'emparer des crêtes qui surplombent la ville, et les cols, défendus par des canons allemands. Dès le 29 septembre, les éléments du 1er RTM avaient bénéficié de mulets fournis par la population. Le 30 septembre, ils prennent aux 50 Allemands et leurs deux canons de 75 mm le col de San Stefano. Les Goumiers prennent le col de San Leonardo, puis le col de Teghime, au-dessus de Bastia, le 3 octobre (devenu le « col des Goumiers »). Dans la nuit du 3 au 4 octobre 1943, les Allemands arrivent à quitter le port de la ville. Le 4 octobre, les Goumiers, les hommes du Bataillon de Choc, les éléments du 1er RTM, entrent dans la ville. La ville est alors bombardée par les Alliés, qui n'avaient pas connaissance de l'avancée des troupes au sol, venant de prendre la ville. Le bombardement détruit de nombreux immeubles, fait plusieurs morts. La ville est libérée, la Corse est libre !

Au total, les estimations sont les suivantes en terme de pertes :

- 1000 tués et 400 prisonniers allemands
- 673 soldats italiens tués
- 75 tués parmi les diverses troupes françaises confondues
- 170 Résistants tués, dont plusieurs exécutés par les Allemands.

La Résistance, les Italiens, et les forces françaises libres, emmenées par les troupes marocaines, le Bataillon de Choc ont donc permis de libérer la Corse en l'espace d'un mois environ. C'est le premier territoire métropolitain libéré. Le général De Gaulle viendra en Corse entre le 8 et le 10 octobre saluer les hommes ayant pris part à la libération de la Corse.

Ces hommes venus libérer la Corse restent dans la mémoire des populations de l'île. Ils sont revenus sur le sol insulaire, lors des commémorations des 70 ans de la libération de la Corse. Voici un reportage les concernant : https://www.youtube.com/watch?v=MyqUsZt4eDM  


Sources : Jean-Marie ARRIGHI, Olivier JEHASSE : Histoire de la Corse et des Corses ; Tempus – Perrin ; 2008.
             http://www.cheminsdememoire.gouv.fr/sites/default/files/editeur/MC35.pdf  
             http://www.resistance-corse.asso.fr/fr/

Poddichini.

Bonjour poddichini,
2 beaux objets chargés d'histoire pour illustrer cet épisode de la seconde GM , parfaitement raconté par ailleurs.
Salutations à la corse et à ses habitants.

Amicalement.

Bonjour uchronie,

Merci pour votre sympathique commentaire.

Cordialement,

Poddichini

Salut Thomas,
tu présentes là deux bien belles pièces....
Et comme toujours le récit qui va avec est clair et concis;
Amicalement.

Bonjour Medaille71,

Merci à vous ! Le livret est une petite rareté. Je l'ai trouvé par hasard sur Internet, une joie de l'avoir.

Cordialement,

Poddichini

Bonjour

Sympa comme petite presentation, bravo.

Hello Phil,

Merci à vous !

Poddichini

Bonjour;

bravo et merci poddichini

pour cette présentation et ce rappel historique.

Amitiés. JC

Merci à vous JC !

Cordialement,

Poddichini.

Bonjour,
Trés belle présentation,émouvent.
Souvenir de ma famille pendant l'occupation a Bastia
Cordialement

Merci à vous Marc 1.

Poddichini.

Une image du général de Gaulle à Aiacciu : 

 

Poddichini

belle pièces de collection, hélas le grand public pense qu'en France c'est la Normandie qui a été libérée en 1 er.
toujours intéressant de reparler de cette histoire.

Bonsoir,

Effectivement, la Corse est la première terre de métropole libérée, neuf mois avant la partie continentale du pays.

Cordialement,

Poddichini

Bonsoir à tous,

Ma mère, alors âgée de 6 ans garde certains souvenirs de ces événements et surtout de l'opulence logistique et alimentaire américaine au camp de Cervione.

Bonsoir kranken,

Les Américains, présents dans l'île de 1943 à 1945, ont apporté avec eux ce qui faisait l'Amérique. Du matériel, de la logistique, et puis aussi les loisirs, la culture américaine. On a des photos qui montrent les Américains jouant au base ball, au basket ball, au football américain, au jeu du fer à cheval, dans les nombreuses bases et camps disséminés en grande partie en Plaine orientale et au sud de Bastia, entre Sulinzara et Borgu. Des soirées avec la population insulaire furent organisées. On fit venir aussi des chanteuses américaines. À Ghisunaccia-gare, les Américains avaient mis sur pied un cinéma de plein air. Quelques exemples de cette culture américaine qui arrive en Corse.
Ils ont aussi permis à cette Plaine orientale d'être assainie : utilisation d'avions pour larguer du produit anti-moustique, alors très présent dans la zone, assainissement des marécages,  drainage de fleuve, notamment du côté de Moriani-plage. 
Dans le même temps, les Américains profitent de la belle nature Corse, de ses atouts. On les voit, dans des images d'archives, se baigner dans les rivières, pratiquer la pêche à la truite.

Poddichini

Sinon belle présentation

Une nouvelle image, de Bastia après les combats dans la ville : 

Bastia Citadelle camp de prisonniers

Je ne connaissais pas cette image. Merci pour ce partage.

Ces cartes sont très intéressantes. Une nouvelle fois, merci du partage.

Salut Thomas,
merci pour ce petit exposé, tu as là de sympathiques documents,
C'est un épisode peu connu pour moi,
À+

Bonjour Yann.

Merci à vous. On parle peu de la Libération de la Corse. C'est pourtant un moment fondamental dans le processus de libération de l'Europe.

Cordialement

Poddichini

juste un petit mot pour vous remercier pour ce post !
excellent !

Bonsoir labulle,

Merci pour votre sympathique message !

Cordialement,

Poddichini

Bonjour à tous,

petite découverte du matin, c'était pourtant sous mes yeux, mais je n'y avais pas prêté attention. Il semblerait que le casque soit nominatif, ou quelque chose comme cela. Un marquage est présent sur le reste de coiffe en cuir : MTR.

Poddichini.

sympa ce reportage
moi qui ai du sang corse je me sens toujours concerné par l'histoire de l’île
j'avais entendu parler que de Gaulle n’était pas d'accord pour libérer la corse a cette période et que la libération de l’île c'est fait sous l'impulsion de giraud
de Gaulle lui en aurait voulu
dixit mon coté familiale corse les mattei de vico
tu peux confirmer?

Bonjour,

oui, c'est ce qui est le plus couramment accepté : la Libération de la Corse s'est faite davantage à l'initiative de Giraud que de De Gaulle. En juillet 1943, Giraud est nommé à la tête de toutes les Forces françaises combattantes, et est le co-président du CFLN : Comité français de Libération nationale.

C'est Giraud qui a envoyé le sous-marin Casabianca en Corse pour la mission Pearl Harbour (volonté de constituer des forces de résistance dans l'île). C'est lui aussi qui a demandé à Paul Colonna d'Istria d'unifier la Résistance (avant cela, De Gaulle avait approché Fred Scamaroni pour unifier la Résistance).

Cordialement,

Poddichini.

Bonsoir à tous,

Je fais un petit zoom sur une des photographies du livret présenté, qui résume bien, à mon sens, la Libération de la Corse, avec l'action conjointe de la population et des Forces françaises, notamment les Goumiers : 



Poddichini