Albert Séverin Roche, premier soldat de France

Albert Séverin Roche ou le héros injustement oublié



Né le 5 mars 1895 à Réauville dans la Drôme, il a 19 ans en 1914. lors de la mobilisation, le conseil de révision le refuse car il est trop chétif pour servir, mais il veut se battre malgré tout. Devant l’opposition paternelle, il fuit le domicile familial et se présente de lui-même au camp d’instruction d’Alban qui l’affecte au 30e bataillon de chasseurs. Cependant son incorporation se passe mal : mal noté, mal-aimé, il s’énerve et s’enfuit. Aussitôt rattrapé, il est envoyé en prison pour désertion. Il se défend en ces termes : « Les mauvais soldats, on les expédie là-haut, et moi je veux aller où l’on se bat. » Il est alors affecté, et selon ses vœux, en première ligne, au sein du 27ème bataillon de chasseurs, les fameux « diables bleus ».



Il se porte volontaire pour les missions les plus dangereuses et va accumuler les coups d'éclat :

En Alsace, un blockhaus allemand équipé de mitrailleuses barre la route aux attaques françaises. Roche convainc ses supérieurs de l’attaquer, seul : la nuit, les Allemands allument un poêle pour se réchauffer. Il suffit de jeter des grenades dans le tuyau pour en être débarrassé. Mission accomplie : dix allemands sont tués et Roche revient avec huit prisonniers et les mitrailleuses de l’ennemi.

À Sudel, toute sa section a été fauchée. Roche braque aux créneaux les fusils de ses camarades morts et court de l’un à l’autre pour tirer. Imaginant la tranchée solidement tenue, les Allemands battent en retraite.

Capturé avec plusieurs des siens, il subtilise l’arme de l’officier allemand qui l’interroge, tue plusieurs allemands, libère ses camarades et ramène 42 prisonniers.
Au chemin des Dames, un capitaine gît blessé entre les lignes. Roche se porte volontaire pour le ramener et rampe six heures à l’aller et quatre heures dans l’autre sens pour le récupérer. De retour, il s’endort dans un trou de guetteur. Une patrouille le découvre et pense avoir affaire à un déserteur. C’est le peloton d’exécution qui l’attend. In extremis, le capitaine qui lui doit la vie intervient pour le sauver d'une cruelle injustice.



Au cours des combats, Albert Roche est blessé à neuf reprises. À chaque fois, il refuse d’être envoyé à l’arrière pour y être soigné, il va jusqu'à s’extraire seul une balle dans la mâchoire inférieure.

Médaille militaire, Croix de guerre aux douze citations (4 palmes et 8 étoiles), Chevalier puis officier de la Légion d’honneur, Albert Roche finit la guerre soldat de 1ère classe. On lui attribue la capture de 1180 prisonniers.

En novembre 1918, à Strasbourg, devant la foule des grands jours, Foch apparaît au balcon de la mairie avec Albert Roche à ses côtés : «Alsaciens je vous présente votre libérateur. C’est le premier soldat de France». Le maréchal aura également cette phrase à son propos : « Il a fait tout cela et il n'a pas le moindre galon de laine ! ».
En 1920, il est de ceux qui désignent le Soldat Inconnu et l’escortent jusqu’à l’Arc de Triomphe. Il est aussi de la délégation française invitée à la table du roi Georges V d’Angleterre lors des obsèques du  Field Marshal French.



De retour à la vie civile, il est cantonnier, puis pompier à la poudrière de Sorgues. À la descente du car qui l’amène au travail ce 14 avril 1939, la voiture de la fille de l’ancien président de la République Émile Loubet le heurte : il meurt quelques heures plus tard à l’hôpital d’Avignon.

Il repose au cimetière de Saint-Véran d'Avignon.