Joséphine Segalen

E tel an tan,

Aujourd’hui, 2 novembre, jour de mémoire des défunts, je suis fatigué. Il pleut, je m’assieds au coin du feu, et je me souviens ...

Avant le siècle dernier, Jean marie et Anna travaillaient durement, et à une époque où cela était encore rare ( nous sommes au début du XX eme en basse Bretagne) ils réussirent a acheter leur ferme à son propriétaire.

Celui ci, vindicatif, connaît les penchant d’Anne et de Jean Marie, et les pousse à boire. Tant et si bien que de guerre lasse, c’est leur fille, âgée de 9 ans, qui met à la porte l’ancien propriétaire en le menaçant de mort. Les temps étaient rudes et le verbe haut !

Jean marie et Anne ont eu neuf enfants, dont 2 fils qui sont morts pour la France en 1941.

Leur dernière fille, Joséphine, a le douteux privilège d’accompagner ses deux frères sur le monument au mort de leur commune. Elle est d’ailleurs la seule femme inscrite sur ce monument. Quel honneur dont sa famille se serait passé.

Le 8 août 1944, les allemands installés à Guisseny depuis 1941 fuient devant l’arrivée des troupes US. C’est aussi le moment où de notables collabos se réveillent et tentent de se racheter une virginité. Ces derniers décident contre l’avis de tout le monde d’ardilloner des troupes allemandes sur la brèche depuis des jours.

Aux bruits des moteurs, Joséphine retourne en courant dans sa maison ( celle de ses parents, route de Plougerneau, a Rosicou). Alors qu’elle vient de rentrer dans la chaumière et qu’elle court dans l’escalier pour se réfugier à l’etage, un side allemand lache une rafale de mitrailleuse dont une balle rentre par le toit de la maison, touche le chambranle d’une fenêtre, ricoche et tue net ma grand’ tante devant ses sœurs presentes dans la pièce.

C’est pour la famille de ma grand mère la troisième victime de sa fratrie. Elle ne s’en remettra jamais vraiment, Joséphine étant selon elle quelqu’un d’en « simple » ( et pour cause !).

Elle enfouira ce souvenir longtemps, jusqu’a la publication d’un livre dans les années 80 relatant exhaustivement les faits de guerre dans la région. Dans ce livre l’historien dénonce l’imprudence des civils qui regardaient avec gourmandise la fuite des allemands depuis le pas de leur maison.

Ma grand mère n’a jamais été violente malgré une vie de misère et de labeur.

Mais, mais ... c’en était trop. Elle s’est rendu à une conférence de l’historien et l’a giflée. En effet l’historien s’appuie sur le rapport légal qui indique que Joséphine a été tuée sur le pas de la porte de sa maison. Mais s’il s’était rendu dans ladite maison, il aurait constaté que le pas de la porte conduisait à l’etage et donnait sur la seule pièce du Rez de chaussée.

Je dois être l’avant dernière personne a me souvenir de Joséphine, alors « in memoriam »,


Joséphine et sa sœur ( ma grand mère), 1942.

Bonjour,

Merci de ce témoignage poignant et visiblement toujours douloureux.

Merci à vous !

Bonjour
Un témoignage très émouvant , une histoire poignante.
Merci d’avoir pris le temps de nous la raconter

Merci pour l’intérêt que vous portez à cette petite histoire.

Ma grand mère en parlait peu, la mort de sa sœur l’avait beaucoup peiné. Elle décrivait sa sœur comme très gentille et simple ( dans le sens de un peu simplette, mais sans connotation péjorative). Ce n’est qu’à la mort de mon grand père ( en 2005) que nous avons trouvé la seule photo de Joséphine, et qu’on s’est rendu compte de son handicap.

Sa mort était d’autant plus injuste pour ma grand mère que sa sœur était effectivement handicapée.


Bon, au delà de cette triste, ça m’a aussi appris à avoir un regard critique sur les faits historiques. L’anecdote sur la polémique concernant les circonstances de sa mort est assez intéressante.

L’historien s’est basé sur des rapports et des témoignages, notamment des sœurs de Joséphine. Certains témoins la décrivant sur le pas de sa porte, d’autres dans l’escalier, d’autres encore dans la cuisine.

Rien d’incohérent en fait, puisque en effet l’escalier se trouvait près du pas de la porte, dans la cuisine. Après tout est une question d’interprétation. Le dit historien voulait valider sa théorie et a donc pris les faits selon l’interprétation qu’il voulait en donner.

Bonjour, belle est triste histoire que celles de certaines familles... Certain oublis d'autre non et c'est en pérennisant son histoire que Josephine continuera à vivre au travers des temps.
Slade.

C’est exactement ça ! Je pense que c’est important de transmettre le souvenir de ceux qui nous ont précédé.