Tenues de l'Infanterie Coloniale par la photographie, IIIème République 1893-1914 (Officiers)Bonjour à Tous,
Avant de commencer à vous reparler de mes uniformes préférés, je vous souhaite à tous, une excellente année 2020 !
Pour rappel, le lien détaillant les tenues des Officiers et Adjudants de 1883 à 1893 :
https://www.passionmilitaria.com/t170828-tenues-de-l-infanterie-de-marine-par-la-photographie-1883-1893-officiers1893... La période commence ainsi...
LE MINISTRE DE LA MARINE, à Messieurs les Vice-Amiraux commandant en chef, Préfets maritimes ; Général commandant en chef les troupes de l’Indo-Chine; Général commandant supérieur des Établissements français
au Bénin; Commandant militaire; Commandants supérieurs et Commandants des troupes aux Colonies.
(Ministère de la Marine. Direction du Personnel; - 3e Bureau:Troupes de la Marine, 26 Section.)
Paris, le 15 mars 1893.
Circulaire. — Modifications de la tenue des officiers et des adjudants d'Infanterie de Marine.
MESSIEURS, la circulaire ministérielle du 7 février 1893 (Guerre), insérée au Journal officiel du 8 du même mois, a modifié la tenue des officiers et des adjudants d'Infanterie. J'ai décidé que les dispositions de cette circulaire seront rendues applicables aux officiers et adjudants d'Infanterie de Marine. En conséquence, le dolman actuel et le dolman colonial (en flanelle) sont supprimés.
Ils sont remplacés par une tunique du modèle déterminé par la décision précitée, sous réserve des différences indiquées ci-après...Et voilà, après une décennie, le dolman si souvent décrié est donc abandonné, retour à la tunique...
Cette période qui nous conduira quelque peu avant la Grande Guerre nous permettra d’aborder les derniers uniformes flamboyants de la IIIème République, à l’exception peut-être des grandes tenues modèle 1931. La Guerre de 1914 - 1918 imposera ses teintes neutres, favorisant le camouflage et une adaptation aux conditions inhumaines de la guerre des tranchées, bien loin des horizons tropicaux.
Trois événements majeurs, sans compter les campagnes militaires, vont ponctuer le cours de cette période :
1) 15 mars 1893, la tunique est donc de retour, nous venons de le lire...
2) 1900, enfin un nouveau règlement sur l’uniforme, le précédent de 1873 commençait à dater...
3) 1900, le rattachement de l’Infanterie de Marine au Ministère de la Guerre et sa nouvelle appellation d’Infanterie Coloniale.
Loi portant organisation des troupes coloniales.
Le 7 juillet 1900,
Art. 1er. Les troupes coloniales sont rattachées au ministère de la guerre.
Elles sont, en principe, destinées aux colonies.
Elles comprennent l'ensemble des forces organisées spécialement en vue de l'occupation et de la défense des colonies et pays de protectorat.
Ces forces coopèrent, le cas échéant, à la défense de la métropole, ou prennent part aux expéditions militaires hors du territoire français.
Elles peuvent être stationnées en un point quelconque du territoire de la République ou de ses dépendances.
Art. 2. Les troupes coloniales conserveront leur autonomie et resteront sous le commandement des officiers des troupes coloniales. Elles sont distinctes des troupes de l'armée métropolitaine.
.../...
Art. 22. Les troupes d'infanterie et d'artillerie de la marine, les troupes indigènes actuellement organisées, ainsi que le personnel du service administratif colonial et du service de santé des colonies, seront versés dans les troupes coloniales, dont elles feront désormais partie intégrante.
.../...Cette première photographie symbolise à elle seule la nouvelle période qui conduira l’armée Française dans son ensemble à revoir après nombres tâtonnements et réformes avortées ses uniformes afin de les adapter à la Guerre moderne.
Ce Lieutenant de l’Infanterie Coloniale porte, bien qu’il soit à Madagascar, une tenue qui aurait toute sa place lors d’une cérémonie officielle en France.
Tout dans sa grande tenue est réglementaire.
La tunique, modèle 1893, est en drap bleu foncé, en réalité noir, fermant droit au moyen de sept boutons dorés à l’ancre. Collet droit avec ancres encâblées brodées en or, parement et patte de parement sont en drap du fond, les galons de grade circulaires se positionnent au-dessus du parement. En grande tenue, le lieutenant porte son épaulette en or à petites torsades mates sur l’épaule gauche et sa contre-épaulette à droite. Les brides d'épaulettes sont en or.
Pantalons d’ordonnance en drap bleu à passepoil écarlate, peut-être taillé dans un drap plus léger, comme le suggère le règlement pour les colonies. Le képi de petite tenue, les gants, le ceinturon et le sabre complètent la grande tenue.
Très peu d’évolutions dans la tenue des officiers durant cette période qui s’écoule de 1893 à la veille de la Grande Guerre. Seuls le nombre de boutons, la forme des képis, les médailles, les attributs de collet et képi évolueront permettant ainsi de dater, encore qu’approximativement, les photos, car entre le règlement et l’application, des années passent parfois...
Ci-dessous, l’évolution des képis de petite tenue. Leurs formes ont évolué au gré du temps et de la mode.
De gauche à droite :
Lieutenant avec un képi de forme « foulard », qui fut porté, sur cette photo, après 1893 et jusqu’aux début du 20ème siècle. Tout en précisant que ceci n’est pas une règle absolue, mais juste une estimation, une généralité constatée. Le képi est à calot très large et à turban ample comme nous pouvons le constater. Il est « mou / souple » et généralement porté plus ou moins « ramassé » sur lui-même. La médaille coloniale, permet de dater la photo postérieurement à 1893...
Au centre, le capitaine, porte quant à lui, un képi de forme « demi-polo » et qui à l ‘époque, 1904... 1914 introduira le képi de forme « polo », que porte le capitaine de droite. Képi, très cylindrique, rigide et plus réduit en taille qui préfigure le képi de forme moderne que nous connaissons encore.
Dans tous les cas, les képis restent confectionnés en drap bleu très foncé, noir dans la réalité. Soutaches de grade en or (et en argent pour certains grades). Les soutaches placées sur les coutures verticales du turban sont simples pour les sous-lieutenant et lieutenant, doubles pour les capitaines et triples pour les officiers supérieurs. Noeud hongrois sur le calot, non visible sur ces photos. Une fausse jugulaire complète l’ensemble.
Il est intéressant d’ouvrir par cette évocation de la forme des képis, le sujet de la datation « approximative » des photos. En effet, malheureusement peu de photos sont datées ou renseignées avec le nom du militaire.
Plusieurs éléments, propres à l’évolution des uniformes, nous permettent néanmoins de situer dans le temps la prise de la photo, même si les règlements et leurs applications ne se suivent pas systématiquement et immédiatement. Il reste toujours la nécessité d’écouler les stocks et de rentabiliser un achat onéreux pour un jeune officier sans fortune personnelle.
Dans notre cas, les uniformes de l’infanterie coloniale nous permettent grâce aux collets et képis d’avoir quelques repères chronologiques :
En France :
Du 02 mai 1890 au 6 juin 1904 : Numéro sur le képi et au collet
Du 6 juin 1904 au 20 juillet 1909 : Ancre sur le képi et au collet
Après le 20 juillet 1909 : Ancre sur le képi et numéro au collet
Aux colonies les règles sont autres, nous les évoquerons ultérieurement.
Les médailles commémoratives ou rubans des ordres coloniaux nous aident aussi dans la quête de la « bonne » période, par leur port et années de création :
Pour la beauté de ces "témoins de Gloire" :
1886 – 1896 : Ordre du Dragon d’Annam / Ruban Blanc liseré Orange
Après 1896 : Ruban Vert liseré Orange ou Rouge liseré Jaune si attribué par l'Empereur d'Annam
1892 : Médaille commémorative du Dahomey
1893 : Médaille coloniale
1895 : Médaille commémorative de la deuxième expédition de Madagascar
1902 : Médaille commémorative de Chine
1909 : Médaille commémorative du Maroc
Dans la pratique, deux adjudants. En l’absence du képi, mais portant le n° régimentaire sur la tunique modèle 1893, et dont les boutons, à l’ancre encablée, confirment bien l’appartenance à l’Infanterie de Marine, nous pouvons déduire qu’ils ont été photographiés soit de mai 1890 à juin 1904 ou entre juillet 1909 et 1914.
Les décorations de l’adjudant de gauche, présentant son sabre modèle 1883, ne nous apportent pas beaucoup plus de précisions,
Nous pouvons juste la dater d’après 1896 par le port de la médaille commémorative de la deuxième expédition de Madagascar, soit entre 1898 et 1904 ou 1909 et 1914. Le numéro du régiment, le 8ème RIC ayant été créé le 1 mars 1889, n’est pas d’un grand secours pour une datation plus précise.
Quant à l’adjudant de droite, même remarque que précédemment. Déjà une belle carrière, il porte dans l’ordre, la médaille militaire, la médaille du Tonkin, celle de Madagascar (2ème expédition), l’Ordre de l'Etoile Noire du Bénin, la médaille coloniale et l’Ordre du dragon d'Annam.
Pour reprendre le cour des descriptions, le sous-lieutenant ci-dessous, porte aussi la tunique modèle 1893 mais n’ayant non plus 7 boutons, mais 9. Cette modification, interviendra en 1911 sur le « papier ». Il est à noter que certaines photos présentent des tuniques ayant parfois 8 boutons. Le sabre d’officier d’infanterie modèle 1882, la dragonne de grande tenue en soie noire, gland et franges à petites torsades en or mat et les gants blancs en peau complètent la tenue.
Les officiers suivants portent le képi de 1ère tenue avec ancre en cuivre doré, cocarde en soie striée et pompon sphérique en petite torsade d’or mat pour le sous-lieutenant. Les chefs de bataillon et lieutenants-colonels portent le plumet aux couleurs nationales, bleu à la base, blanc au milieu et rouge au sommet. Les colonels conservent l’aigrette en plumes de héron blanches.
Le 25 novembre 1910, le pompon des officiers subalternes sera remplacé par un plumet en plumes retombantes, de couleur bleue, dans les mêmes teintes que le pantalon.
Les adjudants portent aussi le képi rigide de 1ère tenue. Ci-dessous, à gauche, un adjudant photographié avant 1910 avec son képi muni d’un pompon en cordonnet de soie rouge et argent. A droite, photographie postérieure à 1910, date à laquelle un plumet bleu avec olive argent mêlé de garance remplaça le pompon.
Ils portent tous deux l’épaulette en argent sur l’épaule droite et la contre épaulette de même métal sur l’épaule gauche. Toutes deux sont traversées d’une raie en soie écarlate. La tunique est semblable à celle des officiers mais porte des brides d'épaulettes en galon d'argent mélangé d’un tiers de soie rouge, que l’on ne visualise pas sur les photos.
Sur la photo de droite, l’adjudant photographié après 1910, porte en plus de son galon de grade, argent mélangé de rouge, une soutache d’ancienneté or et rouge, ce qui confirme le grade d’adjudant car les adjudants chef, grade créé le 30 mars 1912, ne portaient pas cette soutache.
Sans pouvoir l’illustrer, le galon de grade des adjudants-chefs est en or coupé de garance, aux manches, aux brides d'épaulettes. Epaulette et contre-épaulette en or, rayées de soie garance, tandis que les soutaches des képis sont en or mêlées d'un tiers de rouge, de même que l'olive du plumet.
Sur les photos qui suivent, provenant de l’album photographique du 1er régiment d’Infanterie Coloniale, et daté de mars 1908, les officiers présentent quelques effets qui les préservaient du froid en ces derniers jours d’hiver.
Nous y découvrons, la pelisse à brandebourgs confectionnée en drap noir. Elle porte sur le devant, cinq brandebourgs de tresses carrées en poil de chèvre noir. Ils sont également espacés et décrivent des lignes parallèles et légèrement cintrées. La fermeture se fait au moyen d’olives. Pourvue de quatre poches sur le devant, de fourrure en astrakan noir frisé, sur les devants, bords inférieurs, parements des manches et collet. Des galons en poil de chèvre noir parcourent les bords des fourrures.
Les officiers sont dotés d’une capote confectionnée en drap fin bleu foncé (noir), fermant par deux rangées de cinq gros boutons d’uniforme également espacés. Au collet ancres et galons de grade en or en bas des manches.
Une pèlerine mobile à large capuchon, de drap noir, peut aussi être portée. Retenue par une forte agrafe à l’encolure et fermant par quatre petits boutons cousus sur le côté droit.
Enfin, les officiers ont l’autorisation, sans obligation, de se pourvoir de capotes ou manteaux en caoutchouc. La coupe et le tissu sont assez libres, mais ces effets doivent toutefois être de couleur noire et pourvus de boutons non métalliques noirs. Ni galon, ni attribut (ancre ou numéro).
De gauche à droite :
Lt. LOISYC.J.A
Cap. SCHWARTZ Eugène, François / Chevalier de la LH le 30/12/1911 / Off. De la LH le 03/01/1918 - Officier sorti du rang - futur Chef de Bataillon.
S.-Lt PAILLARD Louis, Victor, Camille / Chevalier de la LH le 11/07/1920 / Off. De la LH le 29/12/1932 - Officier sorti du rang - futur Chef de Bataillon.
De gauche à droite :
Lt. FAURE DE FONDCLAIR Alphonse, André, Henri / Chevalier de la LH le 31/12/1912 / Officier sorti du rang–Capitaine, mort pour la France le 21/11/1914, suite à des blessures reçues lors d'un assaut donné le 10 novembre 1914.
Cap. FONTAINE Charles, Léon, Théodore / Chevalier de la LH le 11/05/1910 / Saint Cyrien / Commandant / Mort pour la France le 23/09/1915.
S.-Lt. LEANDRI Vénérius / Officier sorti du rang / Chevalier de la LH le 02/10/1915 / Off. De la LH le 08/07/1928 comme commandant.
De gauche à droite :
Cap. GUILLERMEAUVictor, Jean, Marie / Saint Cyrien/ Chevalier de la LH le 10/10/1919 / Off. De la LH le 10/07/1926 / Lt. Colonel.
S.-Lt BAUDIN Antoine, Joseph / Saint Cyrien/ Chevalier de la LH le 09/06/1915 / Commandeur de la LH le 05/08/1941 comme Colonel.
1901, les officiers du 4ème Régiment d’Infanterie Coloniale posent à Toulon pour le photographe. Tout l’éventail des tenues détaillées précédemment est représenté...
Sur la photo suivante, au premier rang, les cadres d’une compagnie dont trois officiers et un adjudant, nous permettent de visualiser les tenues à la veille ou dans les tous premiers mois de la Grande Guerre.
Aux nuances visibles sur le galon du premier militaire assis à gauche, il n’y a aucun doute, c’est d’un adjudant ou adjudant-chef dont il s’agit. Il porte la culotte avec brodequins et jambières en cuir. L’absence d’une soutache d’ancienneté pourrait favoriser l’hypothèse d’un adjudant-chef, mais sans aucune certitude.
Le lieutenant assis à ses côtés, porte-lui aussi une culotte, les petits boutons au niveau des genoux sont bien visibles, et des bandes molletières en laine noire.
Pour le capitaine, pantalon et bottines d’ordonnance.
Et assis à l’extrême droite, un sous-lieutenant coiffé du bonnet de police en drap noir à passepoil écarlate, les galons de grade placés devant, en V renversé, sont en tresse or.
Sensiblement à la même époque, probablement vers 1909/1910, ce groupe d’adjudants et de sergents majors, nous permet pour les adjudants posant aux deux premiers rangs de noter quelques particularités : Nombre de boutons sur les tuniques, port de pelisse coloniale (2ème assis en partant de la gauche), port du paletot de molleton (4ème), collets avec ancres ou numéros, poches diverses en nombres et en formes, présence ou pas des jugulaires de cuir verni noir attachées par deux petits boutons d’uniforme au képis, fausses jugulaires en petit galon, etc... quand le panachage est maître au royaume du règlement.
A noter, au deuxième rang, deuxième en partant de la gauche, un chef de fanfare.
Non visible sur la photo, la tunique porte en bas des manches le galon d'adjudant. Au collet, comme au képi, l’attribut propre à la fonction, la lyre.
Voici ensuite quelques officiers servant dans un état-major divisionnaire. Ces officiers, brevetés d’Etat-Major, sont reconnaissables aux aiguillettes en or mat et aux foudres de leur collet. L’ancre encablée est majoritairement brodée sur le képi. L’uniforme est conforme au modèle réglementaire de l’Arme comme nous l’avons décrit plus haut.
Les foudres identifient ces officiers titulaires du brevet d’état-major obtenu après deux années d’étude à l’Ecole Supérieure de Guerre.
Ci-dessous, deux autres officiers affectés au service d’état-major. Brevetés, ils portent aussi les foudres au collet et règlementairement (?) ne porte aucun attribut (ancre ou numéro suivant l’époque) au képi.
L’officier de gauche est une célébrité, le commandant Marchand, héros de Fachoda. Cette photo a été prise à son retour d’Afrique en 1899 ou tout début 1900. Il porte, jeté sur ses épaules la pelisse détaillée plus haut et arbore au cou, la décoration de Commandeur de la Légion d’Honneur, distinction qu’il a obtenue le 29 mars 1899. Belle vue du sabre d’officier modèle 1882 et de sa dragonne avec son gland en or mat à grosses torsades pour cet officier supérieur.
Le second est le lieutenant Prioux Maurice, affecté à l’état-major particulier de l’Infanterie Coloniale en Novembre 1901.
Évoquer la carrière coloniale et africaine du Commandant Marchand ne rentre pas dans le thème de cet article, mais présente un trait d’union pratique pour faire une transition entre les tenues de France que nous avons évoquées et celles portées dans les colonies.
Je m’attacherai à la rédaction de ces tenues dans un prochain post, mais avant cela et en préparation, les tenues des sous-officiers et marsouins entre 1886 et 1914 en France.
A suivre...
Cordialement
JLUC.