Cartouchière

Bonjour,
Une petite cartouchière 18/19e que j'ai achetée sur Ebay allemagne il y a longtemps (c'était en DM), la fleur de lys semble découpée et travaillée à la main dans un plaque,

Piece interessante, j'en avais vu une similaire je crois sur un site canadien. Je ne me rapelle plus mais je dois avoir des photos de l'objet.
L'insert en bois correspond en tout cas à celles que j'ai encore. Le nombre d'orifices varie de 6 à 8.
Il existe egalement des inserts en tôle.
Ces objets sont fascinants. Trouver l'attribution me semble difficile.
Cordialement Ps09

A l'époque mon niveau d'allemand étant limité, je n'ai pas réussi à comprendre si le vendeur en possédait deux exemplaires, ou si une de ses ventes avait été annulée et remise en vente,

La fabrication et les finitions laisse supposer un travail pour bas-officier, cela peut être cohérent pour le XVIIIe siècle, surtout avec les boutons en cuir.

Bonjour,
La partie en bois s'appelle-t-elle la pattelette ?
Auriez vous une photo des charges que l'on y inserait ?
Merci

La patelette c'est en fait le couvercle de la giberne.
Les "charges" sont des cartouches en papier comtenant le poids nécessaire en poudre et la balle en plomb.
Cela ne change pas pendant la revolution et l'empire.
Ps09

Merci merci pour le correctif et les compléments

Ce pourrait être une cartouchière/giberne ... d'officier. La facture de la fleur de lys n'est pas banale pour une pièces de cuivrerie (laiton) de l'époque.

Note sémantique : on trouve parfois désignés des éléments d’équipements semblables avec des appellations différentes selon les époques ou les auteurs. Ainsi, la poche qui porte les grenades se voit appelée grenadière, gibecière ou giberne. Le cartouche désigne la pièce de bois perforée qui contient les cartouches que l’on glisse dans la giberne aussi bien que la giberne dans laquelle se place ce patron de bois, et la cartouche désigne aussi l’ensemble constitué de la poudre et balle ensachée. Ce patron de bois peut être nommé cartouchier et quelques années plus tôt quand il n’y avait qu’un étui de papier rempli de la dose de poudre appelé gargousse avec la balle séparée on lui donnait le nom de gargoussier. La patellette désigne le rabat de cuir qui recouvre le cartouche.

La giberne du grenadier compte 30 coups et la demi-giberne du fusilier de 16 à 20, mais quand cette dernière est portée à 30 coups on continue quelque temps à l’appeler demi-giberne dans les textes. C’est vers 1750 que la capacité de la demi-giberne est portée à trente coups comme pour la giberne des grenadiers.

La dotation d’un fusil pour certains officiers date de la guerre de succession d’Espagne. Par l’ordonnance du 1er décembre 1710, le Roi convenant que pour le bien du service l’armement des officiers soit uniforme, il décide que le colonel, le lieutenant-colonel et les capitaines conservent l’esponton conformément à l’ordonnance de 1690 et que tous les officiers subalternes, comme les lieutenants de grenadiers ou de fusiliers, soient dotés du fusil, à l’exception des Gardes françaises et suisses. Le siècle avance et les thèses s’affrontent ; pour Puységur, on prive chaque compagnie de cinq armes à feu, et qu’il n’y a aucune bonne raison d’armer les officiers différemment des soldats ; tandis que d’autres auteurs, comme le maréchal de Saxe ou Belle Isle, n’en sont pas partisans. Durant la guerre de Sept Ans, comme cela s’était déjà produit au début du siècle on voit des officiers de tous grades, porter tantôt l’esponton ou le fusil, et Belle Isle, visiblement à contrecœur, en admet la nécessité.

En 1758 paraissent deux ordonnances qui fixent ceux des officiers admis à porter le fusil plutôt que l’esponton. Tout d’abord, l’ordonnance du 31 octobre 1758 concernant les officiers et sergents des compagnies de fusiliers indique : « Sa Majesté ayant jugé nécessaire au bien de son service que les officiers et sergens des compagnies de fusiliers de ses troupes d’infanterie soient dorénavant armés, ainsi que ceux des compagnies de grenadiers, de fusils avec leurs baïonnettes, Elle a ordonné et ordonne ce qui suit :
Les officiers des compagnies de fusiliers ; tant françaises qu’étrangères, seront tenus de se pourvoir sans délai de fusils dans les manufactures d’armes à feu établies à Saint-Étienne, Charleville et Maubeuge, et de baïonnettes qui aient été fabriquées à la manufacture d’armes blanches d’Alsace. Il ne sera admis aucun fusil qui ne soit absolument conforme au modèle qui a été envoyé ci-devant à ces manufactures pour les officiers des compagnies de grenadiers ; ce fusil sera du calibre de seize, pour recevoir la balle de dix-huit, et de la même construction que celui du soldat, avec cette différence qu’il aura seulement quatre pieds de longueur, que sa monture sera en bois de noyer, qu’il sera plus fini et plus léger, et que les garnitures seront en fer poli, disposées relativement à la longueur. La bayonnette aura huit pouces et demi de lame, évidée, à trois quarts et tranchante à son extrémité. Ce fusil d’officier pèsera, armé de sa bayonnette, sept livres au plus. Le fusil du sergent sera semblable à celui du soldat, et sera fourni pour la première fois seulement des magasins du Roi aux dépens de Sa Majesté. »

Puis l’ordonnance du 9 décembre 1758 qui donne plus de précisions sur l’équipement des officiers et sous-officiers d’infanterie : « L’armement des officiers et sergens des compagnies de fusiliers de ses troupes et des cartouches ou demi-gibernes dont ils devront être pourvus… La cartouche ou demi-giberne à l’usage des officiers, sera percée de huit trous, du diamètre et de la profondeur convenables pour recevoir des cartouches à balles ; cette cartouche sera recouverte d’une patte de maroquin rouge ou noir, elle sera ornée d’une fleur de lis brodée en or ou argent sur son milieu, suivant l’uniforme de chaque corps, doublée et bordée d’une peau blanche. Le cordon qui portera cette cartouche avec sa traverse sera de buffle blanc piqué ; il aura un pouce et demi de largeur, et sera garni d’une boucle. La cartouche à l’usage des officiers des compagnies de grenadiers ne différera pas de celle de l’officier des compagnies de fusiliers, qu’en ce qu’elle sera garnie d’une grenade brodée en or ou argent, au lieu d’une fleur de lis. »

Quelle est le diamètre des trous ? cela pourra donner une idée du calibre.

JL

J'ai deux cartouchières qui correspondent à l'ordonnance de décembre 1758. Elles sont en cuir rouge à fleur de lys. Le patron est constitué de 8 tubes de tôle d'un diamètre d'environ 20mm..
J'en connais une autre à fleur de lys avec un galon en bordure . Au musee militaire de Bruxelles est exposée une cartouchière plus large mais de même construction.
Une à grenade a été vendue en vente il y a quelques années.
Elles semblent toutes de même qualité et de même facture ,un peu comme les poires à poudre gaufrées que nous avons déjà discutées.
Ps09

Bonjour,
l'ordonnance d'octobre 1758 n'est qu'une extension de celle de 1754 pour les officiers de grenadiers. Les officiers de dragons sont pourvu également en 1752 d'un fusil qui n'avait pas fait l'objet d'un règlement.
Tous ces armements pour les officiers avait été étudié à partir de 1750 car avant ils utilisaient très souvent des fusils de chasse de petit calibre comme le notait le marquis de Brézé " la pluspart n'aïant que de très petits fusils de chasse et des baïonetes encore plus petites, armes qu'il ne convient pas d'avoir devant l'Ennemy"
Suivant le règlement, la cartouche de cavalerie (troupe) contient douze coups, celle des dragons trente et six chez leurs officiers.

Pour les les dragons Héricourt indique que la demi giberne (30 coups) est "suivant le modèle pour l'infanterie, à poche et patelette de vache rouge" et pour les officier "une gibecière, garnie de six cartouches, suivant les modèles qui ont été envoyés à chaque régiment". Ces accessoires n'ont donc pas fait l'objet d'un règlement. Je n'ai pas trouvé trace d'une décoration particulière de la patelette.

A propos de la coloration du cuir des gibernes en rouge ou en noir.

Le cuir rouge se trouve souvent appelé dans les textes de l’époque : cuir de Russie. Il ne provient pourtant pas de Russie, c’est un cuir de vache qui reçoit un traitement particulier dont une huile dite de Russie dont la formule longtemps restée secrète vient de Russie d’où elle tire son nom. Elle donne au cuir une plus grande rigidité, une très bonne imperméabilité, sa teinte rouge et une odeur particulière. C’est l’huile de bouleau (ou de saule)  qui lui donne sa résistance à l’humidité et son odeur empyreumatique caractéristique de la fumée d’écorce de bouleau. La couleur rouge sombre est donnée par une teinture tirée du bois Brésil ou Permanbouc.

Le cuir noir quant à lui est obtenu en faisant tremper le cuir dans une teinture métallogallique faite avec de la ferraille (sels de fer) et des noix de galle broyées (excroissance tumorale du chêne due à la piqûre d’un parasite) qui constitue la partie tannique. Ils sont mélangés dans de la bière aigre puis chauffés pour constituer le bain de teinture. Les cuirs de la buffleterie ne sont jamais graissés.

JL

Merci Messieurs

Merci d'avoir précisé ces aspects techniques

CAVE CANEM a écrit:

Bonjour,
l'ordonnance d'octobre 1758 n'est qu'une extension de celle de 1754 pour les officiers de grenadiers. Les officiers de dragons sont pourvu également en 1752 d'un fusil qui n'avait  pas fait l'objet d'un règlement.
Tous ces armements pour les officiers avait été étudié à partir de 1750 car avant ils utilisaient très souvent des fusils de chasse de  petit calibre comme le notait le marquis de Brézé " la pluspart n'aïant que de très petits fusils de chasse et des baïonetes encore plus petites, armes qu'il ne convient pas d'avoir devant l'Ennemy"
Suivant le règlement,  la cartouche de cavalerie (troupe) contient douze coups, celle des dragons trente et six chez leurs officiers.

Pour les dragons, 30 charges, le volume de ces gibernes doit être impressionnant.
6, 8 ou 30, donc volume 4 à 5 fois supérieur en regard du 6 ou 8 ?
Je dois mal saisir un  point technique.
Celle présentée dispose de 7 emplacements.
Je ne l'imagine pas 4 fois plus large.

Les gibernes troupe sont plus profondes et chargées en deux hauteurs me semble-t-il.

La teinture métallo gallique évoquée plus haut me semble correspondre à l'encre utilisée à cette époque, elle attaquait souvent le papier sur lequel elle était appliquée.
Messieurs merci de partager vos connaissances.

La giberne de dragon décrite par La Porterie en 1754.
Trois rangées de dix cartouches a priori

La partie en cuir souple devant le bois forme une poche pour mettre des silex, des balles, le tire-bourre, etc... (La Porterie toujours)

Et un modèle dessiné par Michel Pétard cela fait une belle giberne.

C'est lié à un problème récurrent de l'approvisionnement du soldat en campagne. C'est entre 1748 et 1756, que la contenance de la demi-giberne du fusilier est portée de 16 coups à 30 coups. On pourrait penser que c’est par une augmentation du nombre de salves que se fait sentir cette nécessité, mais on sait qu'après 12 coups tirés, en raison de l'échauffement, la manipulation du canon du fusil est nettement plus difficile. Un élément important à prendre en considération pour expliquer l’augmentation de la contenance de la demi-giberne est la dépendance de l’approvisionnement de l’infanterie en poudre, balles et cartouches vis-à-vis des services de l’artillerie. Il n’existe pas à cette époque de caissons de munition qui suivent l’infanterie de façon permanente. Il existe bien des caissons de cartouches destinés aux régiments, mais c’est le général qui décide de leurs répartitions et du moment de leurs distributions. Voici un exemple des problèmes créés par cette situation.
Le prince Xavier de Saxe écrit en juin 1762 au maréchal de Broglie : « J’ai été averti ce matin par M. le comte de Chabo que son infanterie avait besoin d’un caisson de cartouches, n’ayant que celles qui sont dans leurs gibernes, dont, à ce qu’il me mande, il y a beaucoup de gâtées par les pluies excessives et les torrents que cette infanterie a été obligée de passer dans nos premières marches. Il m’a été impossible de suppléer à ce besoin dans ce moment où tout était déjà en mouvement. Mais j’imagine, Monsieur le Maréchal, qu’il sera plus aisé de pourvoir M. le comte de Chabo en lui envoyant les munitions qu’il demande en droiture de Cassel à Minden. »


JL

A propos de la petite poche encore appelée bourse de giberne ; voici comment la décrit Bardin : « Sorte de bourse ou plutôt de petite poche en cuir destinée à contenir la pièce grasse et les pierres de rechange. La bourse est en basane noire, lustrée, et cousue la fleur en dehors contre le milieu de la face extérieure du devant de la boîte de la giberne. La bourse forme de chaque côté un pli de soufflet de vingt millimètres de profondeur, de manière à se tenir plate étant vide ; elle a cent quatre-vingts millimètres de développement ; sa hauteur apparente est de quatre-vingt-dix millimètres ; sa longueur d’une couture à l’autre, pli non compris, est de cent vingt millimètres ; sa partie supérieure ferme au moyen d’un bouton à bourse et d’une boutonnière. »

Cette petite poche est garnie d’un essuie-pierre qui est un morceau toile de lin fait pour nettoyer les pierres à fusil, d’une pierre de rechange et de trois coups en balle et poudre (gargousse). D’une pièce grasse qui est un morceau de serge ou de cuir fortement imprégné de graisse à base d’huile d’olive et de suif pour l’entretien des parties métalliques du fusil, d’une pierre de bois pour les exercices. On y trouve encore un tampon de cuir pour le bassinet avec sa chaînette qui permet de l’accrocher à la sous-garde. Ce tampon de cuir est indispensable, en effet durant les campagnes militaires, le soldat se déplace avec un fusil chargé, le chien rabattu et surtout le bassinet couvert de ce tampon de cuir qui permet d’éviter la production d’une étincelle lors d’un choc qui risquerait de faire partir un coup qui pourrait être dangereux. On trouve aussi une épinglette qui est une petite aiguille de fer ou de cuivre, terminée en pointe d’un côté et par un anneau de l’autre elle sert à nettoyer la lumière du fusil, elle se porte fixée à une des boutonnières de l’habit ou à la sous-garde par une chaînette de laiton.

Il y a aussi des objets communs à une escouade ou une chambrée. Comme une petite « phiole à huile » ou une petite boîte de graisse et un tournevis, un tire-bourre qui est un petit crochet en spirale qui se visse à l’extrémité de la baguette quand il faut décharger le fusil (donc une baguette d'origine aurait un pas de vis à son extrémité ?). Enfin un monte-ressort pour démonter la platine pour son entretien. Ce petit attirail était il porté par le caporal ? Ou laissé au campement avec les bagages ?

JL

Quelques différences chez Pétard et Bardin par rapport à la description de La Porterie, que je privilégie car contemporaine de l'objet.
Il cite, à l'intérieur de l'enveloppe qui sert envelopper le bois et qui forme la poche ventrale "la petite poche qui est en dedans sert à mettre le pulverin. Le cordon sert à la fermer." Il indique que le pulvérin est en corne fermé par un fond de bois et un bouchon de même. Au pulvérin est attaché un débouche lumière de rechange en cas de perte du principal attaché avec le tampon par une chainette au pontet de la sous-garde
C'est une basane qui couvre les cartouches et les trous, deux morceaux de cuir de russie forment les pattes latérales qui se rabattent jusqu'au deuxième trou du porte cartouche.

Une nouvelle fois, en moins de 24h, merci Messieurs

Bonjour,
Voici encore un document, dont je ne me rappelle pas l'origine, qui montre un soldat portant une cartouchière à petite contenance sur le ceinturon. Elle semble du modèle en cuir rouge cette fois ci ornementée d'une ancre.
Cordialement. Ps09

Les planches représentent des soldats des compagnies franche de la marine; comme les milices ils ont continué à porter une giberne ventrale glissée sur le ceinturon, par simple question d'économie. Cela évitait le cout d'une banderole de giberne.

Bien d'accord, La Porterie reste la source primaire, comme  le gabarit en bois de l'archéologie sous marine.
Bardin est juste cité parce qu'il est intéressant pour les dimensions qu'il donne de cette poche, notant qu'il n'en indique pas la source comme beaucoup d'auteurs du 19e.

JL

Un plaisir de vous lire, une ouverture sur le XVIII initiée à l'origine par PS09

Bonjour,
ces planches , dont les originaux sont dans une grande collection américaine, représentent les troupes de la marine du port de Rochefort en 1715 si j'ai bonne mémoire.
Si à ce temps les hommes ont la giberne au ceinturon, l'uniforme évoluera comme en témoigne cet extrait d'un tableau de Joseph Vernet daté de 1754, donc contemporain du dessin de La Porterie. La giberne est identique à celle de l'infanterie, au règlement de janvier 1747. A cette époque, le patron de cartouches est encore à 19 ou 20 trous.
Les bombardiers de la marine continueront à porter la cartouche de "cuir de Roussy" au ceinturon, la patelette était ornée d'une bombe brodée de soie (ordonnance de juin 1750)

Bonsoir,

Sujet très instructif.

Merci Messieurs pour vos contributions.

Cordialement.

Images du fond d'archives du Musée de la Marine, publiées dans divers articles de Jean BOUDRIOT sur les troupes de Marine au début des années 1970 dans la revue NEPTUNIA. Sur le site de l'Association des Amis du Musée de la Marine (AAMM), se trouve un index des articles classés par thématique.

https://www.aamm.fr/neptunia/recherche_articles

Ps09 a écrit:

Bonjour,
Voici encore un document, dont je ne me rappelle pas l'origine, qui montre un soldat portant une cartouchière à petite contenance sur le ceinturon. Elle semble du modèle en cuir rouge cette fois ci ornementée d'une ancre.
Cordialement. Ps09

Les trois dessins de Bombardiers de la Marine conservés dans la collection Anne SK Brown sont téléchargeables en ligne au format highres_jp2 sur le site de la Brown University (20Mo chaque).

https://repository.library.brown.edu/studio/search/?utf8=%E2%9C%93&q=bombardier&selected_facets=ir_collection_name%3APrints%2C+Drawings+and+Watercolors+from+the+Anne+S.K.+Brown+Military+Collection&selected_facets=genre%3Awatercolors&search_field=

Quelques couvertures de NEPTUNIA