Bonjour à Tous,
Nous y voici enfin... Cette 8ème description des tenues de l’Infanterie de Marine / Coloniale par la photographie, nous porte enfin vers ces latitudes tant espérées par nos ancêtres coloniaux.
Pour suivre la chronologie, voici le lien du dernier post :
https://www.passionmilitaria.com/t178976-tenues-de-l-infanterie-de-marine-coloniale-par-la-photographie-1886-1914Avant de détailler les tenues coloniales, je vous propose afin de nous mettre dans l’ambiance, de suivre un jeune engagé volontaire, le marsouin Mercier *, qui ...
« le 12 septembre 1890, se préparait au départ pour le Tonkin, dans la cour du quartier à Rochefort. Les paquetages faits, il quittait avec ses compagnons la ville au son de la Marseillaise. A la gare, la population en foule les acclamait et les saluait de hourra répété, auxquels ils répondaient gaiement. En route pour Toulon. Sitôt arrivés, ils sont dirigés sur les bateaux-pontons qui servaient de casernes aux troupes de passage. Le lendemain, le grand départ est fixé à 3 heures sur le « Comorin », mêmes scènes de liesse nationale aux cris de « Vive la France », « Vive l’Armée ». La scène est empoignante (ainsi dans le texte) et leur serre le cœur.Tout le monde avait revêtu la tenue coloniale et était en bourgeron de toile avec le képi recouvert du couvre-nuque.
.../... » ...32 jours de mer plus tard... Le Tonkin !
Cette petite introduction qui nous a amené au Tonkin, aurait tout aussi pu nous conduire au fin fond de l’Afrique, au Mali, sur des îles de l’Océanie, à Madagascar, en Chine même...
La médaille coloniale et ses innombrables agrafes témoignent des pages de gloire de nos Anciens, tout comme les médailles commémoratives témoignent des campagnes majeures : Tonkin, Madagascar 1er, Dahomey, Madagascar 2ème, Chine, Maroc...
Ces hommes, souvent isolés, vivant dans un environnement hostile à un contre cent, contre mille, dans des conditions sanitaires précaires ont donné à la France son plus grand Empire et d’innombrables pages de gloire.
Que ces lignes d’introduction maladroites ne soient que le témoignage d’une admiration et d’un respect profond à ces hommes d’un autre siècle.
Parmi eux, il y en a un, dont la célébrité est au-dessus de tous, un symbole, le Général GALLIENI.
Sur cette photo, qui fut reprise pour illustrer un article de l’Illustration du 15 juin 1905, le Général âgé de 56 ans a déjà une très longue carrière : Bazeilles en 1870 comme sous-lieutenant, l’Afrique, le Tonkin, Madagascar...
Il arriva dans la « Grande Ile » le 28 septembre 1896, comme général de brigade et résident général.
A l’époque de cette photo, en 1905, il porte sur sa tenue, sept galons sur lesquels sont posées ses trois étoiles de général de division.
Avant d’aborder les descriptions des photos et pour une meilleure compréhension, voici, en quelques jalons chronologiques succincts, l’évolution des tenues coloniales du début de la IIIème République à la veille de la première guerre mondiale. Comme toujours, il y eu des « glissements » assez importants entre règlements, instructions et applications au fin fond des territoires coloniaux. Cette liste ne donne donc que les grandes lignes, car les circonstances et les adaptations locales ont assurément fort nuancé les dates et les tenues.
- De 1873 à 1885 : Usage, en Asie,du
kéo de couleur brun foncé ou noir.
- De 1886 à 1895 : Usage d’un
paletot cachou sans col.- 8 Février 1895 : Suppression du
paletot cachou et introduction de deux tenues, l’une
bleue et l’autre
blanche.
- Juin 1901 : Suppression de la tenue bleue remplacée par une
tenue kaki.
Le paletot de 1873, pour sa part, traversa les années jusqu’en 1914 et après, sans subir de modification particulière.
Je vous propose donc de parcourir chronologiquement ces époques et de nous y arrêter en décryptant les photos en ma possession. Mais... Pour commencer, il m’est bien impossible d’illustrer,par une photo, un marsouin en Kéo. Dérogeant donc aux règles que je me suis fixées de n’exploiter que mes photos, voici des représentations de superbes dessins d’Henri Boisselier publiés en leur temps dans la revue « le Passepoil ».
Tonkin 1883. L’officier à gauche et le marsouin portent tous les deux le « kéo », une veste de coupe locale, confectionnée dans une étoffe légère de couleur brun qui virera par la suite vers le noir. Le kéo est porté flottant comme les dessins le représentent. Nos deux militaires ont un pantalon large, de tissus et de couleur identiques au kéo. L’officier a des jambières en toile forte, blanche ou en cuir, et le marsouin des guêtres blanches. Tous les deux sont coiffés du casque modèle 1878.
Témoignage de Louis Sarrat / Journal d'un marsouin au Tonkin :
Campagne du Tonkin en 1883 :
« Casque en liège blanc, sur lequel était adaptée une coiffe noire. En guise de vareuse en molleton, un "kéo" de coton noir et un pantalon de toile ou de treillis également en noir. Equipement se compose d'un couvre-pieds, dans lequel est roulé le pantalon de flanelle, la vareuse et le képi, porté en sautoir. A la courroie serrant le couvre-pieds, il est joint le campement, soit un bidon, soit une marmite ou un seau de toile, soit une pelle, une bêche à main ou une pioche. Dans la musette, 4 jours de biscuits, une boîte de sardines, des œufs durs ainsi que 14 paquets de cartouches soit 84 cartouches au total. Six autres paquets sont dans les deux cartouchières. »Le kéo sera supprimé en août 1885 pour être remplacé en été par le bourgeron et une ceinture de laine. Cette dernière avait été attribuée à l’Infanterie de Marine, pour le service d’outre-mer, dans les années 1878/1879.
L’illustration suivante, toujours d’Henri Boisselier pour la revue « le Passepoil », témoigne de cette tenue portée lors de la campagne du Dahomey, entre 1891-1892. L’illustrateur s’est appuyé sur des publications contemporaines pour sa réalisation. Bourgeron, ceinture de laine rouge ou bleue, accompagnent les équipements de cuir noir et le fusil modèle 1887.
Dès le 20 février 1886, l’adoption d’un paletot sans col, du modèle utilisé par les tirailleurs sénégalais, sera envisagée pour les soldats Européens. Ce paletot leur sera attribué, pour la tenue du jour, le 21 octobre 1886. La photo qui suit, prise à Hanoï, nous permet de le découvrir. Il est de couleur cachou et coupé droit, sans collet. Une ganse et une tresse de couleur bleue borde le col, cette même tresse se retrouve en bas des manches, simulant un parement droit. Dans le texte, il se ferme par quatre boutons en cuivre estampés à l’ancre colonial. Sur la photo, bien que seuls quatre boutons soient visibles, il semble qu’un cinquième soit caché par la main, les plis du tissu semble le laisser penser. Les galons de 1ère Classe, amovibles, nous révèlent que notre marsouin a déjà un « passé » militaire. Cette distinction avait bien plus de valeur dans la Coloniale que dans la ligne. Un pantalon de toile blanche, introduit en 1873, complète la tenue.
A cette même époque, un nouveau casque colonial, le modèle 1886, est introduit avec comme insigne en cuivre, l’ancre de la Coloniale. C’est ce nouveau casque qui est posé sur la table. Le modèle antérieur, le 1878, était dépourvu de tout ornement.
A droite, le paletot de « type sénégalais » en situation par le dessin, au Soudan et au Sénégal en 1887.
Le paletot du type « Sénégalais » en toile cachou sera porté jusqu’à la circulaire du 8 février 1895, toujours « théoriquement » et « officiellement ». Circulaire modifiant les tenues de l’Infanterie et de l’Artillerie de « la » Marine et introduisant deux tenues de couleur blanche et bleue pour le service aux colonies.
En tenue du jour, puis en grande tenue, la nouvelle tenue blanche remplacera durablement le paletot de type « sénégalais ».
Quant à la tenue bleue, portée en opérations et lors des campagnes de Madagascar et de Chine, elle n’aura, somme toute, qu’une existence éphémère car remplacée dès le 3 juin 1901 par une tenue de toile kaki.
Là encore, les photos originales me manquent et m’obligent à illustrer mes descriptions par ce nouveau dessin d’Henri Boisselier représentant un caporal en 1897 au Congo-Tchad en tenue de campagne.
Le paletot ainsi que le pantalon sont en toile bleue. Le paletot se ferme par cinq boutons d’uniforme et il possède un collet droit sans aucun ornement. Les manches se terminent par des parements droits, non représentés ici. Le casque blanc, pour la circonstance, a été recouvert d’une coiffe de même matière et couleur que le paletot. Les galons sont écarlates sur une patte mobile bleu foncé. L’équipement est en cuir noir et la couverture pliée dans la toile de tente.
En ce début de siècle, la photographie se démocratise un peu aux colonies, et me permet de revenir à mes fondamentaux, l’exploitation des photos...
1895... 1901...
De façon durable, deux tenues vont parcourir les prochaines décennies. Deux teintes, mises en lumière par cette photo aux allures décontractées : Le blanc et le kaki.
Photo de septembre 1913
Comme évoquer donc, le 8 février 1895, une nouvelle tenue blanche était allouée aux troupes de l’Infanterie de Marine qui sera Coloniale, sous peu.
Elle se compose d’un paletot et d’un pantalon. Sur la photo suivante, notre marsouin photographié en 1909, porte le paletot de toile blanche fermant par six gros boutons d’uniforme en cuivre. Sur le collet droit sont agrafées des pattes mobiles en drap de sous-officier bleu foncé, piquées à la machine sur un fond de drap écarlate débordant en passepoil de 2mm. (Difficilement visible sur la photo). Ces pattes portent depuis peu, la photo ayant été prise en 1909, l’ancre encablée.
Entre 1903/1904 et 1909, le numéro du régiment y figurait. Précédemment, entre le 3 juin 1901 jusqu’après 1903, c’était l’ancre sur pattes mobile qui y figurait. Et dans les premières années, du 8 février 1895 au 3 juin 1901, le numéro régimentaire écarlate était piqué directement sur le collet.
Les brides d'épaulettes, bleu foncé, liserées d’écarlate, sont du modèle du paletot en molleton. Visible sur la photo la patte en toile du fond permettant de maintenir le ceinturon. Elle se ferme au moyen d’un petit bouton.
Le pantalon blanc est confectionné en toile de chanvre ou de lin.
Haïphong le 9 mai 1909
Cette tenue blanche, portée avec le casque colonial blanc, était utilisée pour le service de garnison, mais aussi en grande tenue, pour les prises d’armes comme la photo ci-dessous en témoigne. Dans ces circonstances, le paletot était porté avec des épaulettes de laine jonquille. La photo a été prise au Tonkin, le capitaine commandant la compagnie est monté sur un petit cheval caractéristique de la région.
Les hommes sont équipés des cartouchières accompagnant le fusil Lebel. Elles furent en dotation dans l’Infanterie de Marine à partir de 1896, en France dans un premier temps, puis dans les colonies. Précédemment, les marsouins faisaient usage de différents types de cartouchières non réglementaires, portées soit sur la poitrine, soit sous les aisselles. L’ancre se devinant par endroit sur les pattes de collet, la photo fut prise vraisemblablement vers 1910.
Prise d’armes / Grande tenue
La photo suivante n’apporte rien de plus du côté uniformologie, mais beaucoup pour l’ambiance... Pour le plaisir des yeux uniquement...
Les deux photos suivantes nous permettent de mesurer l’écart entre le règlement et la pratique au quotidien.
Sur la première photo, prise à Saïgon en 1913, une poche de poitrine est présente tout comme sur la photo de droite. Ce second paletot possède en outre sept boutons... comme pour les tuniques blanches des officiers et adjudants qui possèdent deux poches de poitrine et sept boutons effectivement. Qu’en déduire ? Qu’entre le règlement et la réalité, il y a une certaine « adaptation » propre à la mode, à l’usage, à l’éloignement... Assurément, à moins que ce ne soit simplement l’écart entre ce que je crois connaitre et la réalité... Probablement aussi !
Saïgon 3 avril 1913 Caporal rengagé
Pour illustrer mes propos au regard de la tenue des officiers et adjudants, voici ci-dessous, deux adjudants aux colonies. Le premier a gardé pour la circonstance sa tunique modèle 1893 et porte le pantalon blanc, semblable dans sa coupe et ses dimensions au pantalon d’ordonnance. Il est confectionné en toile blanche ou en coutil fin blanc. Le second, porte la tunique blanche d’officier et d’adjudant avec ses deux poches de poitrine sans patte (difficilement visibles mais bien présentes). Les brides d’épaulettes sont en or et les galons mobiles comme pour la troupe. Les sept boutons sont réglementaires. La similitude des effets portés est frappante entre le caporal rengagé et l’adjudant... Tolérance au regard de son grade de caporal rengagé ou fantaisie du photographe au travers d’un prêt de circonstance ?
Sur ces tenues blanches, les galons de grade et de fonction étaient amovibles tout comme les soutaches d’ancienneté. Sur cette photo prise au Tonkin, le caporal clairon PASTOR du 1er Tirailleurs Tonkinois nous permet de le constater. Son grade de caporal (distinction forte au sein des troupes coloniales) et ses décorations (Médailles Coloniale et du Maroc) nous révèlent un soldat de carrière expérimenté.
Caporal clairon du 1er Tirailleurs Tonkinois J.PASTOR
La deuxième tenue introduite le 3 juin 1901 fut donc la tenue de toile kaki.
Sur cette photo, prise en 1909 à Saïgon, nos trois marsouins, nous permettent de détailler la tenue de jour et de campagne. Elle se compose d’un paletot et d’un pantalon de toile de coton croisé de couleur kaki.Très semblable pour sa coupe au paletot de toile blanche, le paletot kaki, fermant droit par six boutons, en diffère par la présence de pattes d’épaules cousues aux emmanchures et se boutonnant au moyen d’un petit bouton d’uniforme posé à la base du collet. En outre, tenue de campagne oblige, à l’intérieur de la poche gauche, est appliquée une pochette destinée à recevoir le paquet de pansements. Le collet reste droit avec des pattes de collet mobiles en drap bleu foncé, passepoilées d’écarlate et portant l’ancre de la coloniale. Les galons, de grade et de fonction, sont mobiles.
La photo suivante, sans révéler plus de détail, nous présente, dans sa tenue kaki, le marsouin Eugène CHAUSSON lors de son séjour en Cochinchine.
Les photos suivantes démontrent une fois de plus, qu’entre textes officiels et applications locales, le fossé est souvent grand... Mais ces photos démontrent surtout que l’uniformologie est loin d’être une science exacte et que les circonstances, l’éloignement, l’adaptation aux contraintes locales et voir même probablement la fantaisie de quelques maîtres tailleurs, la rende passionnante tout en battant en brèche les certitudes vite démenties par une preuve en photo...
Pour justifier mes propos, quelques photos parmi de nombreuses autres révélant une certaine distance avec les règlements :
(1) Sergent avec un paletot à six boutons, mais deux poches de poitrine sont apparues alors que les pattes d’épaules ont été purement supprimées.
(2) Mars 1914, caporal et marsouin, les boutons sont cette fois au nombre de sept, alors que les pattes d’épaules ont été pour l’un supprimées et pour l’autre remplacées par des brides d’épaulettes...
(3) Octobre 1911, caporal rengagé, 7 boutons, avec une seule poche de poitrine
(4) Deux marsouins, 6 boutons, deux poches de poitrine et brides d’épaulettes...
(5) Marsouin de 1ère Classe rengagé. Il a l’allure d’un officier. Pattes de collet à l’image de celles des officiers. A noter aussi, encore plus particulier, les boutons qui ferment le collet alors que celui-ci est systématiquement agrafé. Sinon, six boutons et deux poches de poitrine. L’une d’elles, supporte une ancre encâblée revendiquant probablement la fierté de son propriétaire à appartenir à la Coloniale.
(1) (2)
(3) (4)
(5)
Tout comme pour la tenue blanche, les galons de grade et de fonction étaient amovibles sur le paletot kaki.
Au sein de l’Infanterie Coloniale, plusieurs fonctions étaient matérialisées sur les uniformes par des marques distinctives, au collet et/ou sur les manches.En voici, ci-dessous, quelques représentations en photos.
Pour commencer, ci-dessous, un télégraphiste colonial, posant dans un pousse-pousse au Tonkin au début du 20ème siècle.
La section des télégraphistes coloniaux, créée par le décret du 28 décembre 1900 et organisée par l’instruction ministérielle du 16 juillet 1901 est initialement rattachée administrativement au 4ème RIC de Toulon avant d’acquérir son autonomie le 1 avril 1909. Le rôle de ces techniciens aptes à assurer les fonctions de télégraphistes optiques ou électriques, s’associait souvent de fonctions particulières au profit de la colonie, comme la gestion de bureaux civils de télégraphie ou comme receveurs des postes. Fonctions accompagnées d’un confort particulier et d’avantages financiers non négligeables.
Notre télégraphiste porte comme signe distinctif, au collet, une étoile à cinq branches de laquelle sortent trois foudres sur chacun des deux côtés. Cet attribut distinctif est brodé en laine rouge sur une patte bleu foncé identique à celle portée sur le paletot de molleton. Le casque est conforme au modèle général avec une ancre encâblée sur le devant.
La photo suivante nous permet de visualiser les galons mobiles de caporaux et surtout de clairons. Les galons de clairons sont du même type que ceux apposés sur la capote ou le paletot de molleton, à savoir à losanges tricolores. Dans le cas d’un paletot en toile, le galon n’est posé qu’en bas des manches et ne figure pas au collet.
Notre caporal-clairon est un soldat expérimenté, portant la médaille coloniale avec une agrafe ainsi que la médaille commémorative de la campagne du Maroc avec deux agrafes.
Cette dernière médaille a été décernée à partir de 1909 en commémoration des durs combats de la campagne.
La photo suivante, prise à Saïgon en avril 1912, nous présente très probablement la fanfare du 11ème Régiment d’Infanterie Coloniale.
Les musiciens portent sur chaque manche, une lyre découpée en drap de sous-officier écarlate et brodée extérieurement d’un cordonnet en or.
Le chef de fanfare, assis au premier rang, et médaillé militaire, porte la tunique d’officier avec au parement un galon d’adjudant. Le collet présente des pattes de couleur bleue avec une lyre d’or brodée.
Et pour terminer la revue des attributs spéciaux, ci-dessous, un infirmier des Troupes Coloniales, que prouve la présence des boutons à l’ancre encablée de son paletot. Son collet ne porte pas, pour l’occasion, l’attribut de sa spécialité, à savoir un caducée brodé en fil rouge sur un écusson mobile de drap bleu. Cet attribut serait représenté par un serpent entourant un bâton, lui-même entouré de deux branches, l’une de chêne et l’autre de laurier.
La photo de notre marsouin de première classe rengagé, Théogène de son prénom, a beaucoup souffert du temps et de son parcours entre Moncay au Tonkin et la France, mais est intéressante à plus d’un titre.
En premier lieu, les infirmiers sont rares et d’autant plus en cette année 1907, date de la photo.Le casque colonial laisse bien voir l’attribut en cuivre, découpé et estampé en relief, qui représente un faisceau de baguettes autour duquel s’enroule le serpent d’Epidaure surmonté du miroir de la Prudence. Cet ensemble est entouré des deux branches de chêne et de laurier ainsi que de deux drapeaux à demi déployés.
Pour le reste de la tenue, pas de particularité qui n’ait été précédemment relevée.
Quelques mots peut-être sur l’organisation de la section d’infirmiers militaires des troupes coloniales.Le décret du 11 juin 1901, portant sur l’administration des troupes coloniales, et l’instruction en date du 19 novembre 1902 en précisent les attributions, recrutement, avancement, etc...Ainsi que l’uniforme.
Sans rentrer dans le détail, il est à noter que deux catégories de personnel étaient mentionnées : Les infirmiers commis aux écritures et les infirmiers de visite et d’exploitation du service général. Quelle était la fonction de notre infirmier Théogène, ni l’histoire, ni la carte postale, ne le disent...
Le marsouin suivant, aux moustaches conquérantes, nous ramène en opération et à la tenue de campagne plus particulièrement.
Cette photo a été prise au poste de Nui Déo, au Tonkin en octobre 1905 et représente un marsouin du 18ème R.I.C appartenant à la brigade de réserve de Chine.
Pas de remarque supplémentaire sur les effets de toile kaki, le casque colonial modèle 1886, en liège, aurait pu être recouvert d’une toile de même couleur que le paletot comme c’est souvent le cas, mais pas ici. Ce casque attribué depuis le 21 octobre 1886, aura une longue carrière avant son remplacement par le modèle 1931.
Le fusil LEBEL modèle 1886/1893 a été délivré quant à lui à partir de 1894 en France, avant d’être en dotation aux colonies. L’équipement que porte notre marsouin a été en dotation plus tardivement, à partir de 1896 en France.
Ce nouvel équipement qui accompagnera les coloniaux jusqu’en 1914, avant l’arrivée du cuir fauve, mettra un terme aux usages d’équipements locaux non réglementaires, comme au Tonkin, avec le port de cartouchières de poitrine par exemple.
L’effet le plus emblématique de l’Infanterie Coloniale est sans nul doute, le paletot de molleton. Bien que « chaud », il ne sera pas exclu des expéditions coloniales et cohabitera bien souvent avec les tenues blanches ou kaki. Les climats sous les tropiques ne sont pas toujours cléments, et on retrouvera le paletot dans tous les paquetages, que ce soit pour se protéger des soirées fraiches du nord du Tonkin ou des saisons humides de Madagascar, sans parler des neiges de Chine. Soit, ce n’est pas le vêtement le plus rencontré, le ministre de la Guerre, au travers d’une circulaire du 10 juin 1901, va même jusqu’à échanger pour les coloniaux partant en Cochinchine, le deuxième paletot de molleton contre un paletot de toile blanche...
Mais, il est là et bien là sur les photos et porté avec fierté par ce conquérant, caporal et déjà médaillé militaire !
Les photos suivantes se passent de commentaires particuliers, j’ai largement détaillé le paletot de molleton dans le post précédent...Sous-officiers et marsouins posent, pour le plaisir des yeux... Le sergent major ne porte pas précisemment de paletot mais la tenue de sortie en ville qui fut attribuée aux sous-officiers rengagés ou commissionnés le 16 décembre 1901.
Les militaires suivants portent-ils le pantalon de flanelle gris de fer bleuté en lieu et place du pantalon de drap, probablement, car introduit depuis 1881, il est réservé aux cantonnements depuis 1891 et bien plus supportable à porter par forte chaleur.
Après avoir dressé un inventaire des uniformes réglementaires présents sous toutes les latitudes ou presque, il y eut des campagnes ou des circonstances qui imposèrent l’emploi de vêtements appropriés aux climats ou à la situation des lieux.
De façon chronologique, et sans aucune ambition d’être exhaustives, voici quelques précisions uniformologiques propres à la campagne et à l’occupation de Madagascar à partir de 1895 et à la présence Française en Chine lors et après la campagne de 1900.
1895...
2ème campagne de Madagascar... et la pacification de la « Grande Ile ».
Comme je l’ai évoqué précédemment, à cette époque, entre février 1895 et juin 1901, la tenue cachou, dans un tout premier temps puis la tenue bleue,sont celles qui furent portées pour les opérations militaires et plus particulièrement pour la conquête de l’île.
De façon précise, lorsque le corps expéditionnaire se forma, les troupes de marine reçurent de la Marine, leur ministère de rattachement, les équipements suivants (*) :
« Une capote, un pantalon en drap et un képi. Ces trois effets devaient être laissés à Majunga pour être remis aux hommes rapatriés.
Un casque en liège,un bourgeron en toile, deux paletots en toile cachou, deux gilets de flanelle,une ceinture de flanelle, un pantalon de flanelle,un pantalon blanc et un paletot de molleton.
L'administration de la Guerre eut à pourvoir les troupes de marine de :
Un second pantalon de flanelle, un collet à capuchon, une coiffe de casque, un béret, une troisième paire de chaussures,une paire d'espadrilles, une ceinture de laine, des ustensiles de campement en aluminium, une serpe avec étui, une couverture imperméabilisée, un sac-tente-abri et une moustiquaire. »(*) Extrait de : « Conquête de Madagascar 1895-1896 de Jules POIRIER ».
Lorsque le corps expéditionnaire s’installa dans sa phase de pacification, les marsouins furent équipés de la tenue bleue, avec dans leur paquetage la tenue blanche.
Après juin 1901, le kaki remplacera petit à petit le bleu et c’est dans ce contexte que les photos suivantes présentent ces marsouins à Madagascar.
La tenue blanche reste,comme la photo le montre, la tenue de garnison à Madagascar comme ailleurs. Sur ce cliché, le béret bleu foncé des chasseurs alpins que les marsouins portaient lorsque le casque colonial n’était pas utilisé.
Il peut être intéressant de préciser que le Général GALLIENI jugeait la tenue blanche inadaptée.
Extrait de « Madagascar - La vie du soldat - Général GALLIENI » :
La tenue blanche peut disparaître sans inconvénient ; elle ne répond à aucune nécessité pratique ; en outre, elle est très salissante et exige, pour son entretien, des soins constants et des lavages très fréquents qui l'usent beaucoup plus rapidement que les autres effets. Enfin, la suppression de cette tenue simplifierait la constitution des approvisionnements.Il précisait aussi que :
... les expériences ont amené à conclure que la tenue du soldat d'infanterie européenne à Madagascar doit comprendre :
Une tenue kaki ;
Une tenue de drap ;
Un collet à capuchon en caoutchouc ou tissu caoutchouté ;
Une ceinture de laine.Précision importante que ce collet à capuchon gris de fer bleuté que je ne peux illustrer à Madagascar mais que l’on retrouvera en Chine.
Sur la photo suivante, la tenue de drap kaki, le béret, la ceinture de laine ou de flanelle, les casques coloniaux... Les « chaussures de repos avec empeigne de toile » faisaient aussi parti de la dotation aux marsouins.
Campagne de Chine 1900/1901 et après...La campagne de Chine débuta en juillet 1900 et dès cette date, l’Infanterie de Marine y participa activement. Le 16ème Régiment d’Infanterie de Marine y sera formé le 28 juin 1900 avec des éléments prélevés sur les garnisons d’Indochine, tout comme le 17èmeRIMa qui fut pour sa part constitué avec des bataillons de marche dans le cadre du Corps Expéditionnaire.
Le 20 septembre, le Général VOYRON prend le commandement du corps expéditionnaire dont la 1ère Brigade se compose alors des 16, 17 et 18èmeRIMa.
En 1901, l’expédition se termine, l’occupation, qui verra des troupes françaises sur le territoire Chinois jusqu’à la mi 1946, commence.
Revenons à la période de la campagne expéditionnaire qui se déroula donc peu de temps après celle de Madagascar Elle verra tout naturellement les marsouins habillés sensiblement de la même manière, à quelques exceptions près au regard du climat.
Si l’on se rappelle bien, la tenue bleu fut introduite le 8 février 1895 et supprimée en juin 1901...
Dans un rapport, le Général VOYRON nous donne quelques détails sur la tenue des marsouins à l’entrée de la campagne :
« Les hommes des troupes de la marine avaient emporté la tenue coloniale, avec l'armement, l'équipement et le campement réglementaires, y compris la tente-abri. Ils avaient reçu, en outre, un pantalon de drap.
Le général en chef avait demandé, de plus, qu'une commande de 15.000 vêtements de toile kaki fût faite immédiatement en Indo-Chine pour donner à tous les hommes du corps expéditionnaire, à leur débarquement et jusqu'au moment du changement de saison, une tenue pratique et uniforme;mais cette demande ne reçut pas satisfaction, et ce n'est que très tardivement,au printemps 1901, que le corps expéditionnaire reçut, non les effets kaki demandés, mais des effets de toile bleue qui prirent très vite un vilain aspect sous l'influence du soleil et des lavages et qui auraient eu,en cas d'opérations en commun avec d'autres troupes alliées, l'inconvénient de donner lieu peut-être à de graves méprises, le bleu étant porté par beaucoup de Chinois. »Ce rapport est particulièrement important car il est de notoriété publique que la tenue bleue fut celle de la campagne, et bien, si le général relate bien des faits avérés, il n’en fut rien, au moins avant le printemps 1901 !
Le général VOYRON poursuit pour :
« La saison d'hiver, qu'on savait devoir être très rigoureuse dans le nord de la Chine, on expédia à Takou,
Indépendamment de la réserve d'effets de toutes natures nécessaires pour assurer les remplacements pendant six mois, les approvisionnements voulus pour distribuer à chaque homme en sus des vêtements d'hiver portés en
France :
1° Une pèlerine à capuchon, une paire de bandes molletières et un béret de chasseur alpin et autres effets... »Toute l’emblématique des photos ci-dessous prises en Chine se résume par cette attribution de la pèlerine à capuchon, des bandes molletières et du béret bleu foncé.
Ces hommes appartiennent au 17ème Régiment d’Infanterie Colonial, il est intéressant de noter l’insigne des bérets, qui cumule, ancre de la Coloniale et le numéro régimentaire.
Quelques photos à suivre, d’officiers et d’adjudants, afin de terminer cette nouvelle revue des uniformes coloniaux.
Pour commencer, un adjudant et deux sergent-majors, dont l’un assis porte la pelisse coloniale... Pelisse normalement réservée aux seuls officiers et adjudants. L’iconographie présente pourtant bien souvent des sergents, sergent-majors portant cette pelisse. Y-a-t-il un texte le permettant, je l’ignore.
Le 10 mars 1902, une décision stipule que
« Le port du vêtement dit « pelisse coloniale », dont la description est annexée à la présente décision, est autorisée dans toutes les colonies. Les officiers et les adjudants de toutes armes pourront porter cette pelisse aux manœuvres, dans les exercices en campagne, pendant les marches et aux exercices journaliers, et en dehors du service lorsque la température le rendra nécessaire. Ce vêtement, comme la pelisse de France, est autorisé, mais non obligatoire. » En voici la description détaillée :
La pelisse coloniale est confectionnée en molleton bleu, doublée en satin de Chine noir. Sa longueur est telle qu'elle déborde le bas de la tunique et ne touche pas la selle quand l'officier est à cheval. La pelisse se ferme droit au moyen de sept gros boutons d'uniforme à culot plat en or ou en argent suivant le corps. Sur le devant gauche est pratiquée une ouverture verticale de 60mm pour le passage du crochet du sabre. Sur les devants, la pelisse est pourvue de quatre poches disposées de la manière suivante : 1° Deux de chaque côté de la poitrine, elles sont garnies d'une patte se fermant au moyen de deux petits boutons d'uniforme en métal. 2° Deux à hauteur du dernier bouton, garnies de pattes sans fermeture. Les manches sont garnies de galons de grade en or. Le collet est de forme rabattue dite « à la Saxe » avec un pied de 30mm de hauteur environ, afin d'encadrer le collet du vêtement porté sous la pelisse. Il porte sur les pointes deux écussons aux insignes distinctifs de l'arme ou service. La pelisse porte sur les épaules des brides d'épaulettes analogues à celles de la tunique. A l'intérieur et de chaque côté de la poitrine sont pratiquées deux poches dites « à portefeuille ».
La photo suivante nous présente un lieutenant monté sur un petit cheval indochinois, portant dessus sa tenue kaki, tunique et pantalon, la fameuse pelisse mais avec neuf boutons. S’agit-il d’une évolution réglementaire, comme ce fut le cas pour la tunique qui passa de sept à neuf boutons le 27 janvier 1911 ?
Les marsouins ainsi vêtus, en association avec d’autres illustres formations, donneront à la France son plus Grand Empire, qui comptera jusqu’à plus de 55 millions d’habitants en 1921.
L’épopée coloniale se poursuivra encore dans la sueur et le sang, sous le soleil écrasant des colonies, pendant que la « ligne bleue des Vosges » commencera à se couvrir de sombres nuages à l’été 1914. Autres lieux, autres combats, c’est ce que je vous propose d’essayer de retranscrire dans le prochain descriptif qui couvrira la Grande Guerre en Europe, et plus particulièrement les uniformes de nos coloniaux qui, du gris de fer bleuté au kaki, en passant par le célèbre bleu horizon, arpenteront les boues des tranchées.
Cordialement
JLUC.