Ste-Hélène, la seule terre que l'Angleterre offrit à un Français - Vichy - 1943

Bonjour à tous,

« Sainte-Hélène : la seule terre que l'Angleterre offrit à un Français ». L'on pourrait penser que derrière ce titre se cache une histoire de Napoléon exilé sur cette île au cœur de l'océan Atlantique, où il meurt le 5 mai 1821. Certes, cet ouvrage évoque Sainte-Hélène, mais il n'en est pas le sujet central, il est plutôt un prétexte pour Vichy. Prétexte pour dénoncer le rapt par les Alliés et, de manière sous-entendue, la France libre, des colonies françaises à travers les siècles.
Plaçons tout d'abord cet ouvrage dans son contexte, et plus particulièrement dans le contexte de la propagande de Vichy dirigée contre la Grande-Bretagne.
La Grande-Bretagne, au déclenchement du second conflit mondial, est l'alliée de la France. Les armées britanniques sont venues sur le territoire national, ont combattu ardemment avec les troupes françaises pour défendre le nord-est, avec de se rembarquer à Dunkerque en juin 1940. La défaite de mai-juin 1940 apporte avec elle la scission dans le pays entre une France refusant la défaite, et une France qui va faire confiance au Maréchal Pétain dans ses actions à la tête du gouvernement. La République ne cesse pas d'exister, mais elle se transporte outre-Manche, et dans certains territoires de l'Empire qui, très vite, dès juillet 1940, se rallient à De Gaulle. C'est le cas notamment des Nouvelles-Hébrides, des Établissements français dans l'Inde, puis des territoires de l'AEF en Afrique. En métropole, le pays est divisé, pour résumer, entre un territoire occupé et une France au sud de la ligne de démarcation, dirigée par Pétain depuis Vichy. L’État français va assez rapidement mettre en place un service de propagande pour pointer du doigt les « traîtres », les ennemis. Parmi eux, l'Angleterre. Très vite, on dénonce l'Anglais, qui n'aurait pas engagé totalement ses forces dans la bataille, qui aurait abandonné le Français à Dunkerque. On se rend compte que cette première propagande est notamment initiée par l'Allemagne. On vise aussi la personne de Winston Churchill, vu à la fois comme un manipulateur ou un homme manipulé, sur fond d'antisémitisme déjà présent. On vise enfin la radio britannique, notamment la BBC, accusée de transmettre des mensonges, des bobards aux Français qui écoutent ces radios. Les publications anti-britanniques sont déjà nombreuses entre juin et décembre 1940 : près de 30 publications sur ce sujet.
Un des sujets qui va concentrer la propagande vichyste à l'égard de la Grande-Bretagne, c'est le rapport aux colonies. Mon ouvrage s'inscrit pleinement dans cette propagande. L'immense importance des colonies françaises, à la fois pour leur positionnement dans le monde, leur réservoir de ressources vitales pour la suite de la guerre, fait l'objet de vives convoitises, entre les deux France. J'ai évoqué plus haut ce ralliement rapide d'une grande partie des territoires de l'Empire à la résistance. Quelques territoires en 1940-1941 restent sous la domination de Vichy, à l'image de l'AOF, de Madagascar, mais aussi la Martinique et la Guadeloupe. Pourtant, la propagande se déchaîne contre l'Angleterre. On va donc utiliser l'histoire coloniale pour apporter un nouvel argument afin de faire comprendre aux Français que l'Angleterre est une « voleuse de terre ». Plusieurs événements vont servir de point d'appui à cette propagande sur le thème de l'Empire colonial : Oran le 3 juillet 1940, Dakar le 9 septembre 1940. Et puis, on va remonter le temps, pour dire aux Français que depuis le XVIIIème siècle l'Angleterre s'est emparée des terres français dans le monde.  C'est là l'objet de ce livre : relater l'histoire des terres que l'Angleterre a prise aux Français au cours de l'histoire pour arriver à 1943, date de publication de cet ouvrage à l'Imprimerie Bellamy (115 rue Réaumur à Paris), moment où il ne reste quasiment plus rien à la France de cet Empire (la France de Vichy). La préface donne le ton : « De 1940 à 1942, les Anglais et les Américains, aidés par quelques traîtres et une poignée d'égarés, ont profité des malheurs de la France pour lui voler son Empire colonial, conquis et défriché par cinq générations de héros. A ceux qui, éternels gobe-mouches, s'imaginent que les Churchill et les Roosevelt n'ont mis la main sur nos colonies que pour les garder et nous les rendre, une seule réponse : l'exemple de l'histoire trop souvent oublié. Il y a trois siècles que l'Anglais s'empare, chaque fois qu'il en a l'occasion, des terres de nos découvreurs, nos soldats, nos marins, nos colons ont, sous tous les régimes, rendues françaises. Les Indes, le Canada... Et combien d'autres, qui devraient être les plus beaux fleurons de notre couronne, si l'avidité d'Albion l'avait permis ! Notre empire colonial de 1939 n'était que la moindre part de celui qui fut réellement conquis par le sang et par l'effort français. En voici la preuve ». Puis, dans la trentaine de pages qui composent cet ouvrage, on détaille l'histoire des territoires du Premier Empire colonial d'abord, du second ensuite, avec, à chaque fois, la manière dont l'Angleterre ou les États-Unis se sont emparés du/des territoire(s) en question. Ce qui attire l'attention c'est l'évocation des territoires ralliés à la France libre en 1940 : à aucun moment il n'est fait mention de leur ralliement à l'autre France, à la France libre. Aucun. On préfère mentionner le fait que ce sont deux puissances étrangères, Angleterre et États-Unis, qui se sont emparées des territoires. Plusieurs exemples : les Nouvelles-Hébrides « passent sous le contrôle britannique en août 1940 » ; les archipels des Établissements français de l'Océanie  « furent successivement occupés par les Anglo-Américains d'août 1940 à août 1941 » ; « en août 1940, la Nouvelle-Calédonie est occupée par l'Angleterre » ; « pendant la guerre de 1939, l'Angleterre s'empare de l'A.E.F. Aux dépens de la France, son ex-alliée (Tchad, Oubangui-Chari, Moyen-Congo, Gabon) ». Ces quelques exemples là montrent que la réalité est déformée, à la fois dans les dates et les faits. On nie la présence de la France libre, on nie De Gaulle, on nie que ces territoires sont encore Français, mais d'une autre France. Autre exemple intéressant avec la Guadeloupe : « La Guadeloupe, théoriquement sous le contrôle français, est devenue une base anglo-saxonne en 1941, après les accords passés entre le gouverneur et les U.S.A. ». Encore une fois, l'utilisation de l'expression « contrôle français » montre que l'on ne veut pas connaître ou reconnaître l'existence de la France libre. On a donc ici la volonté farouche de montrer l'Angleterre sous son mauvais jour. On rappelle quelques événements de l'histoire coloniale où les deux puissances se sont livrées tension, à l'exemple de Fachoda. Dans cette évocation, au chapitre concernant le Soudan anglo-égyptien, on désigne la flotille anglaise venue à Fachoda quelques temps après l'arrivée de la colonne Marchand sur le site, d' « ennemie ».
L'ouvrage se termine en évoquant Sainte-Hélène, seule terre qui reste française. On évoque l'histoire de l'île, la présence de l'Empereur, ce qu'il advient de l'île suite à la mort de l'Empereur. Et on revient pour terminer à la propagande anti-britannique, en évoquant, pour la première fois, le gaullisme, la France libre : « Mais il fallait sans doute que Napoléon subit de ses geôliers un dernier  outrage... le plus imbécile de tous. La radio anglaise nous a appris en octobre 1942 que le conservateur français de Longwood avait adhéré au gaullisme ! Le gardien du souvenir de Napoléon fait confiance à l'éternelle Angleterre ! C'est elle qui nous le dit ! Dérision ! Mais ceux à qui le grand homme a légué « l'opprobre de sa mort » sont en train de subir le poids de la justice immanente. Par leurs neveux d'Amérique, les pillards sont à leur tour pillés. L'Empire, fruit de tant de rapines, s'écroule... Pendant que, par la vertu de la grandeur, Sainte-Hélène reste française ». On en revient ici aux mensonges de la radio, au visage de l'Angleterre que cette propagande veut mettre en avant.


Un dernier intérêt de cet ouvrage réside dans la présence d'une très grande carte de l'Empire français, qui a pour objectif de matérialiser sur le planisphère ces terres passées à l'ennemi anglais et l'ennemi étasunien, au fil du temps, avant 1940 et depuis 1940. J'avais déjà cette carte, il me manquait l'ouvrage ici complet. Les couleurs rouge et jaune permettent de visualiser ces territoires. En bleu restent les terres françaises. On retrouve ici sur la carte les incohérences historiques présentes dans l'ouvrage, mais aussi des différences dans les surfaces mentionnées dans l'ouvrage et sur la carte. C'est le cas de la Côte française des Somalis ou de la Guyane pour ne prendre que ces deux exemples.

Voici donc un ouvrage de propagande qui entre dans le contexte de la dénonciation des actions de l'ennemie britannique et de ses alliées, nommé clairement dans le cas des États-Unis, sous-entendu dans le cas de la France libre. Il est à replacer dans le contexte de conflit en Afrique, des enjeux liés aux colonies, et, plus globalement, de cette propagande anti-britannique, qui édite jusqu'à une trentaine de documents en cette année 1943. Dès 1942, des affiches du Secrétariat à l'Information avaient matérialisé cette anglophobie au sujet des colonies, à l'image de la célèbre affiche montrant un bouledogue croquant le globe où figurent en rouge les terres de l'Empire où la violence fut exercée par l'ennemie. Un autre exemple réside dans une carte sino-centrée, elle aussi célèbre, avec comme titre : « Français, regardez cette carte », et montrant les lieux de conflits entre les Français et les Anglais dans l'Empire. On y retrouve le Canada, Mers-El-Kébir, Fachoda, Dakar.

Ouvrage rare, peu connu. Je n'ai vu, en dehors du mien, passé qu'un exemplaire ces cinq dernières années.


Source : Françoise Passera, « La propagande anti-britannique en France pendant l’Occupation », Revue LISA/LISA e-journal [En ligne], Vol. VI – n°1 | 2008, mis en ligne le 15 juin 2009, consulté le 04 mai 2020. URL : http://journals.openedition.org/lisa/501 ; DOI : https://doi.org/10.4000/lisa.501

Cordialement.

Bonjour Poddichini,
Ouvrage manifestement très anti-britannique ou anglo-américain, comme il faut s'y attendre pour un ouvrage réalisé sous le gouvernement de Vichy. Les auteurs sont-ils connus ??
Il est probable que la majorité des ouvrage encore existants après la Libération ont été passé au pilon...
Amicalement,
Grincheux

Bonjour,


Intéressant article, cher Poddichini, sois-en remercié.


Cependant, la carte me parait, sous toutes réserves, frappée d'une légère inexactitude : je pense que, au milieu du XVIIIème siècle, les terres Françaises, découvertes par nos coureurs des bois sous l'autorité théorique ou réelle du gouverneur de la Nouvelle-France s'étendaient plus loin vers le nord-ouest que ne le montre la carte, pratiquement jusqu'à toucher les établissements Russes et Espagnoles de la côte du Pacifique.......

Bonjour,

Merci pour vos messages. Pas d'auteurs clairement nommés.

Cordialement

Bonsoir,

trés intéressant.
Merci!

Bonjour Kristiaan,

Merci à vous pour votre message.

Amicalement

Salut

Il est quand même un fait indéniable, pour ceux n'étant pas de parti pris, de tout temps le Royaume Uni et les
Etats Unis d'Amérique n'ont jamais été des alliées loyaux et bien veillant avec la France. De tout temps ces deux pays
n'ont eu de cesse de vouloir afaiblir la France et de la dépouiller de ses biens dès que les circonstances le permettaient !

Le R.U. et les U.S.A. n'ont jamais eu une grande considération pour DE GAULE, ce n'était que des faux semblants et
hypocrisie en espérant pouvoir en tirer quelques services et avantages.

Ce livre est certes de la propagande, mais aussi le reflet de la vérité ! Même si, entre autres, il est oublié que NAPOLEON
a vendu d'importants territoires français d'Amérique du nord.

Une grande différence existe entre l'histoire officielle qui est travestie en faveur des politiciens et l'Histoire véridique.

Un peu indigeste votre exposé, pas facile à lire en petit caractère et occupant toute la largeur de page, mes yeux de plus
de 70 ans ont souffert.

Merci pour cette intervention, cordialement.

TDM-PF a écrit:

Salut

Un peu indigeste votre exposé, pas facile à lire en petit caractère et occupant toute la largeur de page, mes yeux de plus
de 70 ans ont souffert.

Bonjour,

Un simple copié collé de mon texte dans une page Word, agrandi dans la taille que vous voulez, avec espacement des lignes pour un confort optimal de lecture aurait évité d'en arriver à écrire cela.
Je respecte le règlement dans la forme d'écriture et style demandés.

Cordialement

Bonjour,

+1!

Sur le même thème :

Bonjour,

C'est celle que j'évoque dans mon dernier paragraphe.

Cordialement

Justement ! C'est pourquoi j'ai pensé t'être agréable en en fournissant la reproduction.

Tout à fait. Merci.

La carte est très intéressante. Comme tous les brûlots de propagande elle est fausse. Les vastes territoires de Louisiane ont été vendu par Napoléon à Jefferson pour 15 millions de dollars en 1803. Les auteurs oublient de dire que l’indochine Et le royaume de Siam étaient passés sous contrôle japonais. La carte a le mérite de montre l étendue de la puissance française avant la période normale de décolonisation.

Erratum , les japonais n ont occupe qu une partie de l Indochine en 1940

Bonjour

Sur la Louisiane, les auteurs écrivent : "Charles IV rétrocède la Louisiane à Bonaparte par le traité de Sainte-Ildefonse, mais le 8 mai 1803, à la veille de la déclaration de guerre de l'Angleterre, le Premier consul, par crainte de ne pas pouvoir défendre la Louisiane convoitée par les États-Unis, cédait ce territoire à la jeune république pour 80 millions".

P. 8.

Cordialement

"Un simple copié collé de mon texte dans une page Word, agrandi dans la taille que vous voulez, avec espacement des lignes pour un confort optimal de lecture aurait évité d'en arriver à écrire cela.
Je respecte le règlement dans la forme d'écriture et style demandés.

Cordialement"

Bonjour,

Ce que j'ai fait pour lire cet intéressant sujet, merci Thomas

Ps: "Quel râleur ces gaulois polynésien ..."

Patrick-3RI a écrit:

Bonjour,

Ce que j'ai fait pour lire cet intéressant sujet, merci Thomas

Bonjour,

Salut

Bien sûr, pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

poddichini a écrit:

Citation :

[…] Un peu indigeste votre exposé, pas facile à lire en petits caractères et occupant toute la largeur de page, mes yeux de plus de 70 ans ont souffert.

[…] Un simple copié-collé de mon texte dans une page Word, agrandi dans la taille que vous voulez, avec espacement des lignes pour un confort optimal de lecture aurait évité d'en arriver à écrire cela. […]

Y a plus simple : la fonction "loupe" (ou bien "zoom") ["CTRL" + "+"] qui agrandit tous les objets de la page à la taille que l'on veut (=> 300%, voire 500%, selon le navigateur).

Sinon, pour ce digest !

Bonjour,

en effet, c'est très simple aussi comme cela.
Bref, revenons au sujet.
Merci pour votre message.

Cordialement