Un casque Mod.26 Aumônier en Italie

Il y a environ cinq ans, j'ai trouvé un casque singulier, sinon pour son type, c'est en fait un M26 français commun et peu apprécié, mais pour la insigne qui porte, un crucifix en fer, ce qui indique que le casque aurait été utilisé par un Aumônier militaire de l'armée française.
Le Crucifix est clairement fabriqué à la main, et j'espère qu'il est authentique; Je n'ai pas de termes de comparaison, de rétroaction ou de réglementation.
Je prends ça comme ça, étant donné le coût très bas de ce type de casque.
Bien sûr je vous montre quelques photos







Mais l'aspect le plus intéressant est l'idée que me propose ce casque, pour raconter une histoire de guerre qui, grâce à des circonstances particulières, a survécu à l'oubli.

En essayant d'en savoir plus sur l'Aumônier français, je suis tombé sur des photos prises sur le front de Cassino.
Ce sont des photos prises par le photographe G. Silk du célèbre magazine LIFE, en couleurs et d'une très belle qualité, même si elles sont crues.

C'était le 17 mai 1944, et il y a une semaine l'opération Diadem, dernière bataille de Cassino, avait été lancée par les Alliés.
L'idée était de percer sur le côté gauche, celui de la mer Tirreno aux hauteurs du célèbre monastère, avec les Américains le long de la côte et les Polonais d'Anders attaquant les collines en contrebas du monastère; encore plus à l'est, Canadiens, Anglais, Indiens, Néo-Zélandais; au centre, les monts Aurunci et la vallée de la Liri, peut-être le secteur le plus difficile et le plus inaccessible, affectés au Corps Expéditionnaire Français.
Les Français, même au-delà des prévisions du Commandement allié, ont réussi à atteindre les objectifs, même au prix de lourdes pertes; leur action directe réussit à sauver les Polonais de l'encerclement, qui eurent alors l'honneur de hisser leur drapeau sur les ruines du monastère de Monte Cassino, en s'attribuant le mérite historique de la victoire de la bataille.

Le CEF avait à l'époque une force d'environ 112 000 hommes, dont environ 80 000 étaient des combattants; pendant les huit mois de la campagne d'Italie, ils avaient près de 9 000 morts et disparus et plus de 23 000 blessés.
Militairement parlant, ils se sont comportés vaillamment, mais l'histoire, surtout du côté italien, se souvient d'eux surtout pour les violences commises.
Il faut se rappeler que l'avancée française lors de la cam-pagne d'Italie  a été profondément marqué par les atroci-tés commises contre les populations civiles du Latium, puis  même de l'île d'Elbe et de certaines régions de la Toscane, par des groupes de soldats nord-africains, pour la plupart des Marocains des montagnes de l'Atlas, membres du CEF, des pillages et des viols aveugles, après la percée de la ligne Gustav, qui a effectivement ouvert la voie aux Alliés à Rome.

Mais revenant à notre épisode, il a été dit, c'était le 17 mai et les départements de la 3e Division d'Infanterie Algérienne combattaient dans le village d'Esperia, un centre habité situé au cœur des monts Aurunci, sur ce qu'on appelle maintenant la route provinciale 8, une route qui menait à Pontecorvo, point nodal de l'avancée, place au pied des montagnes, carrefour de routes diverses; après Pontecorvo, qui fut alors prise le 24 mai par les Canadiens, la plaine commença et la route de Rome fut ouverte.

Les chasseurs de chars patrouillaient dans les rues abandonnées de la ville déserte, à moitié détruite par les combats; les fantassins à la remorque ont fouillé les vieilles maisons, laissant des dizaines de  soldats allemands cachés dans les décombres sous la menace des fusils et des baïonnettes.

Quelques heures plus tôt, à la sortie du village, une colonne de véhicules allemands arrivait en renfort, mais, grâce aussi aux informations fournies par les soldats capturés, elle a été interceptée par un avion de reconnaissance sur la route étroite et sinueuse bordée par un talus et un escarpement; il était facile pour l'artillerie dirigée par le petit avion scout de frapper le premier et le dernier véhicule et d'arrêter la colonne qui, incapable de manœuvrer, était complètement détruite.
Des carcasses de véhicules en feu jonchaient la rue.
Un bulldozer a alors été engagé pour réactiver la route en déplaçant sans discernement des véhicules détruits et des cadavres et en les jetant dans l'escarpement voisin, tandis que les soldats français en marche arrivaient.



Soudain, des collines environnantes, les Allemands ont ouvert un feu intense avec des armes automatiques et des mortiers; un char a été touché et l'explosion des munitions  était terrifiante et a soulevé un enfer de feu et de fumée.
Tous les hommes qui ont pu courir chercher refuge entre les murs des maisons.

Il se trouve que le photographe de LIFE était présent à ce moment précis et grâce à son travail cet épisode, l'un des nombreux qui s'est produit, a été immortalisé par les images.




Des images qui montrent, entre autres, une figure singulière: un homme mince, en uniforme de soldat et lunettes rondes d'érudit, style John Lennon, comme disait  il y a des années, une barbe de missionnaire, un crucifix autour du cou et un casque portant le même symbole, qui erre parmi les carcasses de véhicules et de morts, apportant secours et réconfort aux blessés et essayant de coordonner le travail des sauveteurs.





Sans ces images, la mémoire du père Emilien Prosper Baudoin, un des aumôniers militaires de la 3e division d'infanterie algérienne, catholique, aurait probablement été perdue, même si dans une armée qui comptait plus de la moitié de la religion musulmane ainsi qu'un grand nombre de juifs nord-africains. Mais, d'après les témoignages, on s'en fichait: le confort religieux mais aussi humain était le bienvenu quelle que soit la foi professée.


Son nom a été mentionné dans un journal américain et dans quelques livres publiés en France immédiatement après la guerre.
Le père Baudoin est né le 25 juin 1910 en France à Saint-Benoît-en-Diois, un village, à l'époque, de seulement 100 habitants de la Drôme; aujourd'hui il n'y en a qu'une trentaine.
Une image du village tel qu'il est aujourd'hui.


A un moment indéterminée la famille a déménagé en Algérie, à Constantina, et c'est la raison pour laquelle notre Baudoin a été inscrit au 3ème DIA.

Après Esperia, l'avancée des Algériens s'est poursuivie comme prévu et après la prise de Monticelli et de Sant 'Oliva, le 3e DIA s'est dirigé vers la ville de Pico, occupée le 20, mais perdue le 21 en raison d'un contre-attaque allemande qui a submergé la 13e demi-brigade de la Légion étrangère sur le Monte Leucio tout proche.
Le 22, les Algériens réoccupent Pico et tentent de se diriger vers le nord, vers San Giovanni Incarico, au confluent des rivières Liri et Sacco.
Pendant la nuit, une contre-attaque allemande stoppa l'avancée.
Le 23 au matin, les unités de la 3e division s'apprêtaient à reprendre l'offensive vers San Giovanni.
Le même matin, le père Baudoin s'est rendu dans l'un des bataillons du 4e régiment de tirailleurs tunisiens pour officier la Sainte Messe.
La cérémonie se déroulait régulièrement, malgré le grondement de l'artillerie adverse.
Le prêtre venait de retirer l'autel de campagne et de retirer les vêtements lorsqu'une salve de mortiers ou peut-être des roquettes frappa à proximité.
Le Père s'est effondré au sol, frappé par un éclat au cœur.

Il a été enterré dans le petit cimetière de guerre à une altitude de 101, sur la route entre Pontecorvo et Sant'Oliva.



En août 1944, le corps a été transféré à Constantina, lieu de résidence de la mère.

On ne sait plus rien du père Badouin après cette date, ni s'il a reçu une reconnaissance posthume pour son comportement courageux notamment à Esperia.
Il reste l'un des nombreux morts de la campagne d'Italie, sauvé de l'oubli grâce à la chance qu'il a été immortalisé dans les photos de LIFE.

Ah, bien sûr, le casque que j'ai montré n'est PAS celui du Père Baudoin, même s'il y ressemble.

Bonjour,

Beau casque du modèle général nouveau modèle. L'authentifier est toujours compliqué.

Cordialement

Bonsoir,
un beau casque sur lequel chacun peut avoir avis. Pour paraphraser Aragon et être dans le ton " celui qui y croyait et celui qui n'y croyait pas"......
En tout cas merci pour ce récit et la mémoire de cet aumônier
Cordialement.

Salut

Il est vraiment beau, bravo....

Eh bien, je ne suis pas un débutant et je sais très bien qu'il est impossible d'authentifier des casques comme celui-ci.
Mais je dis, pourquoi pas? et puis ça coûte peu, je ne vais pas le donner, ça fait bonne impression et les photos montrent qu'ils existaient.
Après tout, combien de casques décorés à la main, par exemple, les M1 américains en premier, ou même les M33 italiens, ou de nombreux camo allemands, sur lesquels vous pouvez jurer?

Très beau reportage...

Piero.Italia a écrit:

Eh bien, je ne suis pas un débutant et je sais très bien qu'il est impossible d'authentifier des casques comme celui-ci.
Mais je dis, pourquoi pas? 

Bonjour,

Moi aussi je dis "pourquoi pas ?" et le pense. Mais cela s'arrête là malheureusement. Il sera toujours plus difficile d'authentifier un casque avec attribut non règlementaire.

Cordialement

Bonjour,
Très beau casque

Cordialement,

Bonjour,
L'intérêt de ce casque est que tu as la preuve que cette configuration a bien existé. Personnellement j'aime bien! Beau travail de recherche
Philippe

Bonjour

Évidemment avec ce genre d’insignes il est impossible d’etre certain
Le contexte de la trouvaille est si j’ai bien compris plutôt encourageant et le casque est assez convaincant.
J’aime bien

Louis

Bonjour
tout dépend du contexte de la trouvaille sur ce genre de casque
Silente

bonjour,

très beau casque et merci pour l'historique

collectionnement

Bonjour Piero.

Merci pour cet excellent exposé. Le casque est sympathique. Comme dit, quand ce n'est pas réglo, il y a toujours un doute.

Concernant:

Citation :

Militairement parlant, ils se sont comportés vaillamment, mais l'histoire, surtout du côté italien, se souvient d'eux surtout pour les violences commises.
Il faut se rappeler que l'avancée française lors de la cam-pagne d'Italie  a été profondément marqué par les atroci-tés commises contre les populations civiles du Latium, puis  même de l'île d'Elbe et de certaines régions de la Toscane, par des groupes de soldats nord-africains, pour la plupart des Marocains des montagnes de l'Atlas, membres du CEF, des pillages et des viols aveugles, après la percée de la ligne Gustav, qui a effectivement ouvert la voie aux Alliés à Rome.

De mémoire, donc à confirmer, les troupes indigènes avaient le droit de faire des "razzias". C'est dans leur culture. Les Russes n'ont pas été tendres en Allemagne.

Sol.

Silente a écrit:

Bonjour
tout dépend du contexte de la trouvaille sur ce genre de casque
Silente

Merci Silente; en ce qui concerne le contexte, je répète ci-dessous les mots que j'ai déjà écrits dans un autre de mes sujets; cependant, il faut aussi dire que de nos jours, disons depuis l'avènement généralisé d'Internet, nos objets peuvent voyager à travers le monde plusieurs fois en quelques semaines, donc les histoires qui les accompagnent sont toujours à prendre avec un grain de sel.
Cependant, c'est ce que j'ai dit dans l'autre sujet:

"Le contexte est classique: dans les années j'ai créé un réseau de contacts avec de nombreux ferrailleurs, ici on les appelle "vuotacantine", c'est-à-dire ceux qui nettoient les vieilles maisons, les greniers, les garages et plus, un peu partout en Italie, notamment dans le Centre , où j'habite, et le centre-sud, ce sont des régions où la guerre a laissé beaucoup de choses et où une fois la mentalité des gens, en particulier dans les campagnes et dans les petites villes, était de préserver. Mais le temps passe, les anciens partent les uns après les autres, les nouvelles générations font souvent un nettoyage sommaire et même aujourd'hui, de plus en plus rarement, des objets qui nous intéressent sortent.
Ces ferrailleurs m'offrent souvent les objets qu'ils trouvent et dont ils savent qu'ils peuvent m'intéresser; J'essaye autant que possible de prendre un peu de tout, bon et mauvais, juste pour être un client principal et donc avoir des prix avantageux.
Après tout, en Italie, en parlant de casques français, par exemple, je suis l'un des rares à les collectionner, donc le prix est généralement très bas. Ce sont souvent des objets de bas niveau, mais des pièces intéressantes sortent de temps en temps. Les commerçants professionnels ne sont normalement pas intéressés par ce matériel, sauf s'il s'agit d'articles de la Première Guerre mondiale qui ont un peu plus de marché.
Pour cette raison, au fil des ans, j'ai trouvé des pièces intéressantes; Je me souviens de quelques M26 par exemple: aumônier du bas Latium, jaune moutarde trouvé dans la région de Sienne, encore à Sienne un Spahis avec attribut de capitaine sur la Rondache, du sud de la Toscane un Génie avec une rétine américaine, une Artillerie de Sicile avec d'étranges graffitis et autres encore; également un MkII britannique jaune de Campanie avec l'insigne de la 1ère division France libre, etc."

Bonjour,
Laissez-moi admirer ce travail de recherche digne d'un journaliste de LIFE. La découverte de ces clichés sur lesquels nous apercevons nettement un Mle 26 avec un crucifix comme attribut en situation est déjà très intéressante.  Les clichés des seuls aumôniers que j'avais put identifier ne permettaient pas d’apercevoir un quelconque attribut sur le casque.

Pour le Mle 26 présenté, le contexte d'acquisition peut être, pour l'acquéreur, une confirmation intuitive de son authenticité. Pour les adrians "c'est comme tu le sens". Je ne risque pas grand chose en disant que celui-ci a une bonne odeur. Bien sûr, si cela se passait sur un site marchand, tout serait différent. Comme le pense la plupart d'entre nous (Solcarlus), il est difficile de faire le tri dans les attributs non réglementaires. L'idéal étant de se voir remettre le casque par l'un des descendants du prêtre.
Je m'interroge sur le nombre de casques perdus en Italie lors des batailles du corps expéditionnaire Français. Comment un casque en bon état peut-il être perdu par son porteur avant la fin du conflit ? Un échange de trophée entre religieux ?

Merci en tout cas pour cette documentation.

Gérard

Merci Gérard, tout ce que tu dis est très logique.
Cependant, l'authenticité de milliers de casques en bon état doit être remise en question.
On sait que la plupart des plus beaux casques allemands étaient des «proies de guerre» des soldats alliés et donc souvent soigneusement conservés.
Mais surtout quand j'étais jeune dans les années 60 et 70 j'ai aussi trouvé des casques américains, quelques fois meme allemands, en excellent état, des objets perdus et conservés par ceux qui les trouvaient à l'époque. Encore, il y a plusieurs années, un fermier âgé m'a dit qu'un groupe d'Américains était stationné sur sa ferme; c'était un petit garçon, il les regardait avec curiosité, il leur parlait, et trouva le courage de demander le casque à l'un d'eux: l'Américain a ri, lui a dit qu'il ne pouvait pas le donner, mais qu'il en apporterait un autre, et ainsi Il a fait.
Cela peut être arrivé à d'autres moments; peut-être que l'aumônier français aurait pu le donner à un prêtre italien, en souvenir, ou qui sait quoi. Malheureusement, le temps passe, les gens disparaissent et les souvenirs sont perdus.