Le voyage de Ferdinand, un creusois en Haute Silésie

Le voyage de Ferdinand



Aux premiers jours de février 1920, en application du traité de Versailles, une division française renforcée est déployée en Haute Silésie pour préparer un plébiscite qui doit permettre à la population de cette région de choisir entre le maintien au sein de l'Allemagne vaincue et le rattachement à la Pologne renaissante. Des contingents italiens et britanniques doivent participer à cette mission internationale, placée sous l'autorité d'une Commission interalliée de gouvernement et de plébiscite dont le président est le général français Le Rond. Dans le contexte trouble de l'est européen durant l'immédiat après Première Guerre mondiale, les fonctionnaires civils et les soldats alliés doivent à la fois assurer la sécurité et l'ordre public, rechercher les milices et les caches d'armes, se préserver des attentats, tout en garantissant la sincérité des opérations électorales et en apportant aide et assistance aux populations locales en détresse. Confrontée aux combats de grande ampleur qui opposent quelque 100 000 insurgés polonais et irréguliers allemands en mai-juin 1921, la force internationale, numériquement surclassée, parvient pourtant à imposer une zone démilitarisée progressivement étendue à l'ensemble de la province avant sa partition, malgré la crise diplomatique majeure qui oppose Paris, Londres et Rome. Trop souvent oubliée dans l'historiographie générale, cette opération  entre des factions en lutte, fut  l'un des premiers exemples modernes de forces de maintien de la paix et d'interposition.

Les effectifs totaux engagés durant deux ans et demi approchent probablement les 20.000 hommes, mais il n'y a jamais eu plus de 13.000 soldats d'un coup. Il s'agissait effectivement pour une part d'appelés du contingent, ce qui posa en particulier différentes difficultés lors des "libérations" d'une classe dans l'attente de recomplètements imparfaits des unités.La 46e DI était une des deux "divisions bleues", composées de bataillons de chasseurs. Les traditions en son normalement maintenues par les dernières unités de ce type existantes.

A la fin de la Première Guerre mondiale, les Alliés, soucieux de faire respecter le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, décidèrent d'organiser des plébiscites dans les territoires dont la population est constituée de groupes nationaux différents.

Ils mettent pour cela en place des Commissions Internationales de contrôle, assistées de contingents internationaux.
La force internationale en Haute Silésie, financée par la Société des Nations, est composée de contingents français, britanniques et italiens. Elle est commandée par le général français Gratier, qui dispose de la 46ème Division Infanterie , renforcée, notamment, d'un régiment de cavalerie.
Près de 15000 hommes composent ce corps, dont une division légère britannique et des bataillons italiens.
Dès le début des opérations, le contingent français est dans une situation délicate. Il est en effet régulièrement accusé de favoriser les intérêts polonais au détriment de ceux des allemands.

La victoire polono-française contre les bolchéviques, la présence en Pologne d'une mission militaire d'assistance de plus de 6000 hommes accentuent le phénomène. Le général Gratier doit assurer la sécurité d'un territoire de plus de 10 000 Km2, veiller au bon déroulement du plébiscite, rechercher les dépôts d'armes et les détruire et neutraliser les agitateurs de tous bords.
Entouré de près par 40 000 polonais et 50 000 allemands, tout recours à la force est inutile.
Seule l'observation d'une stricte neutralité permet, jusqu'aux élections due mars 1921, le maintien d'un équilibre entre les deux communautés.

Pendant deux mois (mai-juin 1921), la Commission internationale et le général Gratier sont confrontés à des opérations de guerre qui donnent même lieu à des affrontements.
La force internationale est alors contrainte d'abandonner les postes isolés et de se concentrer sur quelques points clefs, à partir desquels elle peut encore protéger les populations des exactions de l'autre camp.
Les pressions internationales et l'arrivée de renforts militaires permettent peu à peu le retour au calme. A partir du mois de juillet, les troupes alliées organisent des colonnes mobiles qui sillonnent le territoire afin de marquer à nouveau la présence internationale. En octobre, la décision prise par la SDN de partager la haute Silésie est rendue publique. Elle se fonde sur les résultats du plébiscite, desquels ont été défalqués les votes frauduleux.
Dans l'accomplissement du mandat qui lui avait été confié, la force internationale eut à déplorer environ 70 tués et 120 blessés dont 26 tués et 100 blessés français.






Né à Saint Dizier la tour, il est à l'école communale au moins jusqu'en 1912, confié à l'instruction de monsieur Thibord. Ses cahiers, tout comme ceux d'Alexis ont des couvertures illustrées en couleur comme la troisième république sait en faire; événements épiques, personnages historiques, civisme,morale et règles d'hygiène.

L'année 1918

Difficile de retracer l'itinéraire de Ferdinand avec le peu d'éléments qui nous soient parvenus.
Né en 1899, Ferdinand fait partie de la classe 1919, théoriquement appelé sous les drapeaux en octobre 1918, vu les circonstances de la guerre cette classe est mobilisée en avril 1918.

Ferdinand a dix neuf ans quand il rejoint son centre d'instruction. Les courriers les plus anciens datent effectivement de juin, voir avril à Riom (Puy de Dôme). A cette époque la caserne Vercingétorix est dans le centre de Riom. Caserne depuis 1858, je pense que c'est là que Ferdinand a séjourné. Hélas les courriers de 1918, de aout, septembre et octobre ne nous renseignent pas sur sa position géographique.

« Aujourd'hui dimanche, on nous a mené promener dans la ville de Riom mais ce n'est pas un très chic patelin, on dirait plutôt une campagne qu'une ville...embrasser le petit Camille ».


Les courriers des soldats commencent très souvent de la même manière: « Deux mots pour vous dire que je suis en très bonne santé et je désire que vous soyez de même... ». Formule de politesse, censure ou tout simplement préoccupation majeure et sincère du soldat de rassurer et d'être rassuré également, les courriers traduisent peu d'inquiétude.
Il est beaucoup question de la permission tant attendue, de la « perm agricole » et du temps qui conditionne les travaux aux champs.
Il est écris que l'été a été très chaud (bien chaud, les auvergnats commencent à pleurer l'eau car ça commence à tout griller), brumeux en septembre et très pluvieux en novembre.

Coté santé: 2 jours de repos début juin pour des varices, mal de gorge à la mi septembre.

« Tu (frère) me demandes si j'aurais une permission agricole, je n'en sais rien mais je crois bien qu'elles seront de cotés parce qu'ils parlent que de nous expédier plus loing. » courrier du 1er juin 1918, Riom.

« Ma perm commence à se tirer, je part Dimanche matin 4 aout mais tout ça vaut mieux que 24 heures » lettre du 1er aout 1918, Villalier adressée à son frère.

Ferdinand écrit régulièrement à son frère Alexis. Ce dernier est tué le 9 aout 1918 d'une balle en pleine poitrine à Assainvilliers dans la Somme. Aucun courrier n'en fait mention. Ils se sont croisés sur le quai de la gare quelques jours avant. Ferdinand pose sur des clichés avec un brassard noir, signe de deuil.

L'année 1919

Carte du 4 janvier 1919; « Aujourd'hui, pour nous faire oublier la perme, on nous a fait faire une marche de 28 km et ce soir il faut prendre la garde jusqu'à demain 11heures sans dormir... »

Lettre du 14 janvier 1919; « Envoyez moi un rasoir le plus tôt possible ainsi qu'un peu d'argent, j'en ai pas besoin puisque j'ai encore tout ce que j'ai apporté mais on peut partir d'un jour à l'autre et si on va en Bochie, ça ne sera pas facile à le recevoir. On ne sait pas encore au juste le départ mais on l'attend tous les jours ».

Pas d'indication sur son lieu de stationnement. Il faut attendre début octobre pour voir mentionnée son affectation:

4ième Chasseur à Cheval
4ième Peloton, 4ième escadron
Gray, Haute Saône

Il s'agit peut être d'un simple détachement, car ce régiment est normalement stationné à Epinal.
En revanche Gray accueille le 12ième Régiment de Hussard. L'adresse postale peut être trompeuse.
Néanmoins Ferdinand aura plus tard les insignes et des adresses du 12ième Régiment de Hussard. Ce régiment figurera d'ailleurs parmi les régiments déployés en Haute Silésie en 1921.

« Ma blessure est guérie, la plaie est presque fermée entièrement. Je vais me lever demain. Je crois que je serai au pays vers le 30 pour dix jours seulement car maintenant ce n'est plus comme pendant la guerre... », lettre du 23 octobre 1919, Gray, Haute Saône.

Lettre du 10 décembre 1919, Gray, adressée à ses parents;« Je suis toujours détaché mais je dois être relevé demain car on attend le départ tous les jours pour la bochie et il faudra peut être les pousser plus loing puisqu'ils ne veulent rien savoir. Le bruit court que l'on doit partir le 16, mais ce n'est pas encore très sur... »

Lettre du 14 décembre à ses parents; « grand plaisir de vous savoir en bonne santé, guérie de cette mauvaise grippe, moi la santé est toujours bonne... je suis revenu à l'escadron, relevé de mon poste il y a deux jours car on attend le départ tous les jours, mais malgré tout ça j'ai toujours passé une vingtaine de jours heureux...»

Lettre du 22 décembre à ses parents; « ...je suis très content que Camille va bien classe et il doit bien apprendre...envoyez moi un petit colis de pommes. »

Lettre du 30 décembre à ses parents; « ...le colis que je n'ai pas encore reçu...on dit que ceux qui ont des frères vont être renvoyés au mois d'avril, tout ça c'est des histoires... »

A travers ces lettres, on devine l'impatience de Ferdinand à partir vers l'aventure tant attendue, vers la Bochie...

L'année 1920

Une lettre du 8 janvier 1920 adressée à son oncle et grand mère nous indique que Ferdinand est toujours à Gray.

Lettre du 14 janvier 1920, Gray; « j'espère que Maurice s'est complètement remis de son opération... envoyez moi un colis de fromage avec un peu de chocolat, des confitures accompagnés d'un mandat car la vie recommence à être dure, on est très mal nourris et presque plus de pinard. »

Lettre du 29 janvier 1920, Gray; «...la grippe règne toujours au régiment...mon rhume est complètement guéri ».

lettre du 15 février 1920, Gray; « nous avons reçu un renfort d'alsaciens du 6ième Chasseur à Cheval, du 2ième Hussard et du 30ième Dragons ».

Le 28 février 1920, c'est à Lyon que l'on retrouve notre Ferdinand, plus précisément à Villeurbanne et toujours avec le 4ième Chasseur.

Lettre du 2 mars 1920, Lyon; « ...je suis cycliste au commandant...les grévistes sont calmes et ont repris le travail... »
Les lettres qui suivent courant mars parlent d'un mariage dont la date n'est pas encore fixée. Il s'agit un moment de la marraine de Ferdinand, puis d'un beau frère qui aurait « rempilé » dans l'armée ??? Ferdinand précise qu'il ne pourra probablement pas être présent à sa célébration.

Le 7 avril, Ferdinand est à Gray. Le lendemain il écrit qu'un escadron est parti pour Belfort, puis deux autres ce matin même comme troupe d'occupation. « Je reste le seul ancien à mon peloton » écrit il.
Le 12 de ce même mois, il écrit à ses parents qu'il ne pourra être à la noce (le 26 avril), qu'il part dans quelques jours pour la Silésie.

bonjour ,

merci du partage ,

d'ailleurs la première photo de ferdinand est en uniforme du 12 eme régiment de hussards ;

collectionnement

Le voyage vers la haute Silésie

Sur un feuillet, Ferdinand a noté son itinéraire. Il part de Gray le matin du 15 avril. Le 16 il est déjà à Sarrebruck !!! itinéraire bien rapide pour un transport par la route. Je pense qu'il est peut être parti par le train.

Le 19 avril, de passage à Leipzig...

Le 23, il est à destination à Oppeln, en Haute Silésie. Aujourd'hui cette ville se nomme Opole au sud de la Pologne.

Lettre du 24 avril 1920, Oppeln; « Si les fumeurs de la maison veulent du tabac, ils n'ont qu'à m'envoyer du poignon, je pourrai en faire une provision pour ma permission ».

Ferdinand est « en subsistance » auprès du 12ième Hussard et espère une permission de 50 jours en septembre ou octobre prochain. Lettre adressée à Auguste du 15 mai, Oppeln.
Il parle beaucoup d'un copain nommé Roby dont le bataillon est à quelques kilomètres de sa caserne;  « On a pas pu boire beaucoup de pinard pour fêter notre rencontre, mais on a remplacer ça par la bière et limonade puisque c'est la boisson principale des silésiens ».
Lettre du 11 juin 1920, Oppeln; « A Oppeln, toujours le même fourbit, les boches font toujours quelques petites bagarres mais ils ne peuvent pas faire grand chose...en ce moment on prend la garde toutes les 48 heures, à différents postes qui sont placés en ville ».
La correspondance continue de façon plus ou moins régulière en juillet, aout et septembre; la santé va bien, le secteur est tranquille, on revoit quelques connaissances et on attend des nouvelles du pays qui arrivent irrégulièrement. Dommage que les courriers reçus par Ferdinand n'aient pas été retrouvés.

Carte du 3 octobre 1920, c'est le retour en passant par Mayence.

Je dispose d'une bonne correspondance de cette periode, coté unité d'affectation, je ne suis pas exempt de toutes erreurs, ce n'est pas trop mon domaine..