Souvenir de déportation, souvenir de famille.

Bonjour,

Sous ce titre on s'attend à voir un costume rayé, un triangle de poitrine, une cuillère artisanale mais sans doute pas un objet aussi insolite qu'une luge, et pourtant...

J'ai déjà expliqué que ma belle-famille a été raflée dans sa totalité et envoyée quatre longues années en Allemagne nazie suite à la dénonciation d'un blockleiter et à la fuite en Meurthe-et-Moselle du fils ainé pour échapper à l'enrôlement de force.

Lorsque l'on parle de déportation on s'imagine généralement des miradors aux quatre coins d'une clôture de barbelés, de chiens aboyant, d'alignements de baraques en bois etc.
Or les lieux de déportations pouvaient être aussi surprenants que variés; un grand magasin désaffecté, une ancienne guinguette, une usine, un camp comme dans l'imaginaire collectif, autant de lieux traversés par ma belle-famille avec une constante, un membre du SD qui avait pouvoir de vie et de mort sur les détenus accompagné d'une infirmière qui couchait dans le même baraquement que lui et qui, de l'avis des prisonniers, lui assurait un séjour plus agréable...  

Les mêmes déportés pouvaient connaitre de conditions de détention très différentes au fil des années de déportation et de leurs pérégrinations dans le Reich, du Nord de l'Allemagne à la frontière polonaise, du RAD au camp de détention en passant par l'usine et les travaux forcés.
Lors de leur séjour dans une usine à Erfurt quelques-uns des membres de ma belle-famille furent affectés à des tâches diverses moins pénibles et avant un changement de directeur qui finit par trouver que des Français ne devaient pas occuper des postes qu'il jugeait trop confortables, ils eurent un moment des conditions plus humaines et même, comble du cynisme, une sorte de rémunération de laquelle l'usine défalquait la nourriture, le couchage, le savon etc. et il leur restait grassement de quoi s'offrir une place de cinéma, ce qu'ils se payaient puisqu'à cette époque ils pouvaient déambuler presque librement dans la ville le dimanche après-midi.
Pendant cette courte période un peu plus supportable mon beau-père a fabriqué deux luges, une tout en métal et celle-ci.
Lorsqu'il fut libéré par des troupes belges il fit des pieds et des mains pour pouvoir prendre ses luges comme bagages.

J'ai un peu nettoyé et repeint celle-ci que je conserve bien-sûr religieusement.

Bonjour Georges,
Merci de nous faire partager cette partie de vôtre histoire familiale. Outre sa beauté, cette luge fort jolie est un véritable trésor historique de part son histoire
Bien amicalement
Ludo

Ludo29 a écrit:

Bonjour Georges,  
Merci de nous faire partager cette partie de vôtre histoire familiale.  Outre sa beauté, cette luge fort jolie est un véritable trésor historique de part son histoire
Bien amicalement
Ludo

Ma fille avait enregistré mon beau-père, ce qui permettait de remettre les choses dans l'ordre chronologique mais hélas elle a égaré cet enregistrement.
Ce qui me surprenait dans ses récits c'est la différence des prisons improvisées et la différence des traitements d'un camp à un autre. Certes il n'a jamais été à la fête mais autant dans certains camps il crevait de faim et était bouffé par les punaises et autres vermines avec des menaces quotidiennes, autant dans l'usine à Erfurt cela se ''limitait'' si l'on peut dire à la privation de liberté, au travail forcé humainement supportable et aux brimades usuelles.
Travaillant à l'usine il se souvenait qu'il pouvait prendre des douches et boire du café (de l'ersatz) jusqu'à l'arrivée du nouveau directeur plus nazi que le précédent.
Par contre il se souvenait d'un séjour terrible à la frontière polonaise. Il me racontait qu'ils n'avaient rien à manger mais que les autres détenus et lui jetaient tout de même de temps en temps une pomme de terre aux Russes que les nazis laissaient tout simplement mourir de faim au sens strict de l'expression.