De la SS-Heimwehr Danzig à la Totenkopf - Parcours en documents

Bonjour à tous,

Comme il y a un certain temps que je n'ai pas présenté de pièce, voici un petit historique sur un livret de ma collection. Celui-ci comporte suffisamment d'entrées intéressantes voire rares pour, je l'espère, provoquer la curiosité.
Je vais tenter de faire court, car j’aurais des pages entières à écrire pour tout détailler…

Il s'agit du Wehrpass du SS-Rottenführer Wilhelm Stoy, né dans la "Freie Stadt" Danzig le 2 Mai 1922 à Lauental, petit village collé à la ville de Danzig (Gdansk).

SS-Heimwehr Danzig :

Grandissant dans le contexte du Danzig de l'entre-deux guerre et son statut de "ville libre", avec le ressentiment croissant et l'agitation nazie des années 30, Wilhelm, dans la HJ depuis 1936, se porte à l'été 39 volontaire (il a 17 ans révolus de quelques mois) pour rejoindre la SS-Heimwehr Danzig, une formation paramilitaire dépendante de la SS devant faire le rôle d'une milice. Celle-ci est composée de 1550 hommes dont 500 volontaires de la ville comme Stoy. Elle est commandée par le SS-Obersturmbannführer Götze.


Elle se voit remettre une bande de bras spécifique, rarissime de nos jours, ainsi qu’un drapeau.
(Photo Hermann Historica - vente Dave Delich)


(Drapeau : Image wikipedia)



Stoy sert dans la 3.Kompanie de la Heimwehr. La SS-HD participera à des actions dans la zone de la ville, particulièrement au sud avec la tentative de la prise du pont de Dirschau (Tczew) où elle échoue, puis se portera au nord dans le secteur fortifié des Oxhöfter Kämpe où de durs combats ont lieu. Le personnel de l'unité recevra une décoration spécifique, numérotée : la Heimwehrnadel, ou "Ehrennadel der SS-Heimwehr Danzig". Le numéro de Stoy n'est pas connu pour le moment...
L'épinglette lui est remise par ordre du Standartenführer Götze.






Source image épingle : WAF : https://www.wehrmacht-awards.com/forums/forum/wehrmacht-uniforms-and-equipment/tony-barto-ss-uniforms-and-insignia-forum/12538855-heimwehr-danzig-ehrennadel-pin)




Elle est dissoute à la fin du mois de Septembre 1939, et ses effectifs sont pour la plupart intégrés au SS-Totenkopf Infanterie Regiment 3, de la nouvelle SS-Totenkopf Infanterie Division qui se crée à Dachau. Le commandement de ce régiment est ainsi confié à Götze. Stoy restera jusqu'à fin 1942 dans ce régiment, avec un passage à la 1.Kompanie, et au Nachrichten-Zug de l'état-major régimentaire.






Après la campagne de Pologne, la division Totenkopf s’organise et s’entraîne en prévision de la campagne à l’Ouest. Lors du déclenchement de l’offensive, elle est maintenue 7 jours en réserve puis envoyée vers le front. Le 19 Mai elle connaît ses premiers combats entre Avesnes et Le Cateau en soutien de la 7.Panzerdivision. Le I./SSTIR3 est au Sud d’Arras le 21.5 et remonte vers le Nord-Ouest. (le I./SS TIR3 abat de nombreux civils, dans un contexte d’exactions menées par la division bousculée par les contre-offensives françaises et anglaises).
Le 23-24 elle remonte vers le Nord et atteint le canal de la Bassée à Béthune (SS-TIR 3 à Chocques – Hinges). Le 27 le bataillon passe le canal de la Bassée et attaque le Cornet-Malo. C’est l’hécatombe et les pertes sont nombreuses ce jour. Les britanniques résistent avec acharnement. Le commandant du régiment, Goetze, est tué à la mi-journée.
Wilhelm Stoy est blessé également le 27 par un éclat d’obus à la main gauche. Il reste cependant dans l’unité et receva l’insigne des blessés par ordre du commandant du régiment.
En représailles, la Kompanie du SS-TIR 2 commandée par Knöchlein rassemble et exécute une centaine de prisonniers anglais au mur d’une ferme vers le hameau du Paradis. Ce crime de guerre sera jugé et Knöchlein pendu en 1947 grâce au témoignage de deux survivants anglais.


(Source image wikipedia)

Barbarossa et poche de Demjansk, la Totenkopf se tourne à l'Est

Après une période de formation et en préparation de l’invasion de l’URSS, la division est engagée à l’Est, au sein du groupe d’Armées Nord, dans des combats extrêmement durs. L’avance dure de fin-Juin 41 à Septembre 41, la division participant dans le Heeresgruppe Nord aux combats en Lituanie et Lettonie puis en Russie à partir du 5 Juillet : Opotschka –Ostrov – (12.7) – Porkhov – N-O Dno (17.7) – N Solstsy – O Medwjed (23.7 – 4.8) –S Staraja Russa (22.8) – Kobylkino (1.9) – Ouest Demjansk (10.9) – Est Lushno (a partir de mi-Septembre).
A partir de fin Septembre, les troupes s’enterrent. Les combats se poursuivent mais les avances sont marginales. La température descend, le sol alterne entre bourbier et gel, avant de se figer en Octobre lors des premières neiges. Les attaques/contre-attaques sont constantes et les pertes sévères.
Entre le 9 et le 22 Novembre, Stoy est hospitalisé pour maladie intestinale. Il retourne dans son unité à l’issue de son temps d’hopital.

C’est dans cette situation, au début de 1942, que l’armée rouge lance sa grande contre-offensive d’hiver. A partir du 7 Janvier 1942, 3 armées soviétiques enfoncent le front allemand et parviennent à encercler le II.Armeekorps au début de Février 1942.

La Totenkopf, toujours sur ses positions d’hiver, s’organise et se divise en de nombreux Kampfgruppen pour tenir au maximum chaque village et point de résistance. Une partie de la division, le Gruppe Simon, reste sur ses positions à l’Est de la poche. L’autre partie, le Gruppe Eicke, se porte à l’Ouest de l’encerclement, le long de la Lovat.

Les combats sont dantesques, les unités ne reçoivent au début que peu de ravitaillement et doivent combattre dans des points d’appui précaires par des températures allant jusqu’à -40°C. Les soviétiques attaquent de tous les côtés, les allemands se replient progressivement de point d’appui en point d’appui après de lourds combats, mais les troupes encerclées tiennent avec de lourdes pertes.

Stoy est impliqué dans les durs combats autour de la Lowat dans le village de Kulakowo, notamment du 6 au 14 Février 1942 lorsque les russes attaquent le village de tous côtés. Stoy assurera sous le feu le dépannage du matériel radio, permettant de conserver l’intégrité du réseau radio. L’EKII lui est alors remise dès le 14.2.42 sur recommandation du chef du Kampfgruppe dans lequel il se trouve, le Hauptsturmführer Knöchlein. (par ailleurs responsable du massacre du Paradis en France et qui sera pendu par les britanniques après la guerre)








Les attaques continueront sans relâche sur les encerclés de la poche de Demjansk qui seront ravitaillés par air, jusqu’à ce qu’un corridor soit créé fin Avril-début Mai 1942 et permette de briser la poche. Mais l’OKW refuse de sortir la division Totenkopf de la poche, et celle-ci devra tenir le front alors qu’elle combat depuis Juin 1941 sans relâche.
Stoy sera de nouveau blessé par des éclats d’obus à la tête le 5 Juin 1942, près de Nijni-Sossnowka, mais reste toujours dans son unité. Le 25.6.1942 il reçoit l’Infanterie Sturmabzeichen in Bronze, pour sa participation aux combats. Les combats continuent, durant tout le reste de l’été 1942, on se bat de façon incessante dans un climat humide, dans un terrain marécageux où les moustiques et les maladies sont également des adversaires. Le 19.8.42, le Regimentsgruppe dans lequel se trouve Stoy ne signale que moins de 600 hommes valides au combat.






Le 2 Septembre, Stoy est blessé une troisième fois "au sud de Bjakowo", en recevant des éclats au ventre, alors que pour la division commence se profiler l’ordre d’être retirée du front. Cette fois-ci il est évacué jusqu’à l’hôpital de Bordeaux, la division devant se reconstituer entre Poitiers et Angoulême.
Blessures :

L'après-Demjansk vie de caserne et garde de déportés :

Il recevra l’insigne des blessés classe argent le 20.9.42. Il reste à l’hopital jusqu’au 17.12.1942. Etant donné son temps de soins, il est transféré de son unité combattante à une unité de dépôt, le I.(Fernsprecher). Bataillon du SS.Nachrichten Ersatz Regiment, dans la compagnie de convalescents (genesenden-Kompanie). Il n’est plus jugé apte au service de guerre (Kvh), mais apte au service en garnison (gvh). Il passe les années 43 et 44 dans son unité de dépôt. Sa Stammkarte nous renseigne sur certains de ses emplois durant ce temps.
Le 13.1.43, il lui est ordonné de se rendre à la Nachrichtenschule der Waffen SS, mais cet ordre est annulé le 20.1. Le 9 Février 43, il est envoyé 4 semaines en cure de repos dans le SS-Erholungsheim Obersalzberg (à Berchtesgaden)
Il subit chroniquement les séquelles de ses blessures, notamment celle reçue au crâne qui lui cause des problèmes de santés et des fièvres. A partir de Février 1944, il reçoit une aide d’invalidité. Les différents avis médicaux de cette période le classent uniquement « gvh », apte au service en garnison, et non pas apte au front. En Mai 1944, il reçoit quelques jours de permissions chez lui à Danzig.


Une mention dans son dossier précise qu’il a été employé à partir du 9.6.44, et « jusqu’à nouvel ordre » à un détachement de garde de prisonniers/déportés (Tagesbefehl 9.6.44 zu Dienstleistung in Häftlingskommando abgestellt), sans doute dans le Kommando de déportés du camp de concentration de Floßenbürg (appellé « Kommando Bauleitung SS-Unterkunft Nürnberg », composé d’entre 41 et 300 déportés), logé sur le site de la caserne SS de Nuremberg, qui avait pour tâche l’entretien et la construction des infrastructures de celle-ci. A priori son détachement dure jusqu’en Décembre 1944.



A la fin de l’année 44, la situation devenant désespérée pour le Reich, de nouvelles unités sont levées. Wilhelm fait partie, à partir du 9 Décembre 1944, du contingent envoyé à la SS-Nachrichten Schule Nürnberg et prévu pour la création du SS-Führungsnachrichten Regiment « Reichsführer SS », qui sera créé début 1945 à Wünsdorf, au Sud de Berlin. Selon le peu d’informations disponible, cette unité aura servi à assurer les transmissions du groupe d’armée « Weichsel » dont Himmler avait la charge. Les différentes compagnies sont dispersées lors des offensives russes.


Malheureusement la trace de Stoy se perd ici pour le moment. Il semble avoir survécu, n’étant ni listé comme tué ni comme disparu. Si jamais il a réussi à retrouver sa famille, il est peu probable qu’il ait pu rester à Danzig après guerre, la ville détruite étant rétrocédée à la Pologne, et la population allemande expulsée dans les premiers mois après la fin du conflit.

Dans l'ordre : promotions, blessures, décorations :
1.9.1939, arrivée dans la Waffen-SS, Staffel-Anwärter (=Schütze)
1.11.1939, reçoit la "Heimwehrnadel" de la SS-Heimwehr Danzig
27.5.1940, blessé par éclats à la main, canal de la Bassée, reste en unité.
17.7.1940, reçoit l'insigne des blessés noir
1.8.1940, nommé Staffel-Sturmmann (= Gefreiter)
1.8.1941, nommé SS-Rottenführer (=Obergefreiter)
Novembre 1941, malade
14.2.1942, reçoit l'EKII pour ses actions lors de l'encerclement de Demjansk (quelques jours auparavant)
5.6.1942, 2ème blessure, éclats d'obus dans la tête, dans la poche de Demjansk, près de Nishni-Ssosnowka
25.6.1942, reçoit l'Infanterie Sturmabzeichen Bronze, pour son engagement en tant que combattant
5.8.1942, reçoit l'Ostmedaille suite à l'hiver 41-42 sur le front du Valdaï
2.9.1942 3ème blessure, éclats d'obus au ventre, "au sud de Bjakowo", poche de Demjansk
20.9.1942 reçoit l'insigne des blessés argenté suite à sa 3ème blessure du fait du feu ennemi.
Date indéfinie, en 1943 : reçoit le Demjanskschild. Décoration non entrée dans son dossier mais remise par le SS-Totenkopf-Infanterie-Regiment 3, comme l'atteste des documents de 1944 qui précisent qu'il l'a reçu.









J'espère que vous aurez apprécié la lecture de ce dossier autant que j'ai apprécié le réaliser... J'ai du cependant couper du texte, afin de ne pas (trop) noyer le lecteur, tant il y a à dire.

Salut Nico,

Document pas courant du tout! Le mec est bien décoré pour un transmetteur.
Sacré boulot de recherche, notamment pour toute les cartes de positions des unités. Tout vient du lexikon?

Greg.

Salut Greg,

Merci à toi. Il a reçu pas mal de décos pour un peu gradé, mais ça reste les décos "standard" pour un homme au front, les bonus étant la Heimwehrnadel vraiment rare puisque moins de 1600 hommes y étaient éligibles, et le Demjanskschild (assez courant à la TK ce dernier).

Les extraits cartes proviennent des soit des archives du X.Armeekorps (ou II., j'ai un trou), soit pour la petite carte de Kulakowo de la proposition de remise de la DKiG à Knöchlein, et j'ai juste mis quelques repères sur paint.

Tu es dur! Les décos sont courantes pour un fantassin de cette division, elles le sont nettement moins pour un transmetteur qui ne combat pas en tant que tel (normalement). Certaines sont automatiques (ostmedaille, badges des blessés, plaque de bras), mais pour l'EK2 et le badge d'infanterie, pas vraiment. Il y a toujours quotas, et le fait d'être dans une action de combat ne suffit souvent pas car sur une compagnie qui monte à l'assaut, on ne décore jamais qu'une fraction de cette compagnie.

Greg.

Re,

Effectivement ! Après dans le contexte de la poche, pour une division qui a été l'une des principales forces à tenir la ligne, les journées "qui comptaient" pour l'obtention des décos ont été fréquentes.

Concernant son EKII, j'ai la raison de remise de la décoration (pour les combats de Kulakovo) :


"Stoy s'est distingué particulièrement pour sa bravoure du 6 au 14 Février 1942 en tant que dépanneur de matériel radio. Souvent dans un contexte confus de présence ennemie et de forts tirs d'artillerie et de mortier, sans égard pour sa propre personne, il s'est engagé pour la maintenance du réseau de transmission à Kulakowa (Kulakowo) et a été essentiel dans la liaison depuis [le QG] du bataillon jusqu'aux troupes au combat.
Le bataillon propose la remise de l'EKII à ce brave technicien."

La signature de la citation semble être un "K", possiblement un paraphe de Fritz Knöchlein, qui était commandant du bataillon à cette date et qui a reçu la DKiG entre autres pour la défense de Kulakowo à ces dates.
(Et c'est lui qui a été pendu après la guerre pour le massacre du Paradis)
https://fr.wikipedia.org/wiki/Fritz_Kn%C3%B6chlein

Bonjour Nicolas,

Très beau document, merci pour cette présentation.

Cordialement
Pierre-Antoine

Bonsoir,

Merci à toi !
C'est un de mes favoris, étant donné que son parcours est plutôt bien retraçable.

Bonjour,super travail.

Bonjour,
Oui c'est un travail important et excellent de recherche et de traduction. Un grand merci.

Intéressant. Merci de ce partage.
Lors de la lecture du passage de la SS-Heimwehr Danzig,
j'ai pensé au bourreau d'Auschwitz portant le même patronyme > SS-Rottenführer Götze

A priori W. Stoy a été touché à la tête par des éclats de grenade. Blessure qui lui apporta sa "Verwundeten Abzeichen".


Il aura peut-être fini sa vie tranquillement dans son bateau de pêche à Gdansk ?...

Cdt.

Super post

Dont j'était passer à côté...