Contrôle et réparation des armes de la garde nationale sous la Restauration.

Bonjour,
voici une petite brochure qui date des années 1830:


Ce texte montre plusieurs choses intéressantes.
Les armes des gardes nationaux (achetées par les communes ou fournies par l'état) sont vérifiées régulièrement par d'anciens officiers d'active.
Les gardes nationaux sont invités à se procurer les manuels de l'armée concernant l'entretien des armes à feu et leur utilisation.
Ils sont également invités à se procurer le tournevis règlementaire pour le démontage.
Les communes sont tenues d'afficher le manuel et sont invitées à se procurer un démonte-ressort du modèle règlementaire.
Un armurier civil par commune est tenu d'effectuer les petites réparations.
Les communes peuvent acheter auprès des manufactures royales de petites pièces de rechange.
Elles peuvent également envoyer en manufacture les armes qui nécessitent de grosses réparations.
Les petites communes peuvent se regrouper.


Il montre également que des fusils raccourcis ont fort bien pu être maintenus en service pour une durée plus ou moins longue:



Il montre enfin que certains fusils du modèle 1777 ont pu être raccourcis à la longueur du fusil de voltigeur.
Cette taille plus courte que le fusil d'infanterie (ou de grenadier) n'est apparue officiellement qu'avec les mles 1816.
Mais aussi que des fusils révolutionnaires du modèle dit N°1 ont été conservés malgré leur fabrication parfois incertaine.


Ce qui veut donc dire qu'un 1777 ou un AN9 en longueur voltigeur n'est pas obligatoirement une bidouille.
Ca veut également dire que certaines armes de la GN qui présentent des réparations parfois peu règlementaires ont fort bien pu être officiellement remises en état par l'armurier du coin.
Cordialement,
CG

Cette conclusion me plait bien
par rapport à mes modèles pas tout à fait d'équerre.

Il y est dit également que "les pièces de rechanges pour les fusils anglais" ne peuvent pas être fabriquées dans les manufactures royales.
Que si ces fusils anglais ne peuvent pas être réparés par l'armurier local, ils seront envoyés en arsenal pour y être réparées et éventuellement échangées contre des armes du même modèle.

L'armement de la garde nationale comprenait décidément un peu de tout comme fusils!

vraiment très bien cette documentation et analyse .
Mon revolutionnaire? république N°1 ? GN ? qui ne semble pas non plus tout à fait d'équerre car taille voltigeur et platine 1777 à retroussis ????? ne me semble pas pour autant etre une bidouille et je vais de ce pas faire ce que Crevette m'a proposé des photos .

Bonjour,
tant qu'on est dans la garde nationale, voici le Brown Bess français.

La loi du 22 mars 1831 qui réorganise la GN l'ouvre à tout français de 20 à 60 ans.
Mais comme le garde s'équipe à ses frais, on se retrouve avec une milice de rentiers, commerçants et autres personnes un peu aisées.

Les armes quant à elles proviennent de l'état sous la responsabilité des maires.

Avec la crainte d'une guerre et l'agitation suite à la révolution de juillet, les réserves d'armes se révèlent insuffisantes.
Il ne reste en effet que 912 000 armes en magasin, la GN a déjà entamé ce nombre de 500 000 armes, et les manufactures ne peuvent en fournir guère plus de 50 000 par an.

Deux solutions s'imposent: l'achat d'armes à des entrepreneurs privés et l'achat d'armes à l'étranger.

Pour la première solution, on décide de refabriquer des fusils N°1 révolutionnaires à partir de pièces détachées déjà existantes.
Les manufactures et les particuliers en fabriqueront ainsi 113 000, comme aux pires heures de la Révolution.
125 000 fusils 1822 seront également commandés au prix de 32 francs pièce.

Autre solution: le rachat des fusils "perdus" par l'Empire et se trouvant à l'étranger.
Des dizaines de milliers de fusils 1777 et AN9 seront ainsi rachetés en Allemagne au prix de 28 francs pièce.

Mais il en manque encore! La GN devant absorber à elle seule 900 000 fusils, on décide d'en commander 300 000 en Angleterre.

Le sieur Gisquet, agissant pour le compte du gouvernement, se rend en perfide Albion le 2 octobre 1830 et négocie l'achat de 566 000 fusils de type Brown Bess.
Ils arriveront à Calais en janvier 1831 après quelques problèmes de séquestre dans la Tour de Londres.

Ils coûteront tous frais compris 34,94 francs pièce.
Si le gouvernement est satisfait, la classe politique très anglophobe déclenche une véritable levée de boucliers contre cet achat qui ne profite qu'à l'Angleterre.
Et pour 3 fois plus cher que le prix de départ du fusil anglais qui était facturé seulement 13 francs chez eux!

Le préfet de l'Héraut reçoit ces armes et se plaint de leur mauvaise qualité.
Le ministre lui répond que même si ces armes sont un peu frustes, elle conviendront néanmoins bien pour l'usage qui leur est réservé.

On peut tout de même se demander si les anglais n'ont pas envoyé quelques fusils de traite ou des Indes, car certaines platines sont mal encastrées, des canons sont d'épaisseur inégale, des bois sont peints en rouge façon acajou, et bien entendu le Brown Bess est toujours monté à clavettes comme en 1700, sa baïonnette est sans virole comme en 1750 et de plus très lourde!
Pour couronner le tout, le calibre est différent des armes françaises: 19 mm au lieu de 17,8 mm.

Ces fusils sont marqués Tower et GR (Georges Rex) sur la platine, les canons sont éprouvés et marqués avec des poinçons anglais, seuls les bois sont frappés du coq et des lettres PLD (Pour Le Droit), devise de la GN.

Exemple de marquage au coq de 1830:



La Corrèze, la Vienne en recevront respectivement seulement 500 et 600, mais l'Indre et Loire et la Seine et Oise en recevront 5300 et même 11250.

3 000 fusils encore en caisses seront vendus aux enchères dès la fin 1830 par le sieur Mesnel exportateur, mais le gouvernement les rachètera tout de même.

Voilà donc comment Louis-Philippe rattrapa les ereurs des ses prédécesseurs Louis XVIII et Charles X.

Et voilà comment on se retrouve aujourd'hui avec des fusils N°1 marqués PLD comme c'est mon cas, ou des fusils très improbables!
Cordialement,
CG

Sous l'Empire, les réparations d'armes des compagnies de Réserve sont également confiées à un armurier civil du chef-lieu.

Merci!
Les Compagnies de Réserve:
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Leur répartition:
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J'ai réalisé un Mémoire sur la Compagnie de Réserve départementale du Puy-de-Dôme, il était en ligne sur le site de la Fondation Napoléon mais ils ont fait quelques restructurations je crois et tout n'est pas revenu à la normale, dont les travaux en ligne.

Voici un extrait de mon travail consacré à l'armement de cette compagnie:

Citation :

En ce qui concerne l’armement justement (fusils avec leurs baïonnettes, sabre briquet pour les sous-officiers, caporaux et tambours) il doit être, conformément à l’article 28 du décret de création des compagnies, fournis au compte de l’Etat. Censés être envoyés par le directeur d’artillerie à Grenoble et arriver avant le 25 fructidor An XIII (12 septembre 1805) , les fusils ne sont toujours pas là le 26 fructidor (13 septembre) . Ils arrivent finalement le 30 fructidor An XIII (17 septembre 1806), dans quatre caisses en bois venues directement de l’arsenal de Genève .

F.Buttner a judicieusement remarqué que cet armement était défectueux, que les arsenaux s’étaient débarrassés de leur plus mauvaises pièces et il est bon de rappeler ici cette anecdote : en 1805 un officier du 4ème régiment d’artillerie à pied de Toulouse aurait reconnu à Agen des fusils que son régiment avait refusés. Et qui se trouvaient à présent entre les mains de la compagnie de Réserve .

Les armes ont été réparées de nombreuses fois, parfois avec des pièces de modèles étrangers, certaines compagnies comme celle de Marengo jugent que tout leur armement est défectueux. Si la compagnie de la Dyle rachète tout l’armement en 1808 à la manufacture de Liège la majorité se contente de faire réparer les armes à un armurier local. C’est en effet ce qu’est contrainte de faire la compagnie du Puy-de-Dôme (elle n’obtient des remplacements d’armes qu’en 1811 ) chez l’armurier clermontois Reverchon (qui par la même occasion vend à la compagnie un emporte pièce pour bouton et un découpoir d’étoffe orné de l’aigle impérial). Sur le compte de la première mise il ne met cependant que le numérotage des 115 fusils, l’ajout d’une baïonnette, l’ajustage ou le raccourcissement de trois, la pose de deux anneaux de baïonnette, l’ajout d’une baguette et la réparation de quatre, le changement de quatre vis de chiens, d’un bassinet, d’une grenadière, de trois grands ressorts, le trempage de quatre ressorts et le traitement de deux crosses.
Lors de la revue d’inspection de 1808, le colonel de Gendarmerie note clairement « l’armement était en très mauvais état » , en 1809 « le mauvais état de l’armement nécessitait des dépenses dispendieuses » et en 1811 le colonel écrit au ministre de l’Intérieur pour faire changer l’armement de la compagnie .

Lors de ce renouvellement partiel en 1811, seize fusils sont remplacés (ceux des sous-officiers et caporaux). Et là nous nous apercevons que ce sont d’anciens modèles n’étant pas du calibre en vigueur dans l’armée française ou dont l’épaisseur au tonnerre n’est pas suffisante, sachant qu’un canon d’un calibre inférieur peut être reforé (pour 30c selon le registre de tableaux et modèles de 1809 ) on peut en conclure que ces fusils étaient d’un calibre supérieur à celui en vigueur dans l’armée française.

PACAUD Fabien, La compagnie de Réserve départementale du Puy-de-Dôme. An XIV - 1814 , Mémoire de Master, Université Blaise Pascal LLSH de Clermont-Ferrand, 2010.

Quelques extrait du registre de 1810 dont j'ai quelques photos sous la main:

Bonjour à tous,

encore un sujet passionnant. Je note l'utilisation possible du fusil de dragon an IX par les voltigeurs d'infanterie de la GN!

Si la question ne se pose pas pour la période 1830-1840 d'activité de la GN, je m'interroge pour 1848 - 1851 : les armes de la GN restent-elles à silex ou passe-t'on comme dans l'armée à des conversions percussions, éventuellement réalisées localement? Les gravures de l'époques ne m'ont pour le moment pas éclairé.

Cordialement

Aldebaran

Bonjour,
c'est une question que je me pose également et je n'y ai toujours pas trouvé la réponse!

Le programme de la Manufacture de Tulle prévoyait chaque année de 1840 à vraisemblablement 1859:
- 48 000 armes à silex neuves à transformer.
- 6 000 armes à silex à réparer et transformer.
- 6 000 armes à percussion à fabriquer.

En 1859 les états indiquent qu'à cette date un total de 468 067 armes ont été transformées, dont 59 775 fusils pour la seule année 1859.
CF Yves Cayres, histoire de Tulle.

Ca ne représente en fait que peu d'armes en comparaison de ce que représentait le total de celles de l'armée plus celles de la GN, armes de poing et longues confondues.

Pour Saint Etienne, les chiffres de la période 1839/1848 sont de 193 422 armes neuves à percussion livrées et de 376 404 armes à silex transformées livrées. Armes de poing et longues confondues.
Le détail est connu et il n'est fait mention nulle part de la GN.
Curieusement entre 1849 et 1863 les états ne parlent plus que de fabrications d'armes neuves pour l'armée.
CF R. Dubessy, histoire de St Etienne.

Donc pour les deux manufactures on aurait 844 471 armes transformées.

Cordialement,
CG

Effectivement c'est peu par rapport au total. Je manque totalement d'informations par rapport à la Manufacture de Mutzig (terrible alors que 4 des mes aieux au moins y travaillaient...) qui a elle aussi produit et transformé si je ne m'abuse.

Cordialement

Aldebaran

En effet, Mutzig a fait des transformations.

L'artiste F. Regamey (bien documenté en général et qui dessine net) propose en 1911 dans ses planches sur les garnisons d'Alsace un fantassin de la Garde Nationale de Strasbourg en 1848 qui me semble équipé clairement d'un fusil à percussion, un 1842 je dirais même vu le dessin de la contre-platine. Pas de preuve absolue, bien sûr, mais en tous les cas une belle planche visible gratuitement en ligne sur le site de la BNU de Strasbourg : lien mis en image ci-dessous : [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]




Aldebaran

En effet on dirait bien un 1842.
Strasbourg était peut-être assez riche pour acheter ce type de fusil?

Sinon lors du remplacement des armes à percussion dans l'armée par le Chassepot, certaines gardes nationales ont pu s'équiper de fusils récents en puisant dans les arsenaux qui stockaient ces armes devenues obsolètes.

Bonjour!

Je commence à peine à travailler un peu le sujet des gardes nationales. Je pense effectivement que Strasbourg pouvais se permettre quelques dépenses que d'autres gardes ne pouvaient pas. On note d'ailleurs la présence en 1830 et 1848 d'un escadron de guides de la garde nationale et les commentateurs de l'époque soulignent que les cavaliers strasbourgeois furent toujours bien équipés et correctement montés. Strasbourg étant une cité à forte tradition bourgeoise et municipale, on peut en déduire que l'infanterie était correctement équipée également.
De plus, présence d'Arsenal et Manufacture pas loin!

Après 1866 en effet, plus trop de doutes, il n'y a qu'à se baisser dans les arsenaux. Les manuels de garde nationaux sédentaires de 1870 d'ailleurs ne parlent plus de fusil à silex mais explique uniquement le maniement de la percussion, de la tabatière et du chassepot.

Cordialement

Aldebaran

Bonjour,

du neuf sur la GN de Strasbourg en 1848. L'historien Rodolphe Reuss dans son Histoire de l'Alsace indique qu'en 1848 la municipalité de Strasbourg décide de son propre chef la réactivation de la GN dès la nouvelle de la révolution connue, donc volontarisme de la municipalité. Paul Muller, en 1912, dans La révolution de 1848 en Alsace indique que la GN est bien équipée, la municipalité allant jusque financer les uniformes pour les gardes urbains pauvres et même les gardes des cantons ruraux sont habillés a minima du képi et de la blouse bleu adaptée en plus de l'équipement. Donc, un fusil 1842 est tout à fait concevable, cela colle bien avec l'effort de bonne tenue entrepris et on peut faire confiance à la gravure de Régamey je pense.

Cordialement

Aldebaran

Un livre où il est question du nombre d'armes à silex à convertir à percussion et de son coût:

GOOGLE BOOKS

Merci pour ce bon conseil de lecture! On saisit mieux l'étendue du problème et l'impérieuse nécessité des transformations. Il serait intéressant de suivre l'évolution des débats parlementaires et retrouver les textes de lois adoptés effectivement. A creuser qu'en j'aurais un peu de temps!

Ce texte donne un éclairage intéressant également sur le réemploi des fusils 1840 par la garde nationale évoqué dans un autre sujet : autant d'armes existantes modernes dont l'armée n'a pas besoin immédiat et qui évitent des transformations pour la garde nationale.