Refus d'obéissance

Bonjour,

Printemps 1963 à BONE, le quartier de la "casbah" abritait pendant la guerre le 52° BT, mon détachement d'écoutes de la 718° CT, et un relais VHF de l'Armée de l'Air dont je reparlerai prochainement.

La guerre terminée, le 52° BT fut dissous et remplacé par des unités de l'intérieur qui attendaient l'embarquement pour la France.

Tout se déroulait normalement jusqu'au jour où je reçois une note de service d'un chef d'escadrons dénommé D..... faisant fonction de chef de corps par interim.

Ce dernier me donnait l'ordre de lui fournir deux ou trois fois par semaines des hommes du rang et un sous officier pour monter la garde.

Je réponds que cela m'est impossible devant assurer les écoutes 24 heures sur 24 et qu'entre les quarts, les opérateurs dormaient.

Rien à cirer ! C'est un ordre à partir de ce soir.

J'alerte le PC de la 708° CT à HYDRA (banlieue d'Alger) qui me répond de pas exécuter l'ordre et de ne pas interrompre les écoutes sous quel motif que ce soit.

Je me rends à quelques mètres du bâtiment que nous occupions et je montre le message télétype au secrétaire du chef d'escadrons, un adjudant chef ancien qui me fait comprendre que son patron n'est pas un marrant !

J'attends la réponse qui arrive : rien à f... d' HYDRA, c'est moi le patron et vous, adjudant chef, vous éxécutez sinon etc etc.

Je lui présente une note de service signée du général SALAN donnant l'ordre à tous les services concernés en ALGERIE de dépanner en priorité nos véhicules, poste de radio etc et que tous les personnels étaient exemptés de toutes servitudes.

Il lit, me regarde et me dit : et alors ?

Je lui réponds : appelez le général, ex général, monsieur SALAN mais aucune décision annule cet ordre et vous devez l'appliquer.

J'en ai rien à f... etc

Je me rends au télétype et j'obtiens une nouvelle confirmation de l'ordre, à savoir ignorer les directives du commandant sinon je serai sanctionné.

Je retourne au secrétariat de ce chef de corps par intérim qui m'envoie sur les roses sans ménagement.

De retour à mon bureau, j'envoie un message à HYDRA pour confirmer que je refusais d'exécuter l'ordre reçu.

Le soir, je ne fournis aucun personnel et toutes mes tables d'écoutes étaient pourvues comme de coutume.

Une dizaine de jours plus tard environ, je déjeûnais au mess de garnison de BONE en compagnie d'un adjudant chef qui travaillait au 1er bureau de la 2° DIM et qui m'annonce qu'un motif de punition me conçernant est arrivé.

Je lui demande le motif et d'un air gêné, il me répond : refus d'obéissance et il est signé de D....

Je rends compte à HYDRA qui me répond de ne pas m'inquiéter....

Je fonce voir le chef du 2éme bureau de la 2° DIM qui me dit que D..... est connu pour être le roi des c... et qu'il faisait le nécessaire pour me défendre.

Deux mois se passent environ, l'adjudant chef du 1er bureau me dit qu'il a reçu des rapports les plus élogieux sur mon compte de la part du capitaine commandant la 708° CT et du chef du 2° bureau de la 2° DIM et qu'il fallait attendre la suite.

Un mois plus tard, je reçois une convocation pour me présenter au général commandant la 2° DIM.

Son PC était installé dans une splendide villa abandonnée par ses occupants et située en bord de mer.

Je me présente à un gendarme qui me dirige vers un immense hall où le commandant D..... était déja présent.

Je pensais que j'allais passer un sale quart d'heure en me disant que de toutes façons j'étais coïncé puisque quel que soit celui à qui je désobéirais, je serais sanctionné.

Un moment se passe et le gendarme invite le commandant à pénétrer dans le bureau du général.

J'attends une heure environ avant qu'il ressorte et c'est à mon tour d'être à la fête.

Le général était assis derrière un immense bureau, des cartes d'état major de la zone de BONE recouvraient tous les murs avec des petits drapeaux et des punaises de plusieurs couleurs.

Il me fait asseoir et me questionne sur les unités de l'ALN présentes dans la région.

La majorité de ces dernières était mal positionée sur les cartes et il rectifie lui même en fonction de ce que je lui dis.

Je voyais ma demande de punition retournée sur son bureau de manière que je ne puisse pas lire le recto de la feuille.

Nous discutons pendant un bon moment et toujours rien sur ma punition.

Finalement, il me dit : Vous savez pourquoi vous êtes là ? donnez moi votre version des faits et je lui raconte les causes de ma présence.

Il prend la feuille de punition et me la tend. Celle ci était barrée de deux traits rouges avec la mention : sans objet.

Je respire, salue et je sors pour tomber sur ce sacré commandant D..... qui m'attendait.

Il vient vers moi, furieux et me dit : C'est la première fois que je me fais b..... par un adjudant chef, j'ai bien l'intention de vous avoir avant mon embarquement.

Je lui rétorque que je l'avais prévenu et je grimpe dans ma jeep alors qu'il tombe des trompes d'eau et que lui, attendait son véhicule.

Fou furieux, il s'approche de moi et me lance : Maintenant les adjudants chefs ont une jeep !

Le dimanche suivant, au mess, l'adjudant chef du 1er bureau me dit : conduis moi à mon bureau, je vais te montrer quelque chose d'intéressant

Le dimanche, toutes les barraque de l'EM étaient innocupées et nous entrons dans son bureau où il me montre une feuille de punition de 45 jours d'arrêts de rigueur pour qui vous savez avec le motif " abus d'autorité " !

L'histoire est terminée pour BONE et en 1970 je suis affecté à BOULAY, sous préfecture de la Moselle comme tout le monde le sait.

Dans cette bourgade, il y vait la 728 CT ( écoutes et gonios) installée dans les anciennes fortifications de la ligne Maginot.

Il y avait trois magnifiques villas avec jardin, clapier et garage pour les trois officiers tandis que les sous officiers occupaient également des villas regroupées à BAN SAINT JEAN dans les bois à une dizaine de kilomètres.

L'une m'est affectée et je dois me rendre à METZ pour signer la location et prendre les clés.

Sur la porte du bureau "logements", une carte de visite au nom de " chef d'escadrons D.... "

J'ai pensé que c'était un homonyme et après avoir frappé, j'entre et je me trouve nez à nez avec celui que vous devinez !

On ne se connaît pas ?

Si, à BONE en 1970, vous m'avez mis un motif de refus d'obéissance.

Il me regarde, me montre ses épaulettes et me dit : à cause de vous, je n'ai pas eu d'avancement et vous par contre, vous êtes lieutenant, cest un comble !

J'ai poireauté au moins deux heures dans le bureau alors qu'il n' y avait personne avant de régler le problème de la villa.

Cet officier se reconnaîtra facilement s'il lit ces lignes et qu'il sache que je lui en veux encore.

J'espère ne pas avoir été trop long.

Amicalement;

Gantheret

Bonjour,
ces anecdotes sont toujours aussi intéressantes et croustillantes!   
Cordialement,
CG

Bonsoir merci pour cet anecdote!

Merci de nous avoir raconter cette anecdote ! C'est dingue comme les galons peuvent donner des ailes a certains hommes...

Bonjour,

Remarque très juste, Elodie et en général cela s'applique à des individus (femmes ou hommes) de taille inférieure à la moyenne, ce qui était son cas.

Ces personnes veulent compenser leur manque de prestance physique par une agressivité verbale.

Cette remarque est valable pour le secteur privé également.

Bien amicalement.

Gantheret