Bonjour,
Je vous présente ma toute dernière trouvaille : C'est un petit cahier, tout moche. Il ferait même plutôt pitié à voir avec toutes ses pages qui s'en font et sa couverture qui fout le camp, mais il m'a quelque peu ... ému, donc c'est bien là le principal.
Replaçons un peu l'histoire ...
G, Gustave, Gaston ? On ne sait pas c'est juste G. C'est un petit garçon de 12 ans en 1907 qui commence un petit carnet de poésie qui parle d'oiseaux et d'eau fraîche, et prairies verdoyantes. Son premier poème est sur le printemps, le deuxième sur sa grand mère, voilà pour donner le ton. Il écrit, il écrit, il a environ 18 ans et peu à peu ses poèmes deviennent plus "philosophiques" les petites fleurs font place à l'amour et l'insouciance, et les écrits sont désormais adressés à une mystérieuse "vous" qui ré-apparaît désormais à toutes les pages. Il couche ses problèmes d'âmes même, plutôt banal, et parle même des élections. Mais bientôt la guerre arrive et le jeune homme se découvre patriote ... son premier poème concernant notre thème est daté du 2 août et porte naturellement le nom de "Mobilisation"
1ère page :
"On va partir enfin, la guerre se prépare
La femme jeune ou vieille en pleurant se sépare,
de l'époux tant aimé
Dans les riches maisons et dans les chaumières
Au coin de l'âtre en pleurs git la bonne grand mère
au coeur tout esseulé
Le tocsin se réveille en son logis de pierre
C'est maintenant fini, on va partir en guerre,
contre les allemands
Dans le coeur des enfants, des jeunes gens, des femmes,
Les monotones glas sonnant la guerre infâme
tintent lugubrement
Mais France, au doux regard, tu sais prendre les armes
Tu sais quand il le faut n'écoutant pas les larmes
Mettre un glaive à la main
Tu sais armant les coeurs, cuirassant les poitrines,
communiquer à tous la vaillance divine
qui les vaincra deamin
page 2:
Tous les hommes s'en vont à la guerre, l'allure triomphante
L'air grave, résolu, le coeur sans épouvante,
Le calme dans les yeux,
Pourtant, seule au logis, la pauvre femme pleure
Car enfin, le retour n'est-il pas un vain leurre
En ces temps odieux
Maudite soit la guerre, maudite l'Allemagne,
Que des rives du Rhin, aux Landes de Bretagne
Un seul cri soit poussé
Mort aux monstres hideux qui ont voulu la guerre
Mort à l'envahisseur de notre belle terre
Vengeons le temps passé
Mort aux monstres hideux, monstres aux coeurs de pierre.
Le souffle patriote du jeune G. s'estompe quelques jours, le temps de régler avec "vous" deux ou trois problèmes d'ordre sentimental, puis ce qu'il semble qu'il y ait rupture comme l'indique le titre du poème qui suivait, et que je ne retranscrirai pas "A un autre je t'en pris !" suivi lui même de "Souvenirs" montrant des ... souvenirs d'elle.
Mais revenant au sujet il prend une nouvelle fois sa vaillante plume le 9 août pour écrire "Regret" ... de ne pas partir au front.
page n°1
Depuis longtemps déjà j'escomptais une guerre
Je me voyais vaillant, partir aux frontières,
Le sourire à la lèvre et le courage au coeur,
Un sac lourd sur le dos, le fusil sur l'épaule
J'aurais sus aux teutons, couru jusqu'aux pôles,
Puis serais revenu triomphant et vainqueur
Je n'eus pas craint le froid, la faim et la misère,
Je n'eus pas eu souci des balles meurtrières,
Des coups de baïonnettes ou des éclats d'obus.
Sur le lieu du combat, je serais mort en brave,
Car moi j'aurai pensé en cet instant si grave,
Que la mort est pour tous le seul et vrai but.
Mourir à dix neuf ans ! Est ce une chose triste
J'aurais sans un regret, à ce moment égoïste
jeté un froid regard, dit un dernier adieu
Puis un grand voile aurait obscurci mes (prunelles ?)
Et je serai rentré dans la nuit éternelle
Alors j'aurais enfin connu la paix de Dieu
page n°2
Mais les espoirs sont vains, passent comme les rêves
Semblables à la rose, leur existence est brève,
Et leurs feuillets s'en vont dans les flots du passé,
Je vois partir au front tous les hommes de France
Et moi je reste seul avec ma souffrance
Car enfin, je ne puis même pas m'engager.
J'ai fait ce que j'ai pu pour servir la patrie
J'aurai sans un regret sacrifié ma vie
Mais la loi me refuse même un tel honneur
Pourtant plus qu'au combat là je puis être utile
Et tout honteux pourtant de rester bien tranquille
Je servirai ici mais plein de rage au coeur.
Voilà qui frise désormais le fanatisme, il parle de la mort en brave, du service à la patrie, et ces écrits ci-dessus peuvent paraître bien inquiétant. S'en suit une période sans écrit. Rien. Et puis une page moins bien écrite, et quelques mots au crayon-encre "Dans le Bois de La Gruerie, G de ?, Guerre 14-15" et une date plus précise "01-?-15", il est donc parvenu à s'engager, et a pénétré dans la vraie guerre, qu'il ne voit plus désormais comme celle des romans ...
"Dans l'Ombre
Dans la foret que l'ombre emplit
Et voilée comme d'un surplis
La chute du jour s'accomplit
Dans le silence
Le grand ciel bleu devient tout noir
C'est l'heure ou tout fait peut à voir
Ou le soldat veille le soir
Avec prudence
C'est l'heure ou tombe de sommeil
L'etre qui depuis le réveil
Aux premiers ? du gai soleil
Pioche et creuse.
C'est l'heure ou je suis amoureux
L'heure des baisers langoureux
Ou je songe à vous, savoureux
portrait de ?
La Bas dans un pays lointain
Que les flots bleux soir et matin
Viennent baigner de leur satin
de mousseline
Je vous revois suite d'un jour
avec vos yeux d'un noir velours
Et votre taille faite au tour
Charmante et fine
Mais il naît des cris dans ces bois
Des sifflements, des cris d'effroi
Qui dans le coeur un peu d'émoi
Toujours vous guerre
Car tous ces bruits sont cris de mort
On veillait et puis l'on s'endort
La Balle est venue puis le sort,
Qui tous nous guette
En espérant ne pas vous avoir trop ennuyé ! J'espère un jour déchiffré le nom du "poète" qui est visible dans la dernière image à gauche. Il y a de plus quelques adresses de militaires comme un "De la Vigerie" que je pense étudier.
Cordialement,
Clément