De bons tchékistes

L'assassinat d'environ six cents personnes arrêtées au cours de la rafle d'Augustów fut le plus grand des crimes perpétrés sur des Polonais après le second confit mondial.
L'ordre de mener "la liquidation des bandes" dans les bois d'Augustów émanait directement de l'Etat-major général de l'Armée Rouge.
À la mi-Juillet 1945 un train spécial quitta Moscou, transportant de hauts dignitaires soviétiques à destination de la conférence de Potsdam, sous la direction de Joseph Staline et du chef des services de sécurité, Lavrenti Beria. Une partie importante de l'itinéraire prévu passait par le territoire polonais, où des unités de guérilla étaient encore actives. Par conséquent, il fut pris un maximum de précautions. Le train spécial était rempli de troupes de protection armées jusqu'aux dents.
En Pologne, chaque kilomètre de voie ferrée de l'itinéraire était surveillé par 8 ou 10 soldats des forces de sécurité; chaque pont gardé par 5 à 12 personnes. Auparavant, eut lieu une série d'opérations contre la résistance polonaise. Une des plus importantes et des plus tragiques dans ses conséquences fut le raid d'Augustów.

„Filtrage”

Au cours des six précédentes années, les districts d'Augustów et de Suwałki furent un solide bastion de la résistance clandestine polonaise.
En juin 1944, les effectifs de l'Armée intérieure avaient atteint 5000 soldats. La retraite de l'occupant allemand et l'entrée des troupes soviétiques n'a pas apporté la liberté tant attendue. Beaucoup de membres de l'Armée Intérieure poursuivirent leurs activités clandestines.
A partir du printemps 1945, dans la région Augustów-Suwałki, la guérilla.s'intensifia. Il y eut un certain nombre d'actions audacieuses, comme la destruction de nombreux postes de police et de bureaux du gouvernement, l'élimination de nombreux d'informateurs. Le gouvernement soi-disant populaire était fortement incertain. Sans surprise, à l'été 1945, un coup violent fut asséné par l'ennemi. L'ordre de procéder à la "liquidation des bandes dans les forêts d'Augustow" vint tout droit de l'Etat-major général de l'Armée rouge. Son exécution nécessita des milliers de soldats du 3ème front biélorusse et des troupes du NKVD, soutenus par les agents locaux de l'Office pour la sécurité, la Milice civile et des informateurs.. Parmi les sbires soviétiques les plus fervents, il se trouva un nommé Miroslaw Milewski, alors âgé de 17 ans, dont la participation au raid d'Augustów ouvrit la carrière politique en PRL (futur Ministre de l'Intérieur). L'opération a été coordonnée par le personnel du contre-espionnage "Smersh" basé à Augustów. Ce raid fut effectué du 9 au 19 Juillet 1945, les agglomérations furent passées au peigne fin, de même que les forêts environnantes.
Les arrestations eurent lieu à différents moments de la journée et de la nuit. Les détenus furent parfois traînés hors de leur maison, d'autres surpris pendant les travaux dans les champs. Parfois, des villages entiers furent encerclés par de nombreuses troupes en uniforme fouillant soigneusement toutes les maisons.
Dans d'autres cas, les équipes se rendaient directement à l'adresse indiquée par des informateurs. Parallèlement au raid des forces soviétiques d'Augustów une opération similaire fut lancée de l'autre côté de la frontière à proximité de la Lituanie, notamment dans le district de Marijampole.

Trophées et pillages

Les effets de l'action étaient à première vue impressionnants : 7 049 personnes arrêtées, dont 1 685 de nationalité lituanienne. Des armes furent confisquées ; 11 mortiers, un mortier lourd et 30 mitrailleuses légères, 31 mitraillettes, 90 fusils, 4 pistolets.
Dans la forêt d'Augustów furent découvert un nombre impressionnant de bâtiments militaires :
- 52 bunkers, des abris en béton et 15 439 abris anti-incendie. Tout fut volatilisé pour l'exemple.
Un examen plus approfondi démontre l'exagération des résultats par les participants au raid.
Les bunkers et les étangs artificiels détectés en forêt remontaient à la guerre, construits par des soldats allemands, bien que certains de ces bâtiments purent ensuite être utilisés par les partisans de l'AK.. Les armes saisies auraient à peine suffi assez pour armer 150 personnes. La plupart des armes ont été trouvées dans des entrepôts en forêt. Seulement 69 suspects furent pris les armes à la main ...
La grande majorité des personnes arrêtées n'avaient rien à voir avec la conspiration. Les agents impliqués dans la chasse à l'homme relâchèrent 5 115 habitants (dont 1 171 Lituaniens). Les 1 934 prisonniers restants furent placés dans plus de cinquante points de filtrage. Il y eut des cas de torture, des prisonniers ligotés avec du fil barbelé, dans des fosses remplies d'eau. Les enquêteurs ont conclu que 252 détenus Lituaniens avaient un lien avec les "voyous en Lituanie" et donc transmis au Commissariat du peuple pour la sécurité de l'Etat (NKGB) de la République socialiste soviétique de Lituanie. Plus de 262 détenus de nationalité lituanienne furent confiés pour complement d'enquête. Sur les 1 420 Polonais arrêtés et identifiés (à la date du 21 Juillet, 1945)  figurèrent 592 soldats de l'Armée Intérieure. Parmi eux deux commandants de grandes unités et trois commandants de peloton, les autres étaient soldats.du rang. Parmi les partisans identifiés figuraient 27 femmes et 15 garçons mineurs.

Le colonel-général Viktor Abakumov, chef de la Direction principale du contre-espionnage "Smersh", rendant compte à Ławrienti Beria des résultats du raid, proposa la façon de procéder à la "liquidation des bandits arrêtés dans les forêts d' Augustow". La tâche devait être confiée à une équipe opérationnelle distincte et un bataillon de troupes du "Smersh" du 3ème Front de Biélorussie.
Comme l'a recommandé Abakumov, ces officiers avaient déjà acquis une expérience considérable "dans le cadre d'un certain nombre d'activités de contre-espionnage." Supervision de la liquidation dirigée par le chef adjoint de la Direction principale du "Smersh" le major-général Ivan Gorgonowj secondé par lieutenant-général Paweł Zielenin.
Abakumov ordonna de conclure l'enquête sur les 828 détenus restants dans les cinq jours et l'élimination de tous les bandits "identifiés", selon la même méthode. Abakumov avait pleine confiance en ses hommes.
Hélas, plus aucune trace des 600 disparus, aucune sépulture.

Selon des historiens russes,  aucune trace de leur détention dans des camps d'Union soviétique. Très probablement, le général Abakumov reçut de Béria l'ordre écrit ou verbal d'assassiner les prisonniers, sans formalités, toutes les traces du crime ayant été soigneusement effacées. Depuis lors, il y eut diverses suggestions sur le site présumé des exécutions. On supposa longtemps que les victimes furent ensevelies sur un site de Wieki  Bór près du village de Giba (actuellement Sejn). Toutes les exhumations effectuées ont démontré qu'y sont enterrés des soldats allemands. Un lieu d'exécution et d'inhumation a également été signalé dans la  région de Grodno  (Forty Grodzieńskie  et le village voisin de Naumowicz), sans résultat.
Au cours de la soi-disant consolidation du pouvoir du peuple en Pologne ont été commis d'innombrables crimes. Cependant, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, aucun assassinat de masse en Pologne n'a atteint l'ampleur de l'opération  d'Augustów. Le caractère unique de ce crime garde toujours ses nombreux secrets. Nous ne savons pas si Lavrenty Beria a commandé les assassinats après consultation avec Staline, ou décidé de ne pas déranger le "Petit Père des peuples". Abakumov avait raison - ses subordonnés se sont avérés être de bons experts pour être reconnus "bons tchékistes" après avoir impeccablement réalisé le crime planifié.