Rackham le rouge.

Bonjour,


Mai 1718. Un navire pirate commandé par le " Captain " Charles Vane navigue au large de l'île de la Providence, dans la mer des Caraïbes. Il vient de s'emparer d'un petit bâtiment espagnol, allant de Porto Rico à  La Havane. 
Après l'avoir vidé de sa cargaison et abandonné son équipage dans une chaloupe, les flibustiers incendient le navire. Si le butin avait été encombrant, le navire aurait été capturé avant d'être remorqué, le temps de vendre sa cargaison. 
Il s'agit là  d'une solution dangereuse car elle ralentit considérablement l'allure. Charles Vane, à  l'exemple de ses congénères, ne s'attaque jamais à  plus gros que lui, profitant de la maniabilité de son brigantin pour s'éloigner toutes voiles dehors quand il n'est pas sûr de son coup.


A la fin de novembre, pourtant, le voilà  en fuite, serré de près par une frégate française qui n'a dévoilé ses canons qu'au dernier moment, lui laissant croire qu'il avait affaire à  un inoffensif bâtiment marchand. A bord du navire de Vane, une partie de l'équipage, menée par un quartier-maître du nom de John Rackham, était favorable à  l'abordage. Mais le " Captain " avait refusé. Le danger passé, une mutinerie éclate. 
Accusé de lâcheté, Vane est abandonné dans une chaloupe avec ses partisans. 
Rackham est désormais maître à  bord. Plus audacieux et surtout plus redouté que l'ancien capitaine, il est bientôt connu sous le surnom de Rackham le Rouge, en raison de la couleur de ses pantalons. 
Son penchant pour les tissus d'indienne aux vives couleurs le fait également surnommer " Calico Jack ".


Si la postérité et notamment Hergé au travers de deux albums de Tintin Le Secret de la Licorne et Le Trésor de Rackham le Rouge ont entretenu la mémoire de ce pirate dont la carrière fut brève, ce n'est pas tant à  cause de son nom que parce que deux femmes de son équipage, Mary Read et Ann Bonny, étaient habillées en hommes et se faisaient passer pour tels. 


La première, née à  Londres, a servi dans l'infanterie, puis dans la cavalerie. Escrimeuse redoutable, elle est aussi adroite au pistolet. De taille imposante, elle sait faire le coup de poing dans les tavernes. Redevenue femme le temps de se marier et d'être veuve, elle a repris les habits d'homme pour s'embarquer comme marin sur un navire hollandais qui, voguant vers les Antilles, a été capturé par Rackham le Rouge. 
Elle s'est si bien défendue que le chef pirate l'a enrôlée sans soupçonner sa féminité. 


L'autre femme, Ann Bonny, est la concubine de Rackham. Irlandaise, mariée à  un marin parti chercher fortune dans l'île de la Providence, elle est séduite par l'irrésistible Rackham le Rouge. Elle le suit en mer, déguisée en matelot, capable elle aussi de manoeuvrer et de se battre. N'a-t-elle pas tué une servante d'un coup de couteau lors d'une rixe ?
A bord, les deux femmes ont tôt fait de se deviner et de devenir les meilleures amies du monde. Rackham accepte de garder le secret qui n'en est plus un depuis que Mary Read est tombée amoureuse d'un matelot prisonnier. 
Elle a d'ailleurs tué au sabre lors d'un duel régulier, un pirate qui s'en offusquait.




Octobre 1720. Le gouverneur de la Jamaïque décide d'en finir avec Rackham, armant spécialement une corvette pour le poursuivre. Les pirates ont l'habitude de faire bombance à  quelques encablures de la côte après chaque nouvelle prise. 
Dans la nuit du 2 novembre, leur navire est surpris au mouillage. 


Rackham le Rouge ne fait pas de zèle et choisit de se rendre. 
Un " tribunal maritime " est aussitôt constitué à  Port-Royal. Le 16 novembre 1720, Rackham et dix-huit des ses compagnons sont condamnés à  la pendaison. Parmi eux, Mary Read et Ann Bonny qui se déclarent alors femmes et de surcroît enceintes. Elles le sont en effet, échappant ainsi de justesse au gibet. 
Finalement, elles ne seront jamais exécutées. 
Au contraire des autres pirates qui eux, sont pendus dès le lendemain. John Rackham est exécuté à  part, à  l'entrée du port, avec ses chaînes. 
Il est stipulé qu'à  titre d'exemple, son corps sera laissé à  pourrir au bout de sa corde, dans une cage. 


La tradition rapporte que, entendant passer la charrette des condamnés devant sa cellule, Ann Bonny aurait crié à  son compagnon : " Misérable, si tu t'étais battu comme un homme, tu ne mourrais pas comme un chien ! "


cf Claude Quétel,  Historia n°727 octobre 2007.
Cordialement,
CG

Très intéressant !

Je ne pensais vraiment pas que ce héros de Tintin avait existé réellement !

Bonjour,

Attention, Hergé s'est effectivement très fortement inspiré de Jack Rakham (il s'est également inspiré de Bartholomew Roberts dit Black Bart), surnommé à l'époque "Calico Jack", mais il ne porta jamais celui de Rakham "le rouge", qui fut inventé par Hergé.


Bonne journée


PS: Petite parenthèse aussi, le pavillon noir de pirate connu dans la culture populaire (Crâne blanc surmontant deux sabres entrecroisés) était celui arboré par Jack Rakham, en réalité, chaque capitaine possédait son propre pavillon (noir ou rouge) arborant une multitude de symboles (créatures diverses, sabliers, ailes, parties de squelette ou squelette entier etc etc...)

La signification des couleurs était en gros:
Pavillon noir: Rendez vous ou vous êtes morts
Pavillon rouge: Aucun survivant

Quelques exemples ci-dessous:

Très intéressant !

Le pavillon rouge :

ou comment transformer les simples marins des bateaux que l'on attaque en fanatiques prêts à combattre jusqu'à la mort !