La clarinette de cinq pieds ou fusil de grenadier d'infanterie modèle 1777

Le fusil de grenadier d’infanterie modèle 1777 résulte d’une longue évolution d’une arme apparue en 1717. Jean Baptiste Vaquette de Gribeauval (1715-1789) et le contrôleur Honoré Blanc (1736-1801) essaient d’introduire une interchangeabilité des pièces, ce qui est révolutionnaire pour un système adopté en janvier 1776 par l’armée royale. La fabrication reste toutefois manuelle, même si des instruments vérificateurs sont spécialement conçus pour permettre aux contrôleurs des manufactures de s’assurer de l’uniformité des pièces produites. L'interchangeabilité totale des pièces ne sera vraiment atteinte qu’avec le fusil Lebel de 1886.
Le système 1777 compte quatorze types différents puis à partir de l’an 9 six seulement.
Contrairement au fusil de dragon qui adopte l’appellation « an 9 » avec le raccourcissement de 2 pouces de son canon, le fusil de grenadier garde sa longueur d’origine de 42 pouces pour le canon (1,082 m) et garde le qualificatif de « M 1777 » corrigé ou plutôt simplifié :
- suppression au canon du tenon pour l’embouchoir et de l’embouchoir à vis remplacé par un ressort à pivot plus facile à manipuler.
- pour la grenadière, adoption d’un battant à anneau soudé et fixation par un ressort à ergot puis à pivot placé à l’arrière, puis à épaulement placé à l’avant vers 1806-1807 avec alors un battant à rosette rivetée.
- disparition du retroussis de batterie
- évolution de la tête de la vis culasse qui de tronconique et bombée devient plate, avec une arête vive abattue en 1810.
- allongement de la baïonnette d’un pouce

Presque 2 millions d’exemplaires seront fabriqués jusqu’en 1819 au sein de dix manufactures différentes. Ils vont parcourir les routes et champs de bataille entre l’Égypte, la péninsule ibérique et la Russie. 1m52, 4,7 kg (5 kg avec la baïonnette) avec une portée au combat de 200 mètres en visant à la partie supérieure de la coiffure. Le calibre était de 17,48 mm, les balles pesaient 27,2 g (20 à la livre). Robuste, il se révèlera moins fiable à l’amorçage que son homologue anglais Brown Bess, même si certains présentent la « clarinette » de cinq pieds comme meilleur au monde.


Côté maniabilité, il suffit de prendre en main un exemplaire pour comprendre pourquoi les grognards grognaient. La décomposition du chargement en douze temps permettait, si vous étiez vraiment entrainé, une cadence de tir de deux coups par minute., dans un nuage de fumée très vite opaque. L’encrassement arrivait au delà d’une vingtaine de coup, même si vous aviez passé régulièrement l’épinglette (portée suspendue par une chaînette aux boutonnières du revers) dans la lumière. On ne comptait pas les ratés (1 sur 15 environ), pour cause de silex ou de poudre défectueux, d’humidité, de pluie, ni les pertes de baguette rendant l’arme inutilisable, ni enfin les dangereuses doubles ou triples charges. Tout ça sous la mitraille, face à de charges de cavalerie qui faisaient trembler le sol, au coude à coude avec les camarades au sein de rangs qu’ils ne fallaient pas rompre… l’infanterie de ligne se déployait à raison de 2 hommes au mètre sur trois rangs.
À chaque fois, Le tireur déchire la cartouche en papier (elle contient la poudre (12,24 g) et la balle de 27,2g) avec ses dents, verse la poudre dans le canon et la tasse avec la baguette. L’enveloppe et la balle sous calibrée sont introduites dans le canon et poussées avec la baguette. Le tireur achève les opérations en versant avec sa poire à poudre une fine dose de poudre dans le bassinet qu’il coiffe en basculant la batterie.


Manuel d'infanterie ou résumé des tous les règlements, décrets, usages, renseignements propres à cette arme, Ed. Magimel, Paris, 1808.

Tableau établi d'après les mémoires du Capitaine Rayne (Metz, 1818)
Après le combat, les hommes devaient tenir leurs armes propres sans être polies, dérouillées à l’émeri et l’huile d’olive. Le canon est lavé jusqu’à ce que l’eau soit claire, bien séché, fini avec une pièce grasse en utilisant le tire balle vissé sur l’extrémité filetée de la baguette. Certains soldats se laissent aller à amoindrir le bois des montures sous les garnitures afin que mieux faire résonner lors des manoeuvres. D’autres passaient le fusil à la baguette pour le rendent plus brillant. D’autres enfin « font un jambon » en aplatissant une balle avec la crosse, c’est à dire la brise à la poignée, afin de fabriquer un calepin pour leur silex de batterie. Ces trois pratiques étaient défendues et punies.
Un silex de bonne qualité, demi-transparent blond ou brun uni, faisait cinquante coups. La giberne contenait 35 cartouches, balle en haut, ainsi que différents accessoires : huilier, démonte ressort, silex bois et normal, calepins, tournevis, pièce grasse, brosse à bassinet, tire balle...

Vous l’aurez compris, il est bien difficile de trouver une arme en état parfait, surtout si elles ont traversé les guerres de la révolution et de l’empire. Les traces du temps, de l’usure, des pratiques non réglementaires sont toujours émouvantes, respectables et à respecter.

Voici un exemplaire des dernières années de l’empire, fabriqué en 1813 par la manufacture Impériale de Mutzig. Le canon à 5 pans courts au tonnerre est long de 1137 mm de long. De calibre 17,5 mm, il est daté au tonnerre 1813 et porte le poinçon DM pour Mathieu Dombret contrôleur. La monture en noyer comporte un macaron de crosse daté Juin 1813, et une crosse à joue. La grenadière en acier poinçonnée du S sous étoile du contrôleur Louis Squiret. L’embouchoir comporte une fixation par ressort d’acier, La capucine, le pontet et la contre-platine en acier sont poinçonnés du C soit de Jean Nicaise Compas (fils) soit de Jean- Baptiste Capiomont, tous deux contrôleurs. La platine à silex modèle an 9, est poinçonnée du S sous étoile dans un ovale pour Louis Squiret, contrôleur de 1809 à 1823, et gravée en cursive « Mre Imple de Mutzig ». Plaque de couche en acier. Baguette en acier. Longueur totale de l’arme : 1520 mm, poids : 4 kg 750.










Tout ceci est merveilleusement décrit par Jean Boudriot dans différents articles dont le N°46 de février 1977 de la gaztte des armes.
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Pour compléter voici l'indispensable baïonnette à douille, avec 2 exemplaires modèle 1777 et an 9 :

1) un modèle 1777, avec une douille ronde à virole médiane. La lame triangulaire de 366 mm présente de beaux marquages (poinçon LW de LEVAVASSEUR  Benjamin Inspecteur à la manufacture de Klingenthal du 21 mars 1798 à septembre 1803, et de Jean Jacques Mouton, contrôleur de 1ère classe du 4 juillet 1798 au 21 février 1809. Il s'agit d'une fabrication du consulat, elle provient de l'ancienne collection Claude Béra.
2) un modèle an IX portant le même poinçon de Mouton et le B de Simon Ferdinand Beaumaretz, inspecteur de septembre 1803 à juin 1807. Le fourreau est du modèle 1818 en cuir noir, à bouterolle en laiton.

Excellente présentation d'une forme d'aboutissement avec ce modèle de la longue épopée des fusils réglementaires.
Le 1777 corrigé An9 tient le record de l'arme la plus produite avec ce système de mise à feu.

Bonjour,
merci pour la présentation globale de ce grand classique. Concernant la baïonnette, son allongement de la lame d'un pouce par rapport à la 1777 a été décidé seulement à partir de l'an XI. Le fourreau modèle 1818 a un collet en buffle (blanc), le votre a-t'il été noirci?

Bonjour
Merci nansouty pour ce très intéressant article.
JC

CAVE CANEM a écrit:

Bonjour,
merci pour la présentation globale de ce grand classique. Concernant la baïonnette, son allongement de la lame d'un pouce par rapport à la 1777 a été décidé seulement à partir de l'an XI. Le fourreau modèle 1818 a un collet en buffle (blanc), le votre a-t'il été noirci?

J'avoue ne pas savoir si le collet a été noirci, j'un autre exemplaire identique en tout point.
en voici une autre plus ancienne et qui a du vécu :

Merci en tout cas de vos encouragements, et n'hésitez pas à partager vos modèles

Une coupe intéressante du fusil 1777 :

Bonjour,
Pas mon thème mais superbe exposé et très belle pièce !
Le fourreau de la dernière baio présenté est authentique je suppose ! Jamais vu et certainement très rare !

C'est un fourreau en service pendant les guerres du 1er Empire, utilisé à partir de l'an X et jusqu'au modèle 1818. La lanière n'est pas d'origine, elle a été rajouté ultérieurement; le contre-sanglon et collet de cuir ont été arrachés.
De 1818 à 1848 les collets des fourreaux sont en buffle blanc, puis noircis à partir de cette dernière date et fabriqués ensuite en cuir noir à partir de 1858 (hors Gendarmerie et corps spéciaux qui avaient des modèles spécifiques)

CAVE CANEM a écrit:

C'est un fourreau en service pendant les guerres du 1er Empire, utilisé à partir de l'an X et jusqu'au modèle 1818. La lanière n'est pas d'origine, elle a été rajouté ultérieurement; le contre-sanglon et collet de cuir  ont été arrachés.
De 1818 à 1848 les collets des fourreaux sont en buffle blanc, puis noircis à partir de cette dernière date et fabriqués ensuite en cuir noir à partir de 1858 (hors Gendarmerie et corps spéciaux qui avaient des modèles spécifiques)
 

Merci de ces précisions, j'ai vu très peu de fourreaux de baïonnette, idem d'ailleurs pour les bretelles de fusil d'époque.

C'est effectivement un sujet peu traité; je prépare actuellement un livre sur les porte-baïonnettes et j'y inclus de rapides descriptions des fourreaux...

CAVE CANEM a écrit:

C'est effectivement un sujet peu traité; je prépare actuellement un livre sur les porte-baïonnettes et j'y inclus de rapides descriptions des fourreaux...

à votre disposition pour ce que j'ai, quoique je crois bien avoir déjà envoyé pas mal de photos

Et je vous en remercie !

Bonjour,

nansouty a écrit:

Voici un exemplaire des dernières années de l’empire, fabriqué en 1813 par la manufacture Impériale de Mutzig. Le canon à 5 pans courts au tonnerre est long de 1137 mm de long. De calibre 17,5 mm, il est daté au tonnerre 1813 et porte le poinçon DM pour Mathieu Dombret contrôleur. La monture en noyer comporte un macaron de crosse daté Juin 1813, et une crosse à joue. La grenadière en acier poinçonnée du S sous étoile du contrôleur Louis Squiret. L’embouchoir comporte une fixation par ressort d’acier, La capucine, le pontet et la contre-platine en acier sont poinçonnés du C soit de Jean Nicaise Compas (fils) soit de Jean- Baptiste Capiomont, tous deux contrôleurs. La platine à silex modèle an 9, est poinçonnée du S sous étoile dans un ovale pour Louis Squiret, contrôleur de 1809 à 1823, et gravée en cursive « Mre Imple de Mutzig ». .

Nansouty,
- sur le macaron, je lis J.C et B de part et d'autre de la date. Est-ce exact ?
- pour le C sur les garnitures, je penche plus pour Capiomont (fils) car Compas (fils) est nommé à Saint-Etienne en 1812.

Amicalement.

Merci de ces précisions, pour le macaron, c'est bien ce que je lis, amitiés

Bonsoir,

nansouty a écrit:

Merci de ces précisions, pour le macaron, c'est bien ce que je lis, amitiés

Pour le macaron, et compte-tenu de la date de juin 1813, B pour Becquet, inspecteur et J.C pour Jean-Baptiste Capiomont (père) 1er contrôleur.

Bien amicalement.

Jvendee a écrit:

Bonsoir,

nansouty a écrit:

Merci de ces précisions, pour le macaron, c'est bien ce que je lis, amitiés

Pour le macaron, et compte-tenu de la date de juin 1813, B pour Becquet, inspecteur et J.C pour Jean-Baptiste Capiomont (père) 1er contrôleur.

Bien amicalement.

Bonjour,

J'ai le même fusil, mais avec un système de mise à feu différent.
Il y a également des marquages sur la crosse.
C'est du second Empire ?
Merci pour vos réponses.

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Didier a écrit:

Bonjour,

J'ai le même fusil, mais avec un système de mise à feu différent.
Il y a a également des marquages sur la crosse.
C'est du second Empire ?
Merci pour vos réponses.

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C'est un 1822 T bis, c'est à dire un fusil à silex modèle 1822, transformé à percussion (T), puis rayé sous le second empire (bis).

Merci pour ces précieux renseignements.
J'imagine que la cote de cette arme, avec la transformation à percussion, a perdu de sa valeur par rapport à un silex ?

Didier a écrit:

Merci pour ces précieux renseignements.
J'imagine que la cote de cette arme, avec la transformation à percussion, a perdu de sa valeur par rapport à un silex ?

J'imagine aussi