Un fusil d'infanterie du cercle impérial de Suabe

Bonjour,

Un peu d'histoire (succincte et simplifiée) avant de vous présenter l'arme.

L'empire romain germanique (Römisches Reich deutscher Nation) sous l'autorité de l'empereur est constitué de cercles impériaux (Reichskreise) dont les cercles de Suabe et de Franconie sont les plus importants. Le cercle impérial suabe est une organisation qui regroupe  différents territoires servant à garantir la paix de l'Empire en garantissant un contingent armé sur pied en permanence. Le cercle aura également d'autres rôles administratifs (législation, frappe de monnaies,..).

Photo Landesmuseum Württemberg

Les décisions sont prises lors de réunions régulières à Ulm (Kreistage) ou les différents partenaires sont représentés.
En 1748 le cercle impérial de Suabe représente en superficie ce qui correspond au territoire actuel du pays de Bade-Württemberg, du district de Suabe (Regierungsbezirk) une des sept circonscriptions du pays de Bavière, du Voralberg et du Liechtenstein.

Le cercle impérial de Suabe est le seul à avoir de propres armoiries. Elles sont en deux parties commémorant d'anciennes institutions.
La croix est reprise de l'ancienne ligue de Suabe, les trois lions (regardant en avant) sont ceux de l'ancien comté de Suabe régi par les Stauffer. Ces armoiries ressemblent à celles de Walburg-Zeil qui s'en différencient par un globe impérial (surmonté d'une croix) en haut et de trois lions léopardés (regardant vers vous).

Au Landesmuseum Württemberg se trouve un étendard arborant ces armoiries.



Le cercle impérial de Suabe est constitué de  plus de 90 parties (principautés ecclésiastiques, principautés laïques, villes libres, abbayes et autres). En 1694 la décision est prise d'instituer une armée permanente qui est augmentée de moitié en 1714.
En 1693 il avait été décidé d'échanger les piques contre des fusils à baïonnette et depuis 1702 les commandes d'armes sont prises en charge par le cercle ceci pour garantir un calibre unique. De nombreux contrats concernant l'achat de mousquets, de fusils de dragon, de carabines et de pistolets seront finalisés. Les armes seront stockées dans les arsenaux de Esslingen (de confession protestante) et de Rottweil (de confession catholique). Le contingent représente 2628 hommes en armes et 1314 hommes en réserve.

Je vous présente un fusil d'infanterie qui daterait d'autour de la guerre de sept ans. La campagne intérieure de l'Empire fut décrétée le 17 janvier 1757 contre la Prusse qui avait occupé la Saxe. L'armée impériale placée sous commandement français fut battue à Rossbach (5 novembre 1757) puis écrasée un mois plus tard à la bataille de Leuthen. Ces échecs sont principalement imputables à l'incompétence du Prince de Soubise. Depuis la Reichsarmee fut traitée de Reißausarmee (armée de fuyards).

Il n'y a que très peu de ces armes qui ont survécues. A part le fusil que je présente trois fusils d'infanterie sont répertoriés dans la littérature (appartenant à des musées). Un fusil antérieur (N668) diffère par le nombre de porte baguettes et la forme de la crosse. Les fusils (N1238 et N1777) sont similaires à l'exemplaire (N1540) que je présente. Le mien est le seul avec sa baïonnette au même numéro.



Le bois de la crosse est en noyer et porte des décorations autour de la platine, des porte baguettes et du canon (typiques des armes germaniques).
Elle porte une pièce de pouce arborant les armoiries du cercle impérial de Suabe


La forme de la crosse est en pied de vache et porte des inscriptions que je ne sais pas identifier.


La plaque de couche en laiton, comme toutes les montures, porte de grosses vis à tête arrondies très proéminentes à l'arrière.


La platine est plate à bords carrés, le chien est en col de cygne à mâchoires carrées (la supérieure manque) et le bassinet en fer.


La contre platine (de forme typique sur les armes prussiennes) est de forme mouvementée (en forme de serpent) retenue par deux vis de la platine et d'une vis dans le bois.


Le canon est fixé par des goupilles et la queue de culasse est carrée. La culasse porte le poinçon de réception du cercle de Suabe c.à.d. les trois lions (poinçon mal visible).



La baïonnette déjà présentée dans un autre post est au même numéro est s'adapte sans aucun espace sur le fusil. Le tenon de baïonnette se trouve en dessous du canon.



D'autres armes du cercle suabe (pistolets, fusils de dragon, carabines de cavalerie et fusils de fusilier) sont répertoriées et s'intègrent dans une numérotation continue.
Les fusils d'infanterie à baguette en fer cylindrique (250 exemplaires) et 600 fusils à baguette conique, les fusils pour dragon (250 exemplaires) et les carabines de cavalerie (307 exemplaires) et les pistolets s'intègrent dans cette numérotation continue. A noter que toutes les autres types d'armes connues ont une contre platine plate du type utilisée sur le pistolet 1733 français.

Il existe un fusil de fusilier qui a également sa baïonnette d'origine au même numéro. Je pense que cela reste cependant l'exception pour des armes du dix-huitième siècle.

En espérant avoir été complet.  Cordialement.  Ps09
.

Bonjour,
merci beaucoup pour cette impeccable présentation. On retrouve ces grosses têtes de vis également sur les plaques de couches des fusils scandinaves Danemark/Norvège et Suède, même plus tardivement. Très bel et rare ensemble, merci de nous en faire profiter!

Bonjour,
Au plaisir Cave Canem. J'ai oublié de donner les mesures.
Longueur totale: 144,7 cm
Longueur canon: 102,8 cm
Longueur platine 17,4 cm
Calibre: 18,2 mm

Ce fusil est plus court que les fusils français de la même période mais il est très peu maniable avec un canon très lourd. Il n'a de loin pas l'élégance des fusils français.
Cordialement. Ps09

magnifique présentation! merci pour le partage!!!
une petite remarque pragmatique....j'aimerai pas tirer avec....quand je vois la taille des vis de la plaque de couche.....

Bonjour,

Superbe, merci

Bonsoir,

Merci beaucoup pour cette présentation d'une arme que je découvre !

Bien cordialement.

Bonsoir,

Encore une pièce rarissime et dans un très très bel état.
Il y a eu très peu de troupes armées d’un tel fusil. On a la chance de posséder des représentations contemporaines des 4 régiments d'infanterie possibles, si l’on fait abstraction de l’artillerie ou des dragons qui pouvaient peut être en être dotés.

Le Cercle de Suabe est le Cercle où l’on trouve le plus grand nombre d’états immédiats du Saint Empire, que ce soit des principautés ecclésiastiques, des principautés ou abbayes séculières, des comtés, seigneuries, landgraviats…, villes impériales…

C’est à l’instigation du Markgrave Ludwig Wilhelm von Baden-Baden qu’à partir de 1692 le Cercle de Suabe se dote d’un contingent armé permanent. À l’entrée de la guerre de Sept Ans, les états catholiques entretiennent deux régiments d’infanterie et un régiment de dragons et les états protestants deux régiments d’infanterie et un régiment de cuirassiers. Deux compagnies d’artillerie sont installées, l’une dans la ville protestante d’Esslingen et l’autre dans la ville catholique de Rottweil.

Durant la guerre de Sept Ans la question religieuse refait son apparition, les états protestants ayant une plus grande confiance dans le roi de Prusse pour la préservation de leur foi que dans le très catholique duc de Wurttemberg, directeur du Cercle de Suabe, allié de la France et qui est honnie des protestants du Cercle de Suabe.
Le duc de Wurttemberg, entretient deux régiments attachés au Cercle de Suabe: Alt Wurttemberg infanterie et Wurttemberg dragon, mais également un ensemble de troupes indépendantes des troupes du Saint Empire: infanterie, dragons, cavalerie et payé par les subsides français.

Cercle de Suabe
Un régiment de fusiller Alt-Württemberg (catholique) commandé par le duc de Württemberg
Un régiment d’infanterie de Fürstenberg (catholique) commandé par le Landgrave Ludwig von Fürstenberg puis en 1759 le Landgrave Friedrich von Fürstenberg
Un régiment d’infanterie de Baden-Baden (protestant) commandé par le Margrave August Georg von Baden-Baden
Un régiment d’infanterie de Baden-Durlach (protestant) commandé par le Margrave Karl August von Baden-Durlach

Régiment de cuirassier de Hohenzollern (protestant)
Un régiment de dragons de Württemberg (catholique)

Et deux compagnies d’artillerie du Cercle de Suabe.

Les planches sont tirées de la suite de gouaches de Johann Christian Becher, intitulée Wahrhaftige Nachricht derer Begebenheiten, so sich in dem Herzogthum Weimar by dem gewaltigen Kriege Friedrichs II., Königs von Preußen, mit der Königin von Ungarn, Marien Theresen, samt ihren Bundesgenossen zugetragen, réalisée entre 1757 et 1763 et dont l’originale est conservée à la bibliothèque de Weimar.






Cordialement,
JL

Bonjour,

Merci Chevert comme à chaque fois une mine de renseignements et en plus des dessins magnifiques. Pour précision les seuls qui portent ces fusils (théoriquement) sont des grenadiers puisque les dragons ,fusiliers et cavaliers ont des modèles différents qui sont connus.

Une chose qui m'étonne c'est qu'une dizaine d'armes à feu portant ces armoiries sont connues et elles sont toujours attribuées au Württemberg dans la littérature allemande. Les Badois portaient le fusil 1740 prussien à cette époque et rien sur ces fusils du cercle qui auraient du également servir aux Badois.
La littérature poussée sur ces armes (Reckendorf, Vollmer) et des collectionneurs de Württembergeois suivent toujours cet avis.

Merci à vous tous pour vos interventions.
Cordialement Ps09

Bonjour,
merci pour ces très intéressants compléments!
Je vais faire appel à votre expertise, si vous le voulez bien.
N'étant que très mal documenté sur l'armement  d'Outre-Rhin dans cette période, je vais ouvrir un post sur une baïonnette de dragon qui je pense être de cette origine, en tous cas pas française. J'espère que vous pourrez m'apporter quelques informations pour son identification...