Le point sur les épées réglementaires d'officiers sous la Restauration

Chers passionnés,

Après avoir traité des épées de la gendarmerie, je vous propose un petit point sur les épées réglementaires de l'armée de terre sous la Restauration. Il en existe quatre modèles :

LES MODELES CREES PAR JUSTE OU DUC

- L'épée uniforme de 1815

Cette épée ne porte pas de millésime officiel. L'ordonnance royale du 23 septembre 1815 (JM 1815/2, p. 110)  dispose qu'un seul modèle d'épée sera affecté aux officiers de tout grade, jusqu'aux généraux inclus. Créée par l'un des fourbisseurs parisiens Juste ou Duc (JM 1815/2 p. 594) , cette arme est adoptée par le ministre de la guerre entre le 23 septembre 1815 et le 6 décembre de la même année, date à laquelle elle est effectivement prescrite aux officiers de tout grade et de toutes armes (en petite tenue seulement pour les troupes à cheval ; JM 1815/2 p. 592). Cette épée est habituellement appelée "modèle 1816 1er type", sans doute sous l'influence d'Ariès, mais c'est bien "modèle 1815" qu'il faudrait l'appeler.

L’épée uniforme modèle 1815 possède une lame à soie filetée et à un pan creux par face sur la moitié de sa longueur. D’abord à dos, cette lame finit en double tranchant. Le pommeau, sphérique, est vissé sur la soie. Le plateau de garde présente deux demi-coquilles fortement incurvées, l’externe vers le bas, l’interne vers le haut.  La poignée est entièrement recouverte d’un filigrane double doré sur lequel ressort une hélice de filigrane double plus gros, également doré.


- L'épée de 1816 dite "à ciselure" (sans "s" dans les textes officiels).

Elle ne se distingue de la précédente que par sa décoration. Elle ne porte pas non plus de millésime officiel (1815 serait le plus adapté, puisqu'elle n'est qu'une version ornée de la précédente). Elle est affectée aux officiers généraux le 28 août 1816, puis aux intendants et sous-intendants militaires le 4 octobre 1817. C'est aussi, sans doute dès 1816, l'arme des officiers de tout grade de la garde royale (en petite tenue seulement pour les troupes à cheval).

(L'épée "unie" de 1815 et son clone "à ciselure" de 1816 (photos Bertrand Malvaux)



LES MODELES CREES PAR MANCEAUX

Ces épées portent toutes les deux le millésime 1816, mais elles n'ont été agréées par le ministre de la guerre qu'en 1818. Le millésime 1816 est générique. Il désigne toute une série d'armes adoptées entre 1816 et 1820.

- L'épée des officiers de troupes modèle 1816

Cette arme reçoit l'approbation du ministre le 17 juillet 1818 (SHD cote 1F3 322). Son appellation réglementaire est épée des officiers de troupes modèle 1816, mais on la trouve dans les textes sous diverses appellations : épée unie, épée sans ciselures, épée ordinaire, etc. Cette arme n'est pas une évolution de l'épée uniforme de 1815, mais un modèle radicalement différent. Différences principales : la lame est à double tranchant, à deux pans creux par face sur la première moitié de la longueur, le reste étant de section en losange jusqu’à la pointe. Elle est fixée par rivure au sommet du pommeau, qui est en olive et surmonté d'un bouton lenticulaire. Les demi-coquilles sont faiblement incurvées et légèrement inclinées vers le bas. La demi-coquille interne peut être articulée. Portée par les officiers de tout grade et de toutes armes jusqu’en 1822, l’épée des officiers de troupes modèle 1816 n’est conservée ultérieurement que par les officiers subalternes des armes à pied, à l’exception des officiers d’infanterie qui portent désormais le sabre (JMO 1822/1, p. 481 sq.).

épée des officiers de troupes modèle 1816 (photo : site de Bertrand Malvaux)


- L'épée des généraux et des officiers d'état-major modèle 1816

Il s'agit de l'arme appelée par les collectionneurs "modèle 1817", sous l'influence d'Ariès. Toutefois, cette appellation est sans fondement réglementaire. En d'autres termes, il n'existe pas d'épée modèle 1817.Cette arme reçoit l'approbation du ministre le 22 avril 1818 (SHD cote 1F3 322), mais sa table de construction n'est signée qu'en novembre de la même année. Au lieu de lui donner son nom complet, les textes réglementaires l'appellent généralement "épée d'état-major" ou "à ciselures" (avec un "s", cette fois !). La lame de 866 mm, à deux tranchants, est de section en losange sur toute sa longueur. La monture à demi-coquille interne mobile , est dorée au mat et au bruni. La demi-coquille externe est ornée de six drapeaux sur lesquels brochent les armes de France entourées de lauriers. La branche de garde porte une bague médiane, de part et d’autre de laquelle est symétriquement ciselé un décor de feuilles de chêne et de laurier. L’extrémité du quillon est décorée d’une tête de lion. Le pommeau tronconique porte un demi-foudre sur les faces externe et interne. La poignée, en écaille pour les généraux, est en veau chagriné et à filigrane doré pour les officiers supérieurs. Cette épée donnera naissances aux épées d'état-major modèles 1831, 1845, 1852, 1855 et 1855/1872, qui s'en distinguent par divers détails. Ce sera peut-être l'occasion d'un prochain sujet.

L'épée d'état-major modèle 1816 est affectée aux officiers généraux entre le 22 avril 1818 et le 23 septembre 1818, date à laquelle son usage est étendu aux officiers d'état-major (JMO 1818/2, p. 266). Elle devient le 31 mai 1821 l'arme des officiers supérieurs des troupes à pied (JMO 1821/1, p. 366). Les officiers de carabiniers, cuirassiers et dragons sont autorisés à la porter en petite tenue en 1825 (JMO 1825/2, p. 252).

épée d'état-major modèle 1816 (photo Bertrand Malvaux)

demi-coquille externe jusqu'en 1831 (photo piquée sur internet, mais où ?)


Pour accéder au Journal militaire (JM) ou au Journal militaire officiel (JMO) de la Restauration :
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Cordialement

Bonjour,
Merci pour cette présentation très détaillée, qui nous permet de différencier de manière simple et rapide, ces épées qui sont le plus souvent répertoriée sous des appellations erronées.
Bien cordialement.

Il y a tout de même un problème : le JMO de 1815 nous dit que les modèles de sabres et épées adoptés cette année-là ont été créés par "Juste et Duc". Or, il s'agit de deux fourbisseurs différents. Il est donc difficile de savoir qui a créé quoi...

Cordialement

Cher collègue
Merci pour ton information. Je l'ai traduit en russe et je veux, avec votre permission, le poster sur un site où je parle des épées françaises

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Sincèrement

Oleg

Pas de problème. Bien préciser toutefois que les photos viennent de chez Bertrand Malvaux.

Merci

Je peux montrer mes photos pour commenter votre texte

Salutations chers collègues



J'ai trouvé une épée intéressante sur Internet.




L'épée a été fabriquée en 1821



Sur les coupes de l'épée, la marque du fabricant



Il y a un couvercle sur la lame qui ferme le fourreau de la saleté et de l'humidité.



Je pense que sur la coupe de la poignée de cette épée il y avait autrefois une image superposée d'un lys royal ou d'un coq gaulois, mais ensuite elle a été enlevée et une image d'un aigle impérial a été mise à leur place.

Dans ma collection, il y a aussi une épée avec un tel aigle.

Ces épées ne datent pas de la Restauration, mais sont postérieures à 1852. Elles ne sont donc pas présentées dans le bon sujet.

La première que vous montrez possède bien une lame réglementaire de la Restauration (Manufacture royale du Klingenthal, mars 1821), mais elle est constituée de pièces disparates :
- sa monture est celle d'une épée d'officier de santé modèle 1852, reconnaissable à la pièce située sous la coquille. sur laquelle vient s'appuyer la chape du fourreau. L'épée des officiers de troupes modèle 1816 ne possèdent pas cette pièce ;
- la poignée est du type spécifique aux officiers subalternes du génie (modèle 1855). La poignée réglementaire de l'épée des officiers de troupes modèle 1816 est entièrement recouverte de filigrane.

Cordialement