Bonsoir à tous,
Je vous présente l'une de mes dernières rentrées :
Ceci est un
fusil Springfield modèle 1884, dénommé également Trapdoor.
Ce fusil reçoit une culasse à clapet système Allin, développée à l'origine pour permettre la transformation des fusils chargés par la bouche en chargement par la culasse.
Les premiers Springfields trapdoor neufs étaient du modèle 1873.
Mon fusil modèle 1884 fait sans doute partie des derniers lots sortis de Springfield, vu qu'il est équipé à la fois de la hausse Buffington et du ramrod-bayonet. Il tire la cartouche réglementaire calibre 45-70 Government.
Faisons le tour fusil.
Le côté gauche : un profil fluide et bien équilibré.
La monture est recouverte d'un épais vernis brillant assez sombre :
La platine reste quasiment celle des fusils de la guerre civile.
Aigle américaine, marquage US Springfield, chien marteau.
Juste sous le chien, le levier de manœuvre de la culasse occupe l'emplacement de l'ancienne cheminée :
La culasse est du type Allin, articulée autour d'un axe perpendiculaire au canon et ouvrant vers l'avant.
Cette vue culasse fermée montre le canal de percuteur aligné avec le chien.
Entre le chien et la culasse, le levier d'ouverture (et de déverrouillage).
L'axe de la culasse est à l'avant, échancré pour permettre la prise de visée.
Le modèle du fusil est marqué, le numéro de série est marqué sur la boîte de culasse.
On note que la culasse a une finition bouchonnée, alors que le canon et le boîtier sont bronzés.
Toujours vu de dessus, la culasse ouverte.
Le fond de la culasse est fraisé pour alléger la pièce.
À l'arrière du fraisage, un orifice correspond à un doigt qu'on voit dans le fond du boîtier, destiné à assurer un appui à la culasse lorsqu'elle est fermée.
Noter le doigt de verrouillage mobile à l'arrière de la culasse, il pénètre dans un orifice à l'arrière du boîtier destiné à verrouiller la culasse en position fermée. Il est actionné par le levier d'ouverture et est rappelé par ressort :
La culasse ouverte vue de profil.
On notera que le percuteur dépasse de la culasse. Il a une course très réduite, à peine plus d'un millimètre.
Ça ne se voit pas, alors je précise que, en fin de course d'ouverture, un vigoureux éjecteur extrait l'étui vide et le propulse loin derrière le tireur :
Organe essentiel du fusil, la hausse réglable système Buffington.
Vue de profil, c'est essentiellement plat, deux molettes visibles sur l'avant.
C'est vue de haut qu'on découvre la complexité de cette hausse.
Quand je dis complexité, je suis très en dessous de la réalité.
Pas moins de deux œilletons et trois guidons, deux échelles de distances de 200 à 2000 yards, un curseur mobile incliné à gauche et deux molettes.
À l'arrière, un secteur arrondi gradué et marqué en rouge.
La molette arrière sert à bloquer le curseur mobile qui coulisse entre les deux échelles.
La hausse, planchette à curseur mobile relevée.
On remarque une tête de vis, elle sert d'axe de rotation pour l'ensemble de la hausse.
La molette avant de la hausse actionne une vis sans fin qui va faire pivoter la hausse latéralement autour de la vis-axe.
L'objectif est de pouvoir décaler l'emplacement du guidon/œilleton afin de corriger un tir.
On espère que le GI moyen venant de sa montagne possède une vue suffisamment perçante pour apprécier la correction à donner ...
On continue avec la baguette-baïonnette, la fameuse "ramrod-bayonet".
La "lame" sortie ressemble à ça :
Noter les deux gorges sur la baguette-baïonnette, elles servent à bloquer la tige/lame.
C'est pas franchement pointu-piquant, et on pense plus à Facom qu'à Rosalie, non ? :
Le système en position "escamoté".
Le principe est assez simple : on appuie sur les deux verrous striés, ça va débloquer les deux gorges déjà vues.
En position sortie, deux autres gorges identiques permettent de maintenir la baïonnette en place.
La baguette mesure en tout 93 cm de long, la partie baïonnette mesurant 42,5 cm.
Au passage, on admirera le double anneau de bretelle. Encore une complexité !
Les extraordinaires aventures de la baguette-baïonnette ne sont pas terminées. Désolé pour la migraine.
Allons à l'opposé du fusil, et ouvrons la plaque mobile de la plaque de couche.
Ça découvre un logement et, ô miracle, un embout vissant sur la baguette fait son apparition !
Non seulement c'est une baïonnette, mais c'est AUSSI une vraie baguette de nettoyage :
La monture en noyer porte un cartouche rectangulaire au niveau des vis de contre platine.
On déchiffre SWP et la date 1884 ou 1887. C'est la marque de Samuel W. Porter, maitre armurier à l'arsenal de Springfield de 1879 à 1894 :
La crosse a été marquée par un fusilier prénommé Ted qui avait la fâcheuse tendance à graver sa marque sur son environnement : son fusil, sa gamelle, son ceinturon et la porte de sa cellule.
Ted avait commencé à graver son chiffre, ici, 14.
Soit le nombre de jours restants avant sa libération.
Sauf que le Master-Sergent de la compagnie, "Hulk" Rupert O Dwillington a interrompu son œuvre.
Et Ted a reçu une correction bien méritée assortie d'un séjour de 15 jours au "Petit Château".
Dernière marque apposée sur la monture, ce numéro 239 au dessus de la poignée.
À mon humble avis, ce numéro a été apposé à cet emplacement pour être visible et lisible lorsque le fusil est au râteler.
C'est donc le numéro d'ordre de l'arme au sein de son corps d'affectation.
Voici le canon vu de dessus.
Il a conservé son bronzage, un peu bruni au contacts de la main gauche : manifestement, Ted transpirait pas mal :
Enfin terminions par cette vue de l'intérieur du canon.
Trois rayures bien nettes et sans accident, à peine quelques traces près de la bouche :
Conclusion :
Un fusil qui reste (tout doucement) à nettoyer. La monture globalement sombre devra être éclaircie et débarrassée de son vernis (acétone).
Une bretelle conforme reste à dénicher.
La cartouche calibre 45-70 Gvt est toujours fabriquée, mais reste excessivement chère, premiers prix à 90 € la boîte de 20.
Et c'est une cartouche moderne à poudre PSF moderne : ne pas utiliser sur un tel vétéran.
Heureusement, le vendeur m'a cédé une centaine d'étuis.
Un JO Ch4D est commandé. Faudra également trouver le moule ad hoc.
Dès que possible le fusil ira au pas de tir 100 mètres pour mise au point de sa cartouche chargée en poudre noire.
On verra alors s'il fera bonne figure à l'épreuve Capitaine Gras tirée à 100 mètres sur les coudes.
Avec ce fusil, j'en suis à mon sixième système de culasse mobile : Snider, Chassepot, Rolling Block, Tabatière, Peabody et maintenant Allin.
Tout ceci est vraiment passionnant !
Voilà. J'espère avoir retenu votre attention et satisfait votre curiosité.
À bientôt !