Troupes du roi : infanterie françoise et étrangère, année 1757

Bonjour,
A propos d'un manuscrit.
Il existe un manuscrit intitulé Troupes du roi : infanterie françoise et étrangère, année 1757, suite de 127 planches gouaches et aquarelles originales rassemblées dans une reliure aux armes de Louis XV conservé à la bibliothèque du Musée de l’armée (cote A. I. j. 12) et visualisable sur le site de la Réunion des musées nationaux par exemple: https://www.photo.rmn.fr/CS.aspx?VP3=SearchResult&VBID=2CMFCI65X9CUYI&SMLS=1&RW=2158&RH=1215

Ce manuscrit du Musée de l’armée est remarquable de précision et une mine d'informations, même s’il comporte quelques erreurs comme le drapeau des Gardes suisses repris pour le régiment suisse de Planta.

Si l’auteur n’est pas connu, l’étude des planches permet de penser qu’il provient de l’atelier de Charles Parrocel, le célèbre peintre des batailles qui meurt en 1752.
Il existe trois gravures célèbres de Le Bas, exécutées d’après les dessins de Parrocel ; deux des gravures ont pour titre : Halte des Gardes suisses et la troisième est intitulée : Halte des Gardes Françoises.
Les similitudes des attitudes rencontrées entre ces trois gravures et les types représentés dans la suite du manuscrit de 1757, de même que les études de Parrocel conservées à la National Gallery de Londres, ne laissent aucun doute sur cette filiation.
Dans la Halte des Gardes françaises par exemple, on retrouve le fumeur de pipe assit du régiment de Berry, les joueurs de cartes du régiment de Jenner ou de Conti, un soldat assis sur un tambour du régiment de Rochefort, un soldat couché du régiment de Guyenne, une vue en miroir d’un soldat la main dans la veste du régiment de Lorraine ou de Rouergue. Il en est de même pour les deux autres gravures.

Ces gravures se trouvent disponibles dès 1736 soit plus de 20 ans avant le manuscrit de 1757, mais ce dernier montre des planches montrant des régiments et des tenues qui sont postérieurs à 1736. L'usage de calques de modèles pour des compositions était fréquent.
Ce qui permet de lever les doutes sur la fidélité de cette série de gouaches ce sont les petites modifications apportées aux modèles des gravures de 1736 comme l’ajout d’un collet, d’une patte d’épaule ou le resserrement des parements.
Les gouaches ont probablement été réalisées sur une période plus importante entre 1736 et 1762, et par plusieurs dessinateurs comme le montrent les différences de style. Ces planches ont ensuite été assemblées en un volume relié aux armes du roi.
On peut penser qu’il s’agissait d’une commande.
Certaines ont peut-être été exécutées par Lenfant, peintre des batailles et élève de Charles Parrocel et travaillant dans son atelier, ou encore Cozette ?.

Chose amusante, le National Army Muséum possède un tableau de la même période vers 1760, représentant un groupe de soldats anglais au campement.
Ici peintre anglais a tout simplement copié la composition de la gravure de Parrocel/Le Bas donnant aux soldat un uniforme anglais.
https://collection.nam.ac.uk/detail.php?acc=2001-12-35-1

A noter que l'on retrouve cette même filiation dans les tableaux réalisés à la gloire des victoires de Louis XV conservés aujourd’hui à Versailles. L’Histoire de cette série de tableaux nous est donnée par le service des collections du château de Versailles. Peu après la guerre, il est décidé le projet d’évocation des victoires de Louis XV pour le château de Choisy. Cette commande se décompose en vingt-deux tableaux: dix grandes compositions et onze dessus de porte. Ce travail est confié à Charles Parrocel qui se rend en Flandres pour dessiner les lieux des batailles du 13 mai au 6 juillet 1746. Au décès de Parrocel en 1752, le projet est confié à Philibert-Benoit de La Rue qui cesse de peindre vers 1756. Le projet pour Choisy est abandonné, mais la commande des victoires du roi est conservée et confiée à Pierre Lenfant qui réutilise parfois les dessins de ses prédécesseurs pour le nouveau projet de décoration destiné à l’Hôtel de la Guerre à Versailles dont la construction débute en 1759 sous la direction de l’ingénieur Jean Baptiste Berthier. Les dessins préparatoires de ces oeuvres sont présentés au Salon de 1761. Les tableaux sont installés à l’Hôtel de la Guerre en 1771.

JL

Bonjour,

Comme toujours vous nous présentez une étude remarquable avec une connaissance immense des sources originales.

Malheureusement sur ce forum il n'y a que peu d'échange sur cette période.

Votre étude nous confirme que les représentations des sujets militaires (à part les portraits de militaires) est un terrain réservé à quelques peintres qui semblent spécialisés exclusivement pour ces sujets. Van der Meulen, Martin (des batailles), Eisen, Parrocel et Lenfant sont bien connus . Hoffman devient le peintre qui représente les uniformes pour la fin du siècle.
Cozette semble moins connu - je le connais parce qu'on m'avait proposé deux dessins préparatoires probablement pour des tableaux muraux de très grande taille que je n'avais pas pu acquérir vu la somme demandée.



Des peintres remarquables sont issus de la famille Van Blarenberghe qui ont réalisés de très belles aquarelles.

J'ai des émotions très fortes quand vous nous présentez des dessins et tableaux qui respirent tellement le dix huitième siècle et je ne peux m'abstenir d'avoir un petit sentiment de jalousie envers les détenteurs de tels trésors. J'ai à chaque fois un énorme plaisir à feuilleter les quelques livres imprimés qui se trouvent dans ma modeste bibliothèque. J'attends de découvrir un tel manuscrit sur des uniformes français, j'en connais quelques uns pour des états allemands et russes mais je n'en ai jamais découvert de français en main privée.
Merci encore pour cette belle étude qui nous documente à merveille l'évolution des uniformes français de cette époque.

Bien cordialement.   Ps09

Bonjour,
Merci pour votre aimable commentaire.

Avec Lenfant, Le Paon, Parrocel etc. Blarenberghe est un incontournable de l’étude des uniformes du milieu du 18e siècle bien que miniaturiste ses représentations sont d’une précision redoutable.
Louis Nicolas van Blarenberghe appartient à une lignée de peintres miniaturistes : grand-père, père, oncle, frère, fille qui vont se succéder entre la fin du 17me et le début du 19me siècle.
Il a été très prolifique, quel que soit le support du tableau à la tabatière

On lui doit deux œuvres majeures tout d’abord l’ensemble des dessins ayant servi à la gravure des figures de l’atlas du Traité de la cavalerie de Drummond de Melfort. En 1748 Drummond de Melfort rédige un premier manuscrit intitulé Essai sur l’évolution de la cavalerie. Cet essai lui valut une pension annuelle de 3000 livres en avril 1752, et il inspirera les réformes de 1753 sur l’uniformité des manœuvres des différents corps, puis celle de 1755 sur la cavalerie. Puis Drummond de Melfort poursuit par la rédaction de son fameux traité sur la cavalerie qui ne sera publié qu’en 1776. Dans son avant-propos de l’ouvrage manuscrit, il indique qu’il s’engagea à employer un dessinateur habile pour faire représenter en action les principaux mouvements de la cavalerie. Tous les dessins des 33 planches de l’atlas du traité de la cavalerie ont été réalisés par L. N. van Blarenberghe puis gravés à l’eau forte. Le format et le nombre des planches à réaliser vont nécessiter plusieurs graveurs sur plusieurs années et couter une fortune.

En 1778 le Roi Louis XVI demande à Nicolas van Blarenberghe une série de tableaux sur les combats conduits par son grand-père durant les campagnes de Flandre. Il le fait à cette occasion peintre des batailles, jusqu’alors Van Blarenberghe était depuis 1748 peintre du Roi attaché au département de la marine. La première gouache sur Fontenoy est finie en 1779 et il continuera ainsi au rythme de 2-3 tableaux par ans jusqu’en 1790, il peint également deux tableaux sur le siège et la prise de Yorktown. 

Il a également peint sur des tabatières des scènes militaires tout aussi précises.
La majeure partie de ses études ont malheureusement disparu, une partie a fait l’objet d’une vente à Lille en 1992.


https://www.persee.fr/doc/hista_0992-2059_1999_num_45_1_2866
https://digi.ub.uni-heidelberg.de/fwhb/drummond1776planches/0001/image,info
https://collections.chateauversailles.fr/#9ce8bf19-8a97-482e-9ba9-753a60b04983
https://www.passionmilitaria.com/t200129-van-blarenberghe-bataille-de-lawfeld





JL