Une loi seigneuriale de 1550 cette fois-ci!

Bonjour,
décidément, l'est de la France nous réserve des surprises!

Cette fois-ci il s'agit d'une loi seigneuriale datant carrément de 1550 qui est encore fermement et durablement appliquée.

Nous sommes dans les Vosges, à Lignéville.
A cette époque, le seigneur local dispose d'une forêt de 173 hectares, et il entend bien en faire profiter ses manants.

Il décrète donc que chacun pourra aller y ramasser du bois mort, moyennant le versement d'une sorte d'impôt symbolique: 47 litres de blé et 108 litres d'avoine par habitant bénéficiaire.
Avec ça, ils peuvent donc se chauffer durant tout l'hiver sans crainte.

La révolution passe, le modernisme aussi.
Un sous-préfet de 1926 tente d'abolir cette loi, mais s'y casse les dents.

L'informatique arrive, pas plus de résultats, les actions menées aux tribunaux l'ont toujours confirmée.

Maintenant les manants sont devenus les habitants de Lignéville, et ceux (une trentaine) qui habitent encore dans les maisons de l'époque ont toujours ce droit au bois de chauffage!

Différence: ils ne vont plus le ramasser en forêt, mais la mairie leur en livre 25 stères par an.
Ils ne payent plus l'impôt (le cens), mais la mairie s'en acquitte, toujours indexé sur le cours du blé et de l'avoine!
Ce qui représente de nos jours la petite somme de 350€ à prendre sur le budget communal.

Chose drôle: la forêt n'appartient plus à personne! Aucun être physique ni même moral n'en a plus la possession. Elle appartient à elle-même.
Ses rapports (30 000€ par an) lui reviennent à elle seule pour son entretien et pour lui seul, c'est beaucoup trop.
Pour ne pas avoir une somme faramineuse en banque, la commune a décidé de rénover la chapelle du seigneur de Lignéville (Jehan de Lignéville).

Le pécule de 350€ par an au contraire revient aux héritiers de ce seigneur, maintenant des roturiers de Moselle.

Les armoiries d'un Jehan de Lignéville, peut-être celui-ci:
Ligneville (de) Jehan, chevalier Losangé. Ecu penché; casque morné, de profil; lambrequins; cimier: une tête de boeuf. Supports : deux animaux accroupis, peut-être des singes.



Cordialement,
CG

Très belle histoire typique des entrelacs de notre système juridique et des différents codes de lois.
Merci de nous la faire partager.
Comme quoi en creusant les textes, il y a matière....

Ce genre d'histoire me rappel à chaque fois Anne de Bretagne et les autoroutes...

Sympa les petites histoires de notre Histoire.
Peut-être que le plus drôle, c'est quand les révisionniste modernes s'y casse les reins

Toujours étonnantes ces histoires !

Par contre je n'ai toujours pas compris d'où venait l'argent qu'utilise la municipalité pour la chapelle ?

Cet argent vient uniquement des recettes de l'exploitation de cette forêt: la vente du bois.

Ces recettes ne peuvent être utilisées que pour entretenir cette forêt, ses chemins, son sol, payer les bûcherons, les produits, pour rien d'autre.
Il n'appartient pas à la commune, curieusement il appartient à la forêt car elle s'appartient à elle-même!

C'est assez difficile à bien comprendre de nos jours où tout est strictement réglé, où le moindre euro a son légitime propriétaire, qu'il soit physique ou moral, mais bon...

Donc comme c'est tout de même la municipalité qui est "gérante" de ce petit magot annuel, elle a décidé de le dépenser pour restaurer la chapelle du seigneur des lieux.
C'est un peu biaiser, mais ça rentre assez bien dans le "cahier des charges" car c'est en hommage à ce personnage qui rendait bien service aux manants de l'époque avec le bois mort de sa forêt.

Ok, j'ai bien compris à présent, je n'avais pas noté que la municipalité avait la gestion de cette foret.
On a plus qu'à se trouver un cousin dans le coin, ça m'arrangerai bien de pas avoir à casser du bois toute l'année...

Habitant dans une maison de 1550...
Sur 30 restants il y a encore des chances!