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| Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie I) | |
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poddichini Membre d'honneur
Nombre de messages : 84584 Localisation : Cismonte Thème de collection : Coloniale et colonisation - uniformes, coiffures, archives Date d'inscription : 06/08/2014
| Sujet: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie I) Mer 11 Fév 2015 - 22:16 | |
| Bonsoir à tous, ce soir, je vous propose à la lecture un de mes derniers textes au sujet de la colonisation, sous le titre suivant : Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts et influences entre colonisateurs et colonisés (années 1850-années 1950). Voici pour ce soir l'introduction et la première partie. Demain, il y aura la deuxième partie, et la troisième un peu plus tard. Il y a peut-être quelques fautes qui m'ont échappées. « Le fardeau de l'homme blanc ». Voilà comment R. KIPLING décrit la tâche confiée aux Européens de civiliser les populations dites indigènes rencontrées dans les territoires colonisés. Une tâche difficile compte tenu d'un degré plus ou moins avancé des civilisations pré-coloniales. L'arrivée des Européens, plus largement des Occidentaux dans les territoires africains, antillais et asiatiques dans la première moitié du XIXème siècle est suivie d'une implantation plus massive et contrôlée à partir des années 1960-1970, pour se poursuivre tout au long des années et décennies suivantes. Ce phénomène de colonisation, bien décrit par les explorateurs, missionnaires et colonisateurs, ne pouvait échapper à un autre phénomène : celui de la rencontre coloniale. Les territoires colonisés sont en effet déjà peuplé d'hommes et de femmes ayant développé leurs propres organisations, leurs modes de vie. L'arrivée des populations occidentales va nécessairement provoquer des contacts et des échanges plus ou moins réguliers, plus ou moins sains pour les deux groupes, plus ou moins sources d'influences et d'interpénétration. La « situation coloniale » (Geroges BALANDIER), qui en résulte, sera marquée par de fortes disparités d'évolution des sociétés, à la fois chez les colonisateurs que chez les colonisés. Chaque situation se caractérise par différents types de relations entre les deux groupes : un cloisonnement, à savoir une coupure nette, une mise à distance souvent voulue ; des contacts, c'est-à-dire des échanges (économiques, culturels, intellectuels), qui peuvent aboutir à des influences, donc des transpositions d'idées, de système d'un groupe à l'autre et pas seulement comme a pu le penser pendant de longues années l'historiographie post-indépendances, une domination de la civilisation occidentale sur les populations colonisées, jugées bien en retard de développement. Depuis l'émergence des Post colonial studies, le colonisé est regardé sous un jour nouveau, montrant que lui aussi a pu participer, du moins, influencer, sur les pratiques et les idées nées de la colonisation.
I- Colonisation et imposition d'un modèle occidental dans les colonies : un contact, des cloisonnements
Tout d'abord, le colonisateur, arrivant dans le territoire qui constituera la future colonie (ou le futur protectorat, en fonction de la gestion administrative) se trouve confrontée à une société pré-existante qui se trouve quelque peu modifiée par cette arrivée. Les premiers Européens arrivés en Afrique ou en Asie se trouvent face à un environnement hostile, inconnu, du moins mal maîtrisé, et qu'il faut pénétrer et gérer . Aussi, les premiers contacts avec les populations locales n'ont pas toujours été synonymes de fraternité entre les deux populations. Une certaines méfiance de la part des colonisateurs, alliée à une volonté, chez les colonisés, de préserver un mode de vie traditionnel, ont produit de nombreuses guerres de colonisation. Ainsi en est-il notamment à Taïwan. La volonté des Japonais, depuis peu entrés dans une ère de modernisation, l'ère Meiji, de contrôler des espaces périphériques, et notamment l'île de Formose, au large de la Chine, a rencontré l'hostilité manifeste, à la fois des populations chinoises déjà présentes sur place, mais surtout des populations austronésiennes, peuplant l'intérieur montagneux de cette île. Bien que l'annexion fût rapide, en 1895, la résistance austronésienne fut vive et les soldats de l'armée japonaise ne purent la réduire au silence que vers 1907. Également, en Afrique, les populations zoulous luttèrent farouchement contre les populations Boers arrivant sur leurs territoires dans la première moitié du XIXème siècle. La rencontre entre les deux civilisations ne fut donc pas partout marquée du sceau e la pacification. Néanmoins, il ne faut pas négliger qu'en certains endroits, les Occidentaux sont venus en « libérateurs », pour les esclaves subissant la traite atlantique, ou, moins connue, la traite intérieure à l'Afrique, parfois qualifiée de transaharienne. Le changement pour les deux sociétés résultait également en la découverte d'un milieu très hostile pour les Européens. Leur arrivée sur les territoires africains et asiatiques est synonyme de contraction de nombreuses épidémies, et endémies, que la médecine n'est pas encore prête à guérir, encore, dans les années 1880-1890. Ainsi, les militaires qui font la conquête, sous l'autorité d'un FAIDHERBE ou d'un GALLIENI (ce dernier pour Madagascar, le premier notamment pour les territoires qui constitueront l'Afrique Occidentale française), sont sévèrement touchés par le paludisme, la maladie du sommeil, les fièvres et autres insolations prêts à les emporter. Le taux de mortalité et ce lui de morbidité sont alarmants. De même en est-il en Indochine ou, lors de la conquêt de l'Annam et du Tonkin vers 1800-1884, le taux de rapatriement des soldats touchés par les maladies, est de plus de 30%. Mais, dans le sens inverse, le contact colonial provoque aussi des maladies chez les populations colonisées, les Européens apportant avec eux de nouvelles maladies alors inconnues là-bas. Ensuite, il faut dire que dans les pays colonisateurs se constitua une volonté de « mission civilisatrice » (Albert SARRAULT) envers les populations colonisées. Les populations colonisatrices auraient eu ce devoir envers des indigènes qu'on pense en retard de développement. La « mission civilisatrice » se traduit de différentes sortes, l'inculcation d'un mode de vie et de vertu passant par de nombreux domaines. On peut évidemment penser aux missions religieuses, nombreuses à la fois en Afrique et en Asie, ayant pour but de convertir (mais aussi d'éduquer) les colonisés. Très présentes en Afrique de l'Ouest britannique, avec une ardente concurrence entre la Methodist Missionary Society, la Church Missionary Society ou la London Missionariy Society, elles imposent aux colonisés un nouveau moyen de concevoir leur relation avec le spirituel, emprunt de magie et de superstition dans les sociétés pré-colonisées. C'est par l'école que passe également la transmission d'un message religieux aux indigènes, mais aussi l'apprentissage d'une nouvelle langue. Ainsi, dans le Congo belge, une loi datant du début du XXème siècle, donne ces deux prérogatives aux missions présentes sur place. Parfois laïques, parfois religieuses, les écoles européennes sont surtout signes d'un cloisonnement car il faut dire que la présence des Africains et des Asiatiques au sein des écoles européennes était une rareté. Le contact colonial, c'est donc également le maintien d'un taux d'alphabétisation très faible chez les colonisés, moins de 10% dans les années 1940 en AOF, exception faite d'une frange élitiste et de territoires comme la Corée (annexée, par l'Empire japonais en 1910), bénéficiant d'une longue tradition d'éducation (au moins dans sa définition la plus basique : lecture et écriture). De plus, l'apport par les Occidentaux d'un modèle politico-administratif montre combien il y a pu avoir un effacement des systèmes antérieurs. Dans la colonisation française, cela se retrouve dans les premiers temps de la conquête, à partir des années 1880, imposant une système basé sur l'assimilation. En imposant à tous les échelons, du gouverneur-général, au commandant de cercle, en passant part le lieutenant-gouverneur, le système administratif ne tient pas compte du système ancien, basé sur les chefferies et des clans qui se gouvernaient en autogestion. C'est ainsi le cas au Haut-Sénégal-Niger (AOF). La mise en place de ce modèle d'administration n'a ainsi pas favorisé les contacts, la figure du « broussard » de Robert DELAVIGNETTE étant surtout un homme seul, isolé dans son canton, son petit territoire à administrer, et où les contacts avec la population locales s'y trouvent restreints. Dans l'Empire britannique, malgré une politique bien plus associationniste ; ce que nous verrons plus loin, des exceptions ont pu jouer. C'est l'exemple dans des territoires nigérians où, dans des villages du nord-Nigeria, les constructions et bâtiments de l'administration pouvaient se trouver à des kilomètres du village indigène, ne favorisant pas ainsi la bonne gestion du territoire. Parmi les administrateurs britanniques, certains se plaignaient de ce système, où le quartier administratif n'était relié au village que par un chemin infesté d'animaux sauvages, et où le trajet pour régler les affaires courantes l'en dissuadait certainement. La mission civilisatrice se résume souvent à l'imposition d'un modèle occidental convenu à l'avance, certes où le « bricolage colonial » (cette idée de s'adapter aux contraintes locales) persiste, mais provoquant pourtant un certain cloisonnement et une certaine idée du racisme. Les sociétés coloniales sont, il est vrai, parfois véritablement fermées à tout contact et où l'interpénétration entre les populations s'en trouve résumée à quelques instants, plus ou moins longs de la journée, des jours ou des mois. Dans des territoires isolés, la tentation de se « cantonner » est présente. Ainsi, dans le Haut-Commissariat de Luang-Prabang, au Laos (Indochine), seulement 300 à 400 administrateurs dirigent ce territoire. Dans les villages laotiens, un ou deux administrateurs tendent à vivre en vase clos, les seules sorties se résumant à des tournées dans les villages voisins, et les seules visites étant celles du receveur des Postes et des envoyés de mission pour des groupes industriels nationaux. Ici, on peut voir cette idée de la solitude, donc du repli sur soi de certains européens notamment les administrateurs des territoires les plus lointains de la métropole. Également, au sein des villes, l'idée du cloisonnement est bel et bien présente. Les sociétés urbaines coloniales, sociétés en constante évolution démographique du fait d'une inexorable attirance de la ville pour les populations rurales, notamment la population européenne sont dans plusieurs cas fragmentées et séparées les unes des autres. Comme on a pu le voir plus haut, la peur des maladies est une des raisons qui poussent les Européens à créer des quartiers leur étant réservés et des quartiers indigènes bien distincts. Ainsi en est-il dans la Freetown de la Sierra Leone, où les Européens recréent un environnement leur convenant dans le quartier de Hill Station (Hill Station désignera plus généralement les quartiers britanniques de la Britsh West Africa), dans le Bamako français, où ceux-ci se retrouvent autour du palais du gouverneur de la colonie du Mali, partie de l'AOF, sur la colline de Koulouba. La recréation d'un environnement européen passe également par la construction d'édifices rappelant la métropole, loin des traditionnelles architectures pré-coloniales. A Keijo (Séoul pour les Jpaonais), le palais du gouverneur-général est construit à côté du palais traditionnel coréen. A Hanoi, les Français n'hésitent pas à construire une cathédrale de pur style français en lieu et place d'un monastère pré-colonial. La notion d'évitement passe aussi par la mise en place d'une notabilité, une sociabilité européenne, excluant les populations colonisées, et même les petits blancs. La création de clubs, comme le Club Harmonie, le Cricket Club, le Tennis Club, à Batavia, dans les Indes néerlandaises, montrent bien la volonté des populations néerlandaises présentes sur l'île de Java, de recréer un environnement qui leur est familier. Il en est de même dans les Indes britanniques, où la notabilité se retrouve dans les villes des hauteurs, lieux de développement d'un thermalisme, donc d'un tourisme, indispensable face aux difficultés de la vie dans les colonies. Des villes comme Simla ou Darjeeling, dans le nord de l'Inde sont des lieux de présence de cottages et manoirs de style purement britanniques, flanqués sur les pentes himalayiennes. Le cloisonnement coloniale est marqué également de l'empreinte du racisme envers les autochtones, des indigènes, qui sont vus comme des populations parfois « dégénérés », comme on a pu surnommer leur art au début du XXème siècle. Continuant l'idée d'un racisme ethnologique, développé notamment par l'Anglais Richard BURTON, le découvreur de l'est africain, notamment du lac Tanganyika, l'idée d'un racisme dans les colonies se montre par les qualificatifs donnés aux colonisés et à leur statut. D'esclaves à « sujets d'Empire » ; le contact colonial fait d'eux des non-citoyens. Ce racisme peut être accentué par au niveau administratif par l'imposition de lois raciales ou, sous le régime de Vichy en France, par une idéologie qui met un peu plus en retrait les populations indigènes. Il en est ainsi aux Antilles françaises, sous l'amiral ROBERT en Martinique, et Constant SORIN en Guadeloupe.
Dernière édition par poddichini le Lun 11 Sep 2017 - 23:33, édité 1 fois |
| | | poddichini Membre d'honneur
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| Sujet: Re: Les sociétés coloniales : cloisonnements, contacts, influences (partie I) Mer 11 Fév 2015 - 22:17 | |
| ligne 4 de l'intro : lire années 1860-1870 |
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