Un groupe d'anciens Résistants ont constaté que le souvenir de la Résistance s'estompait.
Leurs camarades, tombés devant un peloton d'exécution, dans les combats du maquis ou dans les camps de déportation, étaient souvent oubliés.
Les survivants se devaient de perpétuer leur souvenir.
Il s'agissait de retracer , telle qu'elle s'était déroulée, « l'affaire WERNER » qui a fait tant de ravages et suscité tant de polémiques dans la région de l' Auxois.
70° anniversaire de l'Armistice du 8 mai 1945, et pour ne pas oublier, membre du « Souvenir Français », je me fais un devoir de poster cet événement tragique.
Tout le récit est d'une rigoureuse vérité historique.
L'AFFAIRE
WERNERMAQUIS « BERNARD » - COMPAGNIE « FOCH »
GROUPE « RENE PERNET »Suite à une expédition contre l'occupant dont les résultats n'ont pas été à l'avantage du maquis, PERRET, décide de porter un coup à l'ennemi en faisant des prisonniers en vue d'un éventuel échange.
L'endroit est fixé à l'est de Pont de Pany, sur la Nationale 5 au niveau du passage à niveau.
28 JANVIER 1944 :PERRET demande des volontaires pour l'expédition. Le chef de groupe ROBERT se présente avec son sous-chef RENE. Ils sont douze. Voici leurs noms de guerre :
PERRET – ROBERT – RENE – LAVAULT – WEISS – RAYMOND – GAMIN – DUPRE – JAMES – BERTHOT – MARCHE et SAMI.
Dans la matinée PERRET va à Villy et réquisitionner la camionnette de M. REBOURSEAU, épicier dans ce village. Vers onze heures , celui-ci emmène le groupe de volontaires un peu plus loin que le passage à niveau où va se dérouler l'action, de manière à ne pas faire repérer le chauffeur et lui éviter des ennuis. Celui-ci regagne Villy sans savoir ce qui va se passer ni où cela se dérouler.
Sous bois, le groupe gagne le passage à niveau et PERRET place ses hommes. GAMIN qui est tireur au F.M., se trouve du côté de Dijon dans le fossé, au pied du talus surplombé par le bois. LAVAULT, la mitraillette à l'épaule, est debout près du treuil manoeuvrant les barrières, il ouvre aux voitures civiles, très rares et à l'ordre de laisser fermé à toute voiture allemande.
ROBERT avec un F.M. et RENE sont dans le fossé côté Pont-de Pany. RAYMOND et WEISS armés de mousquetons, sont à proximité de LAVAULT, dans la cour du garde-barrières.
Les autres hommes, échelonnés au dessus du talus, en bordure du bois, se tiennent prêts à soutenir leurs camarades en cas d'attaque massive. PERRET va se placer près de GAMIN. Il donnera le signal d'attaque par un coup de feu. LAVAULT se joindra alors à ses camarades.
Après quelques passages de véhicules civils, une voiture allemande se présente venant de Dijon.
Elle est occupée par le Major WERNER et par trois officiers.
C'est donc le hasard seul qui a mis WERNER en présence des Maquisards. Ce Major WERNER, chef de la police de sécurité allemande, ce rend à la Kommandantur de Montbard.
PLAN
PERRET tire un coup de feu sur la voiture : c'est le signal de l'attaque. En un clin d'oeil les quatre occupants sont hors de leur véhicule, côté canal, et se mettent à l'abri des roues, répondant au jugé au coup de feu de PERRET. GAMIN presse sur la détente de son F.M. Mais la 1ère cartouche est défectueuse ; il l'éjecte – le coup n'étant pas parti – mais la balle dessertie reste dans le canon. L'endroit est peu favorable et surtout le temps manque pour essayer de l'extraire. Voici un F.M. inutilisable. De leur côté, ROBERT et RENE prennent les Allemands presque en enfilade. Trois brèves rafales partent du F.M. de ROBERT. Deux Allemands semblent être touchés et avec un ensemble parfait,tous quatre disparaissent en bas du talus de la route, près du canal. PERRET commande de foncer. Au moment où ROBERT se lève, en face de lui, au pied d'un poteau téléphonique, émerge une casquette plate. Il veut tirer, mais la rafale ne part pas. L'Allemand voyant un F.M. braqué sur lui disparaît à nouveau. ROBERT démonte son arme dans le fossé. Le ressort récupérateur, détendu, ne remplit plus son office. Le 2ème F.M. vient d'abandonner les Maquisards.
Pendant ce temps, trois Allemands se sauvent en suivant le canal dans la direction de Pont de Pany. Le 4ème, un capitaine, ainsi que nous l'apprenons un peu plus tard, grièvement blessé, réussit à se traîner hors de la vue des Maquisards jusqu'à l'écluse située à environ deux cents mètres dans le sens opposé au village. Les hommes placés en bordure de bois ne répondent pas aux appels qui leurs sont lancés. Peut-être ne comprennent-ils pas ? PERRET leur avait commandé d'intervenir en cas d'attaque massive, ce qui n'est pas le cas.
LAVAULT, WEISS, RENE, RAYMOND puis ROBERT et GAMIN, traînant leurs F.M. inutilisables , se mettent à la poursuite des trois fuyards dont l'un d'eux est blessé ; PERRET suit. Les Allemands ont pris une bonne avance, le talus de la route les ayant dérobés à la vue des Maquisards pendant une cinquantaine de mètres. Le Major WERNER est en retard sur ses compagnons. Les Allemands ne tirent plus et les Résistants évitent de faire usage de leurs armes. Il leur faut des prisonniers et non des morts. Le désir de vengeance qu'ils ressentent , à la suite de la perte de leurs trois camarades, ne l'emporte pas sur la raison.
Voyant les Allemands approcher des premières maisons de Pont de Pany et craignant qu'ils disparaissent dans le village, RENE s'arrête, épaule sa mitraillette et tire.
Le Major WERNER accuse le coup et ralenti, presque au pas . Un coup de mousqueton claque derrière les premiers poursuivants, WERNER s'effondre(notons que le coup n'est parti qu'à la quatrième cartouche)
ROBERT et GAMIN se précipitent sur le Major qui se traîne vers l'eau où il a déjà jeté la culasse de son pistolet. WERNER est conduit par les Maquisards sur les premières maisons. Il est pâle et presque évanoui, les deux autres Allemands ont disparu. Une fouille a eu lieu dans les maisons voisines mais reste infructueuse.
C'est à ce moment qu'une personne de Pont de Pany vient apprendre aux Maquisards le décès du capitaine dans l'écluse et leur dire que les fugitifs se dirigent vers les bois, de l'autre côté du canal et de la rivière. Sous la conduite de RENE, les hommes regroupés partent à la recherche. RENE, depuis le pont de l'Ouche, les voit soudain dans un pré et ouvre le feu sur eux, mais ils sont trop loin.
Ici trouve place une anecdote montrant les réflexes d'une partie de la population vis à vis des occupants et de la Résistance. Une femme d'un certain âge ramasse les douilles éjectées par la mitraillette pour les mettre toutes brûlantes dans les poches de RENE en lui disant : « Vas-y petit, tire, tire, il faut les avoir ». Un homme de Pont de Pany participe à la poursuite avec une hache à la main . Ces deux personnes qui risquent leur vie engagent aussi la responsabilité des habitants de la commune ; RENE leur fait comprendre qu'ils doivent se retirer, ce qu'ils font à contre cœur.
Les recherches durent plus d'une heure et demeurent vaines. Les deux Allemands ont eu le temps de disparaître dans les taillis. Les poursuivants ayant été obligés de traverser l'Ouche, avec de l'eau jusqu'à la ceinture, rejoignent , bredouilles et transis, PERRET, GAMIN et ROBERT, demeurés à la garde du Major dans une grange.
Le F.M. de ROBERT a été remis en état grâce au ressort récupérateur de celui de GAMIN. PERRET rassemble son monde, le prisonnier est chargé dans un camion plat réquisitionné sur place. Il faut évacuer l'endroit le plus rapidement possible et éviter les mauvaises rencontres.
Une fois de plus, les armes et munition provenaient de la débâcle de 1940, se sont avérées déficientes. Les munitions surtout avaient pris l'humidité dans les caches où les patriotes les avaient entreposées.
Le camion part mais, après une centaine de mètres, tombe en panne. Il faut décharger WERNER. Un camion allemand surgit soudain. Les hommes ont juste le temps de se dissimuler. Ce n'est pas le moment de déclencher une bataille en plein village. Le chauffeur doit se rendre compte de ce qui se passe car ROBERT le voit baisser la tête et la vitesse du véhicule augmenté aussitôt . L'alerte est passée. Une camionnette à bestiaux et finalement trouvée et le groupe rejoint Chaudenay avec son prisonnier. PERRET renvoie le conducteur avec son véhicule en lui disant de tenir sa langue pour le moment, mais, au cas où il serait interrogé de dire la vérité.
Le Major est couché sur un matelas et PERRET descend à Villy où il explique à GERMAINE ce qui vient de se passer.. Ils remontent tous deux au maquis et PERRET ordonne d'aller chercher le docteur QUIGNARD à Vitteaux.
Ce dernier arrive au camp le soir et donne les premiers soins au blessé. WERNER est touché très sérieusement . Il a neuf balles de mitraillette dans la fesse gauche et la balle de mousqueton lui a traversé la cuisse droite.
LEMOINE, chef de groupe régulier de Villeberny est convoqué. Il parle allemand et interroge WERNER sur les moyens de procéder à un échange. Le major répond en allemand et ne laisse pas trop d'espoir. « Ne vous faites pas trop d'illusions sur l'influence de mon grade et sur le souci des autorités pour ma vie. Nous sommes en guerre. Pour la Gestapo, un officier est fait pour se battre et pour mourir. Elle ne changera rien à ses projets pour me sauver et n 'acceptera pas l'échange », traduit LEMOINE. WERNER conseille cependant de prendre contact avec son collègue français , le colonel BARTHUET, Commandant la Gendarmerie Française qui lui paraît être le meilleur intermédiaire pour la négociation.
WERNER a raison, l'espoir de l'échange du prisonnier contre la libération de REGNET s'effondre vite.
Le Colonel BARTHUET refuse catégoriquement de s'entendre et met à la porte le messager de la Résistance.( Le colonel BARTHUET fut exécuté par la Résistance le 13 août 1944.
Ce même jour, tous les hommes qui habitent Pont de Pany sont arrêtés.
29 JANVIER 1944Des affiches sont placardées dans tout le département menaçant les communes voisines du lieu d'enlèvement des pires représailles et la Kommandantur avertit la Préfecture que si le Major n'est pas retrouvé, tous les hommes de Pont de Pany seront fusilés.
Ce matin, PERRET et WEISS se rendent à Dijon à une nouvelle adresse en vue de l'échange. En cours de route, ils rencontrent un chef de Dijon qui leur demande où ils vont. PERRET s'explique et est prié de retourner eu camp, sans discuter, avec WEISS. PERRET demande à ce chef de prévenir le Commandant BERNARD. Il lui est répondu que BERNARD ne peut s'en occuper, que seul Dijon fera le nécessaire.
De retour au camp, PERRET apprend que BERNARD a été blessé près de Courceau alors qu'il allait attendre le camion qui devait transporter le matériel à Chaudenay. Il est tombé sur un barrage que les allemands ont fait sur toutes les routes à la suite de la disparition du Major. Le Commandant allait au rendez-vous prévu à 23 heures au guidon de Courceau. Il ignore la raison du barrage et se trouve maintenant dans la région de Frôlois, grièvement blessé à une jambe , dans l'impossibilité de marcher.
A Chaudenay, tous les gars sont sur les dents. Ce refuge est très difficile à défendre . Alors qu'ils devaient être répartis dans plusieurs maquis, les voilà bloqués dans cette ferme, au bord de la route, avec une mauvaise affaire sur les bras. Des voitures allemandes passent à plusieurs reprises.
PERRET ordonne l'évacuation de Chaudenay pour la nuit suivante. Arpès un conseil tenu par PERRET , ses adjoints, GERMAINE, CURTIS, LEMOINE, et sur la proposition de GERMAINE, la ferme de la Rente Chantereine est acceptée comme lieu de repli, malgré quelques observations émises par certains.
Le docteur QUIGNARD vient donner les soins aux blessés et, sur ordre de PERRET, doit transporter WERNER jusqu'au chemin de terre conduisant à la Rente Chantereine. Le docteur part, accompagné par LAVAULT et MOREY, qui sont chargés de la garde de WERNER.
A Jailly-les-Moulins, le chef de groupe régulier, THIERRY, indique le tombereau du maire du pays. Ce véhicule est en effet prêt à partir. Au croisement de la route de Dampierre-en-Montagne et du chemin de la ferme, le blessé est déchargé de la voiture du docteur pour être installé dans le tombereau.
Le groupe au complet quitte Chaudenay pour se rendre à la Rente Chantereine – une bonne douzaine de kilomètres à parcourir avec armes et bagages à travers champs et bois – laissant malheureusement une partie du ravitaillement sur place et des traces de son passage.
30 JANVIER 1944Tous les hommes du maquis sont à la ferme de la Rente Chatereine. Le Major est dans un état satisfaisant, il mange et bois tout ce que ses gardiens lui offrent. Ceux-ci le soigne le mieux possible . La casquette du capitaine, ramassée à Pont de Pany comme souvenir par LAVAULT, est trouvée sur la route de Dampierre-en-Montagne, une quarantaine de mètres plus haut que l'entrée du chemin conduisant à la Rente Chantereine. C'est un enfant du pays qui la voit . Il ne la ramasse pas et se rend à Dampierre où il informe un habitant qui s'empresse de faire disparaître cette trace. LAVAULT a plusieurs reprises a porté cette casquette. Il l'a finalement posée dans la voiture du docteur QUIGNARD quand le Major y a été installé à Chaudenay. Après le transbordement de ce dernier dans le tombereau, le moteur de la voiture du docteur QUIGNARD refuse de démarrer. LAVAULT qui, à cet instant, tient la casquette à la main la pose sur la toiture du véhicule pour aider MOREY et THIERRY à pousser. A la troisième tentative le moteur démarre et le docteur part, emmenant la casquette qu'un cahot fait tomber un peu pus loin. Aucun des hommes présents n'a prêté attention à ce détail car ils sont pressé de gagner la ferme avec leur prisonnier. C'est une chance que cette pièce à conviction ne soit pas repérée par une patrouille allemande.
Le Gestapo traque la région, pose des affiches annonçant les représailles, offre des récompense à qui donnera des renseignements. Personne ne parle. Les Allemands ayant trouvé des traces du passage du maquis et de WERNER à Chaudenay incendie la ferme.
La journée se passe avec deux alertes. Les Maquisards voient les Allemands fouiller la ferme de Grissey ainsi que les bois sur le versant en face d'eux, de l'autre côté de l'Ozerain, à proximité de l'emplacement de l'ancien camp. L'ennemi rentre bredouille. Il ne trouvera d'ailleurs jamais l'entrée de la grotte de Grissey.
Les hôpitaux de la région : Vitteaux, Semur, Alice-Saint-Reine sont occupés par les soldats allemands gardant toutes les issues, consignant sur place le personnel, pendant qu'une fouille minutieuse est effectuée dans toutes les salles à la recherche d'un officier allemand blessé par les « terroristes ».
La dissolution du groupe est décidée par PERRET. Chacun doit se débrouiller. Il prend pourtant les adresses des hommes pour les retrouver, ceci, malheureusement , devant le Major WERNER. Il décide d'envoyer un message au Commandant BERNARD par voie ordinaire des liaisons, afin de le mettre au courant de la situation. Il trouve le chef du maquis de Vaisselin, Jean BREVANNE, et le met au courant de la situation. De retour dans son maquis, ce dernier décide de sa propre autorité de faire exécuter WERNER. ALINE, jeune agent de liaison, est envoyée à la ferme de la Rente Chantereine pour donner cet ordre à LAVAULT.
Pendant ce temps, ROLANDE, agent de liaison d'Ecorsaint, reçoit le pli de PERRET destiné à BERNARD. Suivant la voie normale, elle se rend à Gissey-sous-Flavigny où un autre agent de liaison, GENEVIEVE, emporte le pli à destination.
Deux heures après, le Commandant reçoit le message à Corpoyer-La-Chapelle où il est toujours dans l'impossibilité de marcher. Il a été opéré voici 24 heures au château de Frôlois, par le docteur LAVAULT de Dijon. Sa blessure n'est pas grave, mais l'empêche de se servir de sa jambe droite. Ses hommes l'ont transporté en brouette au château de Frôlois à Corpoyer-La-Chapelle dans la nuit. Le pli est ouvert et BERNARD lit « Que faut-il faire de ce gros poisson ? » Le commandant se demande quelle est la signification de ce message et renvoie GENEVIEVE pour complément d'informations. Il se doute d'une affaire très sérieuse et fait alerter GIRARDIN, Commandant la Compagnie ALSACE-LORRAINE, homme en qui il a une très grande confiance et qui lui est très dévoué. Il lui donne l'ordre de se trouver ce soir même chez DURAND, le chef du groupe régulier de Gissey-Sous-Flavigny.
Porté sur les épaules de MARMONT, chef de groupe de son P.C., et accompagné par deux hommes, le Commandant gagne Gissey en traversant la montagne. Il se fait déposer à l'entrée du village pour gagner le domicile de DURAND . Il y trouve comme prévu GIRARDIN et aussi LEMOINE parti à sa recherche. IL apprend alors les détails de l'affaire WENER.
Presque en même temps arrive un nouveau message de PERRET lui confirmant la capture de WERNER et la situation.
Peut après arrive un nouveau message. ALINE, sur ordre de JEAN, est allée à la ferme de la Rentre Chateleine. Elle y a trouvé WERNER seul. Celui-ci parlant français, lui a dit « Mademoiselle, les camarades français m'ont laissé ici, voulez vous prévenir la Kommandantur de Montbard que je suis entre Ecorsaint et Jailly-Les-Moulins dans une ferme abandonnée » Le Commandant décide de se faire conduire par GIRARDIN dans la voiture du boulanger à Ecorsaint.
Le départ est retardé d'une heure, le Commandant ayant eu un malaise à la suite de l'effort fourni pour venir à Gissey.
A Ecorsaint, chez PAPA, BERNARD retrouve PERRET et les chefs de groupes réguliers qui le conduisent à la Rente Chateleine. DAGORDE et LAVAULT sont là. A l'entrée du Commandant, WERNER se soulève de sa couche et demande « docteur ? »- Non, chef du Maquis » - répond BERNARD. WERNER se laisse retomber. « Comment allez-vous ? Demande le Commandant. « Nicht compris » répond WERNER. « Vous parlez français », reprend le Commandant ; « une jeune fille est venue ici il y a quelques heures ; vous lui avez demandé de prévenir la Kammandantur de Montbard de votre présence entre Ecorsaint et Jailly. Répondez moi en français » WERNER ne veut rien dire, fait simplement oui de la tête et prononce un « ja » plein de sanglots.
Laissant les hommes garder WERNER, le Commandant, PERRET et les chefs de groupes présents se rendent à Ecorsaint. L'heure est grave, un conseil de guerre dramatique a lieu. Il faut liquider l'affaire, brouiller les pistes. La première idée du Commandant est de transporter WERNER très loin et de l'abandonner sur une route. Mais ce dernier a dissimulé qu'il parlait et comprenait le français. La chose n'est donc plus possible , d' autant plus que PERRET a relevé les adresses devant lui. Il en sait beaucoup trop sur les groupes de la région. L'ordre est finalement donné de l'exécuter et de faire disparaître son corps.
Des ordres précis sont donnés à PERRET . Il doit évacuer tous ses hommes de la région. Des maquis sont prêts à les recevoir. PERRET, LAVAULT et DAGORDE doivent se rendre immédiatement à Etalente pour y installer un nouveau maquis. PERRET connaît bien une ferme isolée(la ferme des Brosses). Les hommes dispersés dans la nature seront regroupés dans ce lieu(carte 2)
Dans l'affolement de la dispersion vingt trois hommes sont pourtant restés groupés auprès de leur chef de section.
ROBERT avec six hommes doit se rendre à Alice-Ste-Reine pour y attendre des ordres complémentaires. Il séjourneront jusqu'au 3 février à la villa de la Braux, date à laquelle ils prendront le train à Munois pour se rendre à Is-Sur-Tille via Dijon. De là un nouveau maquis sera constitué à Fontaine-Française puis au château de Rosière, à Selongey, dans la forêt de Marey et ensuite à Foncegrive.
WEISS et six hommes partent en direction de Flavigny. A mi-chemin, ils prennent une autre direction et gagnent Leugny. WEISS passera par Marigny et sera quelques jours plus-tard à Epoisse.
RENE avec un groupe de six hommes se dirige directement sur un maquis de l'Yonne. Peu après leur départ de la Rente Chateleine, ils sont repérés par les Allemands , au dessus d'Ecorsant. Ces derniers se lance à leur poursuite , mais grâce à l'initiative de RENE, ils sont semés avant Flavigny. RENE retrouvera WEISS à Vassy-Sous-Pisy.
Les ordres sont donnés pour que le groupe de VAISSELIN, commandé par JEAN, se partage en deux.Une moitié sous le commandement de JEAN et se dirigea sur Lusigny, l'autre moitié, sous le commandement de PERE JO gagner la forêt de Jugny. JEAN une fois de plus en fait à sa tête et dirige tout le monde sur Lusigny. Ce n'est qu'après le massacre de Lusigny que PERE JO regagnera le P.C. du Commandant BERNARD avec les hommes qu'ils a sauvés de la tuerie.( le Commandant se l'attachera à son PC et il participera au combat du 19 avril 1944 à Corpoyer-La-Chapelle). MORET de son côté, seul, réussit à passer en zone libre. Il s'y procure de faux papiers lui permettant de se rendre sans ennuis à Gibraltar, afin de gagner ensuite la France Libre. Au cours de la route, il stationne dans un maquis des Cévennes. La région et la mentalité des Maquisards lui plaisent et il décide de rester là. Il participera à de nombreuses attaques contre les convois allemands qui, bientôt , remonteront vers le nord de la France.
Dès que possible, le Commandant BERNARD sera à Etalente avec les hommes récupérés par les réguliers. Tous les Résistants de la région, tous les groupes reçoivent l'ordre de se mettre en sommeil, de ne tenter aucune action contre l'ennemi ou contre du matériel. Les hommes de la vallée de l' Ozerain ne doivent pas coucher dans les villages. Le Commandant pense ainsi limiter les dégâts.
Les ordres sont exécutés. LAVAULT et DAGORDE se rende à Etalente. PERRET, chose inexplicable, passe par Dijon. Il est arrêté par la Gestapo dans un café . IL sera fusillé le 1er mars après avoir subi d'affreuses tortures.
Les jours suivants, les Allemands apprennent que le Commandant BERNARD doit rejoindre Etalente avec des hommes. Heureusement sa blessure ne lui a pas permis. Le 12 février à l'aube, la ferme des Brosses est encerclées et violemment bombardée par l 'ennemi qui a déployé d'importantes forces. Mortiers et canons sont de la partie. L'ennemi croyait trouver en ce lieu le gros du maquis BERNARD ayant participé à la capture du Major WERNER.
LAVAULT est porté disparu. Des fouilles faites en novembre 1945 permettent de retrouver ses ossements. Son corps
avait été brûlé par les S.S. Dans la ferme incendiée. DAGORDE blessé est fait prisonnier, il sera fusillé à Dijon le 1er février 1944.
Depuis la mort de WERNER le 1er février au soir, les Allemands ont perdu les pistes. Huit jours se passent et l'espoir renaît dans la vallée de l'Ozerain.
Brutalement, ce sont les journées dramatiques du 10 février au 1er mars. Dijon a le triste privilège d'être la seule ville de France occupée, où la Gestapo dispose de sept sections. Partout ailleurs cette organisation dont les crimes de se comptent plus est composée de six sections totalement allemandes. La septième de la Gestapo de Dijon est formée uniquement de Français. Elle a déjà fait de terribles ravages dans les rangs des Résistants. Tous les espions, tous les indicateurs s'abattent soudain sur la région. Les arrestations, les enquêtes, les interrogatoires se succèdent , puis les tortures, rue du Docteur Chaussier, à Dijon. Les Allemands veulent faire vite, frapper l'opinion et rétablir par la terreur leur prestige, compromis à leurs yeux par l'enlèvement d'un Chef de police.
Les Allemands oblige THIERRY, qui a été affreusement torturé et dont les doigts sont écrasés, à relever le corps du Major.
BATIMENT GESTAPO
Le 29 février, un tribunal S.S. De Paris vient avec une solennité inusitée siéger à Dijon. Pourquoi un tribunal parisien ? Les autorités locales craignaient-elles que des représailles de la Résistance ne frappe individuellement les officiers qui allaient prononcer les peines ?.....
Les Allemand exigèrent que la salle des Etats fut drapée de noir pour donner un caractère plus macabre à leur mise en scène. Il fallut pour cela réquisitionner les draps des pompes funèbres. Les autorités françaises : Préfet, Président de la Cour d 'Appel ...furent tenues d'y assister.
Condamnés à mort, au soir du 29 février, quinze Patriotes de l'Auxois furent fusillés au stand de tir de Montmuzard, le 1er février 1944 au matin. Le même jour, l'avis suivant était publié :
« LA COUR MARTIALE S.S. ET POLIZEIGERITCH PRONONCE QUINZE CONDAMNATIONS A MORT DANS L'AFFAIRE DU MEUTRE DE M. LE MAJOR WERNER «
La cour Martiale « S.S. et Polizeigericht Paris », siégeant à Dijon, salle des Etats, a jugé, mardi 29 février, seize inculpés compromis dans l'affaire du meurtre de M.le Major WERNER, parmi lesquels neuf s'étaient rendus coupables d'attentats contre des Français, de vols à main armée, de nombreux actes de sabotages et déraillement commis dans la région et détention d'armes , et a prononcé les condamnations suivantes :
SALLE DES ETATS
CHAUCHARD, dit PERRET, né le 23 mars 1915 demeurant à Dijon.
YAOUANC, dit DAGORDE René, né le 6 avril 1923 à Brest.
REBOURSEAU, dit BERTHOT Marcel, né le 15 mars 1920 à Vénarey les Laumes
MENETRIER Paul, dit GERMAINE Michel, né le 12 août 1904 à Villy-en-Auxois, maire de cette commune.
MENETRIER Joseph, né le 7 mars 1915 à Villy-en-Auxois.
GOUGEOT Marcel, dit ARTHUR-MARCEL, né le 2 janvier 1923 à Chevigny-Fenay.
HUCHON Marcel, né le 17 août 1913 à Jailly-les-Moulins.
GUILLIER Charles, né le 22 septembre 1904 , de Villy-en-Auxois.
Ayant fait partie d'un groupement terroristes sont condamnés à mort. Les nommés :
QUIGNARD Maurice, docteur en médecine, né le 29 novembre 1887, demeurant à Vitteaux.
GUEDENEY Adrien, le 14 juillet 1910 à Jailly-les-Moulins.
GUEDENEY Louis, né le 6 avril 1918 à Jailly-les-Moulins.
GUEDENEY Emile, né le 26 février 1899 à Villeberny.
LOREAU Henri, né 13 mai 1902 à Jailly-les-Moulins, maire de cette commune.
CARRIERE Charles, né le 22 septembre 1904 à Villy-en-Auxois.
Sont également condamnés à mort pour aide à l'ennemi.
Enfin, le jeune DUTHU Lucien, né le 11 octobre 1928 aux iles Canaries, et demeurant à Flavigny, qui faisait partie d'un groupe terroriste, a été, en raison de son jeune âge, condamné à trois ans de prison.
Cinq par cinq, ces patriotes, ces Français, nos camarades tombèrent devant les poteaux du stand de Montmuzard à Dijon.
7 heures 38 : CHAUCHARD Albert, YAOUANC René, REBOURSEAU Marcel, MENETRIER Michel, MENETRIER René.
7 heures 51 : MENETRIER Joseph, GOUGEOT Marcel, HUCHON Marcel, QUIGNARD, Maurice, GUEDENEY Adrien
8 heures 07 : GUILLIER Charles, GUEDENEY Emile, LOREAU Henri, GUEDENEY Louis, CARRIERE Charles.
Les fusillés du 1er mars ne devaient pas être, hélas ! Les seules victimes de la répression nazie. Dans les semaines qui suivirent vingt-huit personnes – dont beaucoup n'avaient pas été mêlées à l'affaire WERNER – sans avoir été jugées, prenaient la direction des camps de la mort. Douze d'entre eux n'en revinrent pas :
CARRIERE Pierre, MENESTRIER Clément, BOCCARD Auguste, LACHOT Marie-Louise, BORDET Marie, COUTHIER Bernard, COUTHIER Xavier, LEVEQUE Louise, GELOT Paul, DUPAQUIER, Charles, de l'Auxois. Colonel CHALVIN et son fils CHALVIN François de Dijon.
Leurs noms s'ajoutent au martyrologue des Maquis « BERNARD »
Le groupe des Maquis BERNARD de Dijon commandé par le Colonel CHALVIN et le Lieutenant BELORGEY, groupe de liaison, de refuge et de renseignements, est lui aussi démantelé. Le Colonel CHALVIN et ses deux fils sont déportés. Un seul reviendra . Le Lieutenant BELORGEY, déporté, retrouvera à Compiègne REGNET, cause indirecte de cette affaire WENER.
Le docteur BERGER, dont l 'appartement, rue de Montchapet à Dijon, sert de refuge , est obligé de quitter la région.
Le docteur LAVAULT est arrêté et interné à la prison de Dijon. Les Allemands l'accuse d'avoir soigné le Commandant BERNARD. Il bénéficie de la confusion créée par son homonyme avec notre camarade tombé à Etalente et du fait que son mariage était célébré à Dijon le jour même où il soignait le Commandant au château de Frôlois. Finalement, relâché sur un témoignage de notre camarade de docteur MOUTRILLE, de Dijon, il rejoindra la maquis avec sa femme où ils resteront jusqu'à la libération.
Les groupes de Dijon ne furent jamais constitués .
Les groupes des Maquis BERNARD furent profondément transformés. La première décision de Commandant fut de reprendre sa liberté d'action en se détachant des groupes F .T.P.
Après cet épisode, appelé désormais affaire WERNER, les Allemands sont obligés de tirer deux enseignements :
1) Il sont certains qu'aucune collaboration n'est désormais possible puisque dans toute cette vallée de l'Ozerain,si durement touché, aucun habitant ne se laisse solliciter par la nuée de miliciens et de policiers de la Gestapo.
2) Le Maquis a osé attaquer et supprimer un de leurs plus éminents chefs de la police. Désormais, contre la Résistance, Ils envoient de véritables forces militaires. La preuve est faite à Corpoyer-la-Chapelle, Etalent(de l'artillerie contre deux Maquisards), Lantilly, Arcenant, Lusigny-sur-Ouche, Genay, etc...... C'est autant de soldats allemands et de matériel qui lui seraient plus utiles sur le front qui craquent en Russie et en Italie.
La Gestapo a cru terroriser la population afin de la dissuader d'apporter son aide aux Maquisards, mais à l'annonce des exécutions les poings se serrent, la colère et l'indignation emplissent les cœurs, les sabotages reprennent de plus belle. La Résistance s'intensifie. Pour les martyrs de l'Auxois se lèvent les vengeurs et ces vengeurs formeront les Bataillons F.F.I. De la Libération.
MURS DES FUSILLES
LA VIE D'UN MAQUIS DE L'AUXOIS
Extrait d'une brochure réalisée en 1971 par l'Association du Souvenir de la Résistance
Section AUXOIS