Tenues de l'Infanterie de Marine/Coloniale par la photographie, IIIème République 1886-1914 (S/Off. et Marsouins)Bonjour à Tous,
Lors du précédent post, j’évoquais les événements relatifs à l’Infanterie de Marine puis Coloniale lors de cette période précédant la première guerre mondiale, je n’y reviens donc pas...
Le lien ci-dessous détaillant les tenues des Officiers et Adjudants de 1893 à 1914 permet de se remettre en situation :
https://www.passionmilitaria.com/t175870-tenues-de-l-infanterie-coloniale-par-la-photo-iiieme-republique-1893-1914-offLes uniformes portés en France par les sous-officiers et marsouins n’ont que très peu évolué durant la période s’écoulant de 1886 à 1914. L’abandon de la tunique par la troupe, fut le dernier événement uniformologique important avant les grands changements imposés par la Grande Guerre. Ce constat ne vaut que pour les tenues portées en France, car sous les tropiques, il en sera tout autrement, de nouveaux effets coloniaux adaptés aux climats apparaîtront vers la fin du 19ème siècle.
En introduction de ce nouveau descriptif, une belle photo de 1908, tirée de l’album du 1er Régiment d’Infanterie Coloniale. Le lieutenant Rouyez, porte-drapeau, est entouré de sa garde. Ces soldats débuteront la guerre en 1914 ainsi vêtus et équipés.
Avant d’aborder la description des uniformes et équipements, peut-être est-il bon de rappeler l’organisation de l’Infanterie Coloniale en ce début de siècle et plus précisément au travers du décret du 28 décembre 1900, dont voici un extrait :
Décret portant organisation de l'infanterie coloniale.
(Journal officiel du 30 décembre 1900)
Paris, le 28 décembre 1900.
LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE,
DÉCRÈTE :
Art. 1. L'infanterie coloniale se compose de l'ensemble des troupes d'infanterie européenne ou indigène, organisées spécialement en vue de l'occupation et de la défense des colonies et pays de protectorat, autres que l'Algérie et la Tunisie.
Elle est chargée en première ligne des opérations militaires aux colonies, coopère, le cas échéant, à la défense de la métropole et prend part aux expéditions militaires hors du territoire français, elle est distincte des troupes de l'armée métropolitaine et conserve son autonomie.
Art. 2. L'infanterie coloniale comprend :
1° Un état-major particulier,
2° Des corps de troupes d'infanterie européenne et indigène,
3° Un corps disciplinaire.
.../...
Composition :
En France :
A. - Douze régiments d'infanterie coloniale ayant chacun la composition suivante : trois bataillons à quatre compagnies, un état-major, un petit état-major, une section hors rang et un cadre complémentaire.
Ces régiments sont composés d'engagés volontaires, de rengagés, de commissionnés, de volontaires de l'armée de terre versés dans l'armée coloniale, d’hommes des contingents des diverses colonies et d'hommes du contingent métropolitain, volontaires ou incorporés d'office, mais qui, dans ce dernier cas, ne seront pas astreints à servir aux colonies et n’y seront envoyés que s'ils en font la demande écrite après leur incorporation.
B. – Une section de secrétaires d’état-major .../...
C. – Une section de télégraphistes coloniaux .../...
D. - Un dépôt des isolés des troupes d’infanterie coloniale .../...
E. - Une section de secrétaires et d’ouvriers du commissariat colonial
F. - Une section d'infirmiers coloniaux. .../...
Les douze régiments forment trois divisions. En vue de la mobilisation, un corps d'armée est organisé sous le commandement d'un officier général des troupes coloniales, en utilisant les éléments des troupes coloniales stationnées en France, et susceptibles d'entrer dans une formation de campagne.
Aux colonies :
A. Cinq régiments d'infanterie coloniale à trois et quatre bataillons de quatre compagnies, stationnés en Indo-Chine,(9èmeet11èmeà trois bataillons, 10èmeà quatre bataillons), à Madagascar(13èmeà quatre bataillons et 15èmeà trois bataillons) et un régiment, à deux bataillons de quatre compagnies, stationné dans l'Afrique occidentale.
.../...
B. Deux bataillons d'infanterie coloniale à quatre compagnies stationnées en Nouvelle-Calédonie et à la Martinique.
C.Un bataillon à deux compagnies stationnées à la Guyane.
D. Une compagnie à la Guadeloupe.
E. Une compagnie à Tahiti.
.../...
Art. 5. Les corps d'infanterie coloniale indigène comprennent :
Un régiment de tirailleurs annamites à trois bataillons, stationné en Cochinchine,
Quatre régiments de tirailleurs tonkinois, dont deux (les 1eret 4ème) à trois bataillons, et deux (les 2èmeet 3ème) à quatre bataillons de quatre compagnies,
Trois régiments de tirailleurs sénégalais stationnés : au Sénégal(un régiment à trois bataillons de quatre compagnies), au Soudan (un régiment à trois bataillons de quatre compagnies), à Madagascar (un régiment à quatre bataillons de quatre compagnies);
Deux régiments de tirailleurs malgaches à trois bataillons de quatre compagnies, stationnés à Madagascar.
.../...
Quatre bataillons de tirailleurs sénégalais à quatre compagnies stationnées,l'un au Chari, l’autre à la Côte d’Ivoire, le troisième dans le territoire du Zinder et le quatrième à Diego-Suarez.
.../...
Fait à Paris, le 28 décembre 1900.
Signé : EMILE LOUBET.
Par le Président de la République :
Le Ministre de la guerre, Le Ministre des Colonies,
Signé : Gal L. ANDRÉ. Signé : ALBERT DECRAIS.Venons-en maintenant aux uniformes portés en France.
Cette première photo présente un marsouin en juin 1898.
Depuis 1886, date à laquelle nous nous étions arrêtés lors de la précédente description, peu de choses ont réellement évolué pour le marsouin.
Le règlement du 30 septembre 1903, et sa mise à jour au 1er janvier 1910, est resté en vigueur jusqu'à la Grande Guerre.
Le paletot de molleton bleu foncé est du modèle antérieur (1873), tout comme le pantalon de drap gris bleuté à passepoil écarlate sur les côtés. Notre marsouin porte ici les épaulettes, attributs de la grande tenue ou des séances chez le photographe. Elles sont de couleur jonquille que les photos de l’époque restituent toujours dans des nuances très sombres. Détail de plus en plus rare et particulièrement à cette époque, la présence des souliers, comme chaussures de repos, et des guêtres de toile blanche. A partir de 1888, les brodequins seront d’un usage courant et réglementaire.
Le collet confectionné en drap du fond est légèrement échancré et très peu arrondi à ses extrémités. A cette époque et plus exactement « sur le papier » entre le 2 mai 1890 et le 6 juin 1904, le collet ainsi que le képi portent le numéro du régiment. Ici, le 5ème qui fut créé le 1er mars 1889, par dédoublement du 1er Régiment d’Infanterie de Marine et qui stationna à Cherbourg jusqu’à 1912.
Les trois photos suivantes nous permettent de rappeler les instructions portant sur le port, en France, des numéros et/ou ancres sur le bandeau des képis et aux collets des paletots et capotes.
Du 02 mai 1890 au 6 juin 1904 : Numéro sur le képi et au collet
Du 6 juin 1904 au 20 juillet 1909 : Ancre sur le képi et au collet
Après le 20 juillet 1909 : Ancre sur le képi et numéro au collet
Le képi évolue sur ces photos, dans sa forme et ses dimensions. A compter du 15 novembre 1893, il devient du modèle général et verra ses dimensions légèrement modifiées le 19 décembre 1894. Il reste de drap bleu foncé avec passepoils écarlates, jugulaire à coulisse en cuir noir fixée par deux petits boutons en cuivre. Les attributs, ancres ou numéros, sont de couleur écarlate. Visière caractéristique à jonc saillant et dessous peint en vert.
Le paletot, en molleton bleu foncé reste à deux rangées de 5 boutons en cuivre. Il possède deux poches sur le devant recouvertes par des pattes. Il est intéressant de préciser que le règlement du 30 septembre 1903 / 1er janvier 1910, précise aussi que « la poche droite recevra à l’intérieur de l’effet, la marque de confection, celle de gauche, le numéro matricule de l’homme ».Les collets sur les deux photos les plus récentes deviennent droit.
Le ceinturon de cuir noirci et sa boucle caractéristique en cuivre de forme rectangulaire, porte ici la baïonnette du fusil Lebel.
Le marsouin du milieu présente sur sa manche gauche un« insigne de tir », très probablement, en drap écarlate.
L’insigne relatif à un « prix de tir » serait identique mais brodé en filé d’or, sans paillettes ni canetille sur un écusson rectangulaire en drap du fond, ce qui n’est pas le cas ici. Pourtant l’insigne brille bien...
Ci-dessous, une représentation de cet insigne sur le paletot de ce marsouin de 1ère classe rengagé.
Dans la lignée des récompenses aux bons tireurs, il y avait aussi l’insigne de « tir spécial » qui était attribué aux marsouins (et sous-officiers) qui avaient obtenu deux années de suite le cor de chasse brodé. Il est représenté par un cor de chasse surmonté d'une petite grenade, brodée en fil d'or. En situation ci-dessous, une photo extraite du l’album du 1er Colonial en 1908.
Et pour finir, le « prix de concours » était,quant à lui, matérialisé par des épinglettes, comme ci-dessous et plus particulièrement bien illustrées par un sous-officier dont la photo sera présentée un peu plus loin.
D’autres insignes de fonctions ou de spécialités étaient portés comme ci-dessous par ce musicien, dont la lyre en drap de sous-officier écarlate, liserée d’or, indique la fonction. Cette lyre était cousue sur chacune des manches. Que ce soit comme ici sur le paletot ou sur la capote.
Ci-dessous, entourant le sous-chef de fanfare quelques musiciens de la fanfare régimentaire.
Après quelques errances entre règlement et applications réelles, le sous-chef de fanfare se voit attribuer, vers 1910, les galons et le ceinturon de sergent-major, ainsi qu’un galon unique en or au collet du paletot et de la capote. A l’époque de la photo l’ancre écarlate s’est substituée aux numéros et est présente au collet en dessous du galon. Les lyres en or ne semblent pas avoir été brodées sur les manches de sa capote, ce qui devrait, à mon sens, être le cas. Les musiciens les portent bien sur les deux bras, en drap écarlate.
Sur la photo suivante, ces clairons, du 2ème régiment, accompagnés peut-être par un ancien redevenu un « pékin », prennent la pose autour d’une bouteille.
Ils arborent, outre les galons de leur fonction au collet et aux parements, des chevrons d’ancienneté que réhaussent pour le premier, la médaille coloniale, et pour le second, un caporal clairon, les médailles commémoratives du Tonkin et de la deuxième expédition de Madagascar (agrafe 1895) en plus de la médaille coloniale.
Les galons d’ancienneté seront remplacés, pour les marsouins, au début du siècle, 1903/1904, par des soutaches simulant des parements droits.
Les fonctions de clairons sont matérialisées par un galon de laine, à losanges tricolores, cousu sur le bord supérieur du collet. Les numéros visibles sur la photo sont quant à eux cousus par-dessus. Le même galon se positionne en bas des manches des paletots.
A la vue de ces éléments, numéros aux collets et aux képis, (particularité entre 1890 et 1904), médaille de Madagascar (après 1895), présence de chevrons d’ancienneté portés jusqu’en 1904 avant que les soutaches aux parements ne les remplacent, nous pouvons sans grand risque dater cette photo autours de 1900.
Le galon de fonction de clairon est aussi porté depuis le 16 janvier 1893 sur les capotes mais uniquement au collet. Le bas des manches en est dépourvu. L’illustration suivante le confirme.
Avec les trois marsouins qui suivent, dans une mise en scène peu guerrière mais très dans l’air du temps... nous avons une vue d’ensemble de la tenue réglementaire : Paletot, brodequins, pantalon de drap gris bleuté à passepoil écarlate, képi à l’ancre, épaulettes de couleur jonquille.
Après la pause, arrosée du bon vieux« pinard », revenons aux activités militaires... et immanquablement à l’exercice et aux corvées.
Dans ces circonstances, une tenue s’impose pour préserver les effets de drap : Le bourgeron et le pantalon de treillis.
Les marsouins reçoivent le bourgeron en octobre 1886. Il est confectionné en forte toile de lin et est ouvert sur le devant par une fente qui descend jusqu’à la poitrine. Il possède une boutonnière au milieu ainsi qu’une poche de poitrine sur le côté gauche. Le collet est droit et ferme par un petit bouton.Le bourgeron est coupé ample afin de pouvoir être enfilé, mais pas systématiquement, sur le paletot.
Ces soldats, prêts pour l’instruction, sont pourvus de l’équipement mis en service à partir de 1896 et armés du fusil Lebel 1886 M 93. Ils portent le bonnet de police, taillé en drap de capote, qui a été réintroduit le 2 mai 1909.
Avec une prise de vue plus large, cette carte postale datée de 1907 nous offre un panorama du 1er RIC prêt pour l’exercice. Tous les marsouins portent le bourgeron à l’exception des officiers, sous-officiers et caporaux-fourriers qui n’en sont pas dotés. Les grades des caporaux sont matérialisés par un double galonnage écarlate barrant la poitrine (non visibles ici).
Les photos suivantes nous permettent de détailler la capote propre à l’Infanterie Coloniale.
Elle reste du modèle antérieur, à savoir de 1873, et ne sera que très peu modifiée jusqu’au début de la Grande Guerre.Elle est réglementairement de couleur gris bleuté jusqu’en décembre 1895 pour devenir gris de fer bleuté par la suite. Elle possède toujours deux rangées de 6 gros boutons d’uniforme sur les devants qui se croisent boutonnés l’un sur l’autre. Elle est coupée ample afin de pouvoir être portée sur le paletot.
Les règles portant sur le port des ancres ou numéros au collet sont les mêmes que pour le paletot. Un écusson apparaitra, toujours sur le papier, à partir de 1909. Les deux éléments les plus caractéristiques de la capote d’infanterie de marine/coloniale restent la présence des deux boutons fermant les parements (un seul pour l’infanterie métropolitaine). Ceux-ci sont aisément visibles sur les photos de l’époque. La seconde caractéristique est une fente pratiquée au dos de 170 millimètres. Le 1er janvier 1910, les parements ne recevront plus qu’un seul bouton, quant à la fente, elle disparaitra.
A suivre, une nouvelle scène décontractée... Capote avec les deux petits boutons aux parements, ceinturon de cuir noir à boucle en cuivre rectangulaire, épaulettes de couleur jonquille, ancres aux képis et aux collets, Cherbourg 1910... Pas de doute, nous sommes bien en présence de Marsouins des 1er ou 5ème Régiment d’Infanterie Coloniale.
Un autre groupe de marsouins du 5ème Régiment, photographié en 1911. Numéros aux collets de la capote et du paletot, ancres aux képis. La coupe ample est bien visible sur ce cliché. Le paletot est porté confortablement et conjointementà la capote.
Relativement peu visibles sur la photo originale, les ancres figurent bien sur les képis et aux collets. Nous pouvons dater cette photo entre le 6 juin 1904 et le 20 juillet 1909... Mais ça c’est dans la théorie seulement.
Après ces scènes décontractées, ce groupe de marsouins du 22ème Coloniale, photographié le 26 juin 1908 au torrent de Maravenne, lors des manœuvres régimentaires. La tenue s’adapte à la chaleur du moment et le couvre nuque pour képi est uniformément porté. Celui-ci est confectionné en cretonne blanche et est en deux morceaux : La coiffe qui recouvre le képi et le couvre-nuque. Cette dernière partie flottante vient se fixer au moyen de deux boutonnières pratiquées sur la partie supérieure aux boutons du képi. Les deux éléments peuvent se porter de façon indépendante. Sur la photo, la partie flottante n’est pas systématiquement boutonnée au képi.
Quelques autres éléments intéressants... les pantalons en treillis remplacent les pantalons de drap, les chemises de coupes diverses, un maillot de marin que l’on retrouve plutôt aux colonies...
Il est à noter aussi la présence sur les paletots de pattes d’épaule à rouleau.
La photo a été prise en 1908, date coïncidant avec l’introduction de ces pattes. Est-ce pour cette raison que le port n’en est pas systématique, la distribution étant encore trop rare ? On peut en distinguer qu’une seule sur les paletots, comme ce sera le cas à la déclaration de guerre en 1914, parfois deux, voir même aucune. Dans le cas où seule l’une d’entre elles était présente, elle était positionnée sur l’épaule droite, celle qui porte le fusil afin d’en retenir la courroie.
Nous découvrons sur la photo ci-dessous, prise au camp de Fontainebleau en 1898, cinq caporaux du 6ème RIC prêts pour la revanche ou pour le moins pour la manœuvre. Ils sont équipés du fusil Lebel, modèle 1886 M93, distribué à partir de 1894 dans l’Infanterie de Marine. Les cartouchières sont particulièrement anciennes, à savoir du modèle 1882. Elles se composent d’un coffret intérieur, le mode de fermeture est latéral avec deux petites pattes et sont solidarisées au ceinturon à boucle rectangulaire caractéristique, par deux passants. L’équipement accompagnant le fusil Lebel ne sera mis en service que progressivement à partir de 1896. Le reste de la tenue ne présente rien qui n’a déjà été évoqué précédemment.
Un détail toutefois, la savante constitution du paquetage. Pas visible sous cet angle, le havresac modèle 1893, le célèbre « as de carreau », supporte une belle superposition d’effets. Sans règlement particulier à ma connaissance, s’agit-il, des demi-couvertures, des toiles de tente,... ? A noter la gamelle individuelle qui trône tout en haut. Ce havresac se compose d’un cadre en bois et d’une toile noire imperméabilisée. Même s’il est plus léger que les modèles précédents, il reste lourd avec un poids à vide de 1,750 Kg. Chargés comme ils le sont sur cette photo, ils devaient peser lors des longues marches.
A noter encore, deux marsouins ne portent, sur l’épaule droite, qu’une seule patte d’épaule à rouleau.
La photo suivante est une bonne transition pour traiter des uniformes des sous-officiers et de leurs équipements particuliers. Nous y découvrons quatre marsouins, homme du rang et sous-officiers, portant les équipements réglementaires qui seront en dotation lors de l’entrée en Guerre : Ceinturon de cuir noirci et sa boucle en cuivre rectangulaire, bretelle de suspension (sur le premier homme à gauche et au deuxième rang), porte-baïonnette (non visibles) modèle 1888 destiné à la baïonnette Lebel et cartouchières modèle 1888 (ou 1905) qui ont remplacées les modèles 1884 et 1888 à partir du 17 janvier 1893.
Hommes du rang et sergents portent donc sensiblement les mêmes équipements, à l’exception des bretelles de suspension. Le sergent-major,quant à lui,est armé du sabre d’adjudant modèle 1883 et du revolver d’ordonnance modèle 1892 dans son étui de cuir noir. Celui-ci est soutenu par un ceinturon de cuir verni noir avec plaque ovale en cuivre estampée en relief d’un écusson présentant une ancre entourée de rameaux de chêne et de laurier. La dragonne est en peau de chèvre, tressée puis noircie et vernie.
Les grades représentés sur les tenues sont, de gauche à droite et au premier rang : Soldat, sergent-fourrier, sergent et sergent-major.Au deuxième rang, visible en bas d’une manche, le galon d’un soldat de 1ère classe.
Les sous-officiers portent tous les trois la soutache d’ancienneté. Elle est mélangée d’or et d'écarlate et cousue en bas des manches. La soutache pour les rengagés, caporaux, caporaux fourrier et marsouins est en soie rouge.
Le règlement de 1903 précise, pour les marques distinctives des grades et emplois, les descriptions suivantes :
Soldat de première classe : Un galon en laine écarlate,
Caporal : Deux galons en laine écarlate,
Caporal-fourrier : Galon de caporal avec en plus un galon d’or placé obliquement sur le haut de chaque manche,
Sergent : Un galon d’or,
Sergent-fourrier : Le galon de sergent avec comme marque distinctive de l’emploi, un galon d’or placé obliquement sur le haut de chaque bras,
Sergent-Major : Deux galons dorés.
A suivre les tenues portées par les sous-officiers... Les uniformes des adjudants ayant déjà été traités dans le précédent article, je n’aborderai donc ici que les tenues des sergents et sergent-majors.
En introduction, cette belle photo d’un sergent du 8ème Régiment d’Infanterie de Marine ou Coloniale ayant déjà une belle carrière asiatique. Il porte, de gauche à droite, la médaille commémorative du Tonkin, l’Ordre Royal du Cambodge et l’Ordre du Dragon d’Annam.
L’on distingue une fois de plus, un insigne de tir brodé sur la manche gauche de son paletot, les épaulettes de couleur jonquille et depuis le 19 janvier 1892, au-dessus du parement la soutache d’ancienneté, or et rouge et le numéro 8 brodé au collet. Cette photo ayant été prise autour de 1900, la médaille du Tonkin obtenue vers 1886, témoigne de la carrière déjà longue de ce sergent rengagé.
Le sergent suivant porte de façon très classique le paletot. La particularité qui nous est offerte, hormis les belles moustaches, est une belle vue du képi de sous-officiers. Celui-ci est semblable à celui des marsouins, pour la forme et les dimensions. Il diffère toutefois par la qualité du drap utilisé. Celui-ci est plus fin et conserve sa teinte bleu foncé. Une fausse jugulaire en galon d’or est fixée au képi par deux petits boutons d’uniforme demi-sphériques. Sur la photo, ancre brodée en soie écarlate, tant au képi qu’au collet.
Après le rattachement de l’Infanterie de Marine au Ministère de la Guerre, les sous-officiers rengagés ou commissionnés reçoivent, le 16 décembre 1901, une « Tenue de sortie en ville ». De coupe très proche du paletot, de même couleur, à savoir bleu foncé, elle s’en distingue par l’usage d’un drap plus fin. Les parements sont droits et comme on le distingue sur les photos délimitées en haut par la soutache d’ancienneté dorée ménagée d’écarlate. Les distinctions principales, au premier coup d’œil, sont les pattes de parement en drap bleu foncé, passepoilées d’écarlate sur la partie arrière et aux deux extrémités, avec 3 petits boutons d’uniforme. Deux poches avec pattesont présentessur le devant. Le collet, en drap du fond, est droit et suivant les époques brodé, de numéros ou d’ancres, en fil de soie écarlate. Sur les photos, on distingue tout autant la soie écarlate que la canetille d’or qui était tolérée pour cette tenue de sortie.
Les épaulettes sont en laine mohair jonquille, avec tournantesen filé d’or espacées entre elles et laissant voir ainsi deux petits cordonnés jonquille.Sur chaque épaule est fixée une bride en drap du fond passepoilée écarlate, recouverte d’un galon en or traversé longitudinalement par une raie en soie rouge.
Pantalon en drap fin, gris de fer foncé avec passepoil en drap écarlate. Il diffère par quelques détails du modèle d’ordonnance.
Les képis portent les attributs, ancre ou numéro, brodés en fil de soie écarlate ou en canetille d’or.
Le sergent-major garde en la circonstance son sabre, le modèle 1883 d’adjudant avec dragonne de cuir noir et verni.
Les trois autres sergents portent quant à eux l’épée, modèle 1887 à monture, poignée, garde et coquilles, d’une seule pièce en bronze blanc de nickel. Sur les photos, la coquille de la garde est ornée d’une grenade ou d’une ancre encâblée en métal doré. Le fourreau est en tôle d’acier.
La photo suivante a été prise à la veille de la 1ère Guerre Mondiale et les croix tracées présagent d’une mort peut être prématurée pour ces combattants. Tout a été dit sur les tenues de sortie, ne reste qu’à admirer les décorations et pour le sergent-fourrier, vétéran de la campagne de Chine, les trois « prix de concours » de tir. Il ne devait pas être bon se trouver dans sa ligne de mire...
Et pour finir ce nouveau post aux propos toujours très masculins, très militaires, je vous propose de nous arrêter sur un sujet qui n’est pas courant sur ce forum... Les femmes !
Et plus précisément les cantinières (*). Au cœur des régiments, même si elles ont abandonné l’uniforme depuis le 3 août 1890, elles étaient présentes, attentionnées souvent comme des mères, et dans un passé pas si lointain de cette fin du 19èmesiècle, courageuses au point de risquer leur vie en première ligne et parfois de la perdre « pour la France » afin de secourir ou de réconforter nos anciens de Bazeilles ou de Cochinchine.
Pour commencer cette représentation de Mme « Ch...er », cantinière du 1er Régiment d’Inf. Coloniale / 1er Bataillon.
Le bel uniforme, porté ci-dessous vers les années 1889/1890 par cette cantinière du 8ème Régiment d’Infanterie Coloniale, régiment créé en 1889, a laissé la place à une robe civile, austère. Qu’il est loin le temps des splendeurs héritées du Second Empire et des premières années de la IIIème République. Il faut dire qu’après 1890, il n’était plus question d’accompagner les soldats en campagne mais de rester uniquement tenir la cantine régimentaire. Les uniformes n’étaient donc plus indispensables à la fonction, une page était tournée.
Un bel exemplaire d’uniforme de cantinière coloniale est conservé au Musée des Troupes de Marine de Fréjus, il serait intéressant d’ajouter à ce post, quelques photos afin de mettre en couleur ce bel uniforme que la photo ne rend qu’en noir et blanc.
Sans trop se tromper, le spencer de notre cantinière devait être bleu foncé, tout comme la jupe, qu’égaille en bas un galon écarlate. Pantalon comme la troupe. Le col du spencer, bordé d’un galon doré, est rabattu et présente brodées sur des écussons noirs des ancres encablées en or. Chapeau noir à plumes et rubans avec au centre le numéro régimentaire « 8 ». Tonnelet « Bleu-Blanc-Rouge » avec inscription « 8ème Régiment d’Infanterie de Marine ». Chemise blanche et cravate noire. Un tablier blanc, immaculé, complète l’ensemble.
S’il est des photos rares, celle-ci en fait assurément partie, seule 6 cantinières étaient en fonction par régiment d’infanterie à compter du 22 juillet 1875. En était-il de même dans les régiments d’Infanterie de Marine, je l’ignore, mais leur présence était assurément rare.
Et pour finir, quand le charme opère... Après l’effort, le réconfort...L’uniforme de sortie est justement de sortie pour célébrer son mariage... Le repos du guerrier avant d’autres aventures que le siècle prépare...
Le prochain volet, si j’en viens à bout, sera dédié aux tenues portées lors des expéditions coloniales et des campagnes lointaines.
A suivre donc...
Très cordialement
JLUC
(*) Voir les excellents articles « Les cantinières ou les dessous de la Gloire » de Luce RIES publiés dans les magazines « Uniformes » n° 67 & 68 (Année 1982)
Ps: Merci Lili pour ta lecture attentionnée et tes corrections avisées... VT