Bonjour à Tous,
Pour suivre la chronologie des descriptions des tenues de l’Infanterie de Marine et Coloniale, voici le lien de mon dernier post :
https://www.passionmilitaria.com/t248018-tenues-de-l-infanterie-coloniale-par-la-photographie-1914-1918-officiers-adjCe nouveau chapitre, en lien direct avec le précédent, détaillera, dans la mesure des photographies en ma possession, les tenues portées par les marsouins pendant la première Guerre Mondiale. Une période qui verra une évolution rapide et significative des uniformes et équipements, sans parler des armes et des techniques de combat.
L’entrée en campagne… Août 1914, avant les réformes.Au sein du Corps d’Armée Colonial, les marsouins prennent l’offensive vers le Nord et la Belgique le 21 août. Ils conservent globalement la tenue portée depuis le début du siècle et dont la teinte générale des pantalons, képis et capotes n’impose pas les mesures de camouflage prises dans les régiments de ligne.
Cette première photo, datée de décembre 1914, donne une représentation précise de la tenue portée au début du conflit.
Depuis juillet 1909, en métropole, les pattes de collet en drap du fond, ne portent plus l’ancre de couleur écarlate mais le numéro écarlate du régiment, le « 22 » ici, pour le 22ème Régiment d’Infanterie Coloniale en garnison à Hyères. Les képis ont, quant à eux, conservés l’ancre de tradition écarlate sur le devant.
La capote est toujours en drap gris de fer bleuté, ici du modèle de 1877, propre au ministère de la guerre, les pans retroussés laissent apparaitre le pantalon gris bleu, à passepoil écarlate sur les côtés. Celui-ci est pris dans des jambières en cuir noir, que le sergent en paletot à gauche, nous permet de distinguer plus précisément.
Là encore, les pattes d'épaule à rouleau ne sont pas systématiquement distribuées. Sur ces hommes, la pénurie se matérialise par l’absence totale de patte d’épaule ou par la présence d’une seule et dans ce cas, portée sur l'épaule droite, celle du fusil. Les modèles visibles sont du modèle à bourrelet simple, mais étrangement, certaines ont une teinte laissant déjà penser au drap bleu clair (horizon).
Les plaques de ceinturon ne sont pas du modèle adopté, en 1870, par l’Infanterie de Marine, à savoir une boucle rectangulaire en cuivre. Ces modèles de plaques sont très rarement vus sur les photos de marsouins, surtout à cette époque. Le port, pendant les premières années de guerre, du modèle spécifique à boucle, est au contraire bien plus fréquent.
Les havresacs, du modèle 1893, semblent bien chargés, toiles de tente, piquets, gamelles… Les 20/25 kg à porter, cisailleront probablement nombres d’épaules avant d’arriver au front.
Le clairon, les drapeaux aux fusils, donnent encore l’espérance d’une guerre rapide.
Bien que sortant du cadre de l’étude des uniformes, mais témoignage du patriotisme de l’époque, je partage le texte du verso de cette photo au format carte postale, « Antonin », l’un des marsouins de la photo, a écrit textuellement :
« Cassis 15/12/14,
Cher Monsieur,
Je viens vous dire que je suis sur le point du départ et me voilà avec mes camarades de chambre, le cœur joyeux, le drapeau à la main avec l’espoir de vaincre et de revenir. Je partirais probablement pour l’Argonne mais je n’en suis pas sûr.
Ne le communiquez pas à mes parents car je ne leur dirai que quand je ne pourrais m’en empêcher.
Je suis toujours en bonne santé, en attendant de pouvoir vous raconter le nombre de boches que je vais dégringoler Je vous serre la main à tous.
Augustin » Emouvant témoignage. Le 22ème RIC ayant fortement souffert lors de la bataille de Rossignol le 22 août 1914, Augustin fait probablement parti des renforts qui rejoindront le régiment pour la première bataille de Champagne, et les durs combats, en février 1915, autour du Fortin de Beauséjour. Le régiment y gagnera une citation à l’ordre de l’Armée, mais perdra dans ces seules journées, 17 officiers et 1251 marsouins. Quant à Antonin ?
Cette autre photo, représentant des combattants du 1er Régiment, illustre un sergent-fourrier à droite, reconnaissable à ses galons de sergent et aux galons d’or placés obliquement sur le haut de chaque bras, un clairon et des marsouins dans l’équipement porté en août 1914. Ici, la capote est du modèle 1873 du ministère de la Marine, reconnaissable à ses deux boutons de serrage en bas des manches (un seul sur le modèle 1877, du ministère de la Guerre). Les marsouins porteront indifféremment ces deux modèles de capotes en août 1914.
Les boucles de cuivre rectangulaires équipent ici et en toute logique les ceinturons noirs.
Théoriquement, en août 1914, les sous-officiers n’étaient dotés que de deux cartouchières, une sur le devant, l’autre dans le dos, au lieu des trois de la troupe, ce que confirme cette photo, mais ce n’est pas toujours le cas.
Le fusil est le fameux « Lebel ». Sa bretelle, tout comme les cartouchières du modèle 1905 et les bretelles de suspension sont en cuir noir.
Sur la photo suivante, l’on distingue le paletot en molleton bleu, à double rangée de cinq boutons en cuivre, du modèle 1873, qui est porté sous la capote. Paletot et capote, possèdent des pattes de collet au chiffre du régiment, le 6ème RIC de Brest dans ce cas-précis. Cette photo représente un caporal ayant servi en Chine lors de la campagne de 1900/1901 comme l’atteste le port de la médaille commémorative de ladite campagne. Étonnamment, cette médaille ne possède pas son agrafe, pourtant si caractéristique.
Hiver 1914/1915 (Avant et vers le drap horizon) – Pénurie, panachage et confections de circonstanceDès juillet 1914, une nouvelle teinte pour les uniformes est retenue officiellement. La pénurie d’indigo ne permettra pas toutefois de la produire pour les uniformes et des imports massifs, de drap aux teintes plus ou moins proches combleront un temps les besoins de l’armée. En novembre 1914, un « bleu clair » est retenu officiellement, qui rentrera dans l’histoire sous le nom de « bleu horizon ». A l’automne 1914, la fabrication française va progressivement commencer à répondre aux besoins d’équipements grandissants des armées, il faudra néanmoins attendre la fin de 1915 pour voir le bleu clair se répandre et commencer à remplacer les effets précédents.
Dans ce laps de temps, les autorités militaires sont dans l’obligation d’assouplir les règlements et de faire feu de tous « draps » en ces temps difficiles qui voient le front s’immobiliser et les premières tranchées se creuser.
Les marsouins, pourvus de pantalons et képis de couleurs sombres, n’auront pas la nécessité, comme dans la ligne, de les remplacer ou de les rendre moins visibles. Ils devront néanmoins faire eux aussi usage de capotes ou de pantalons de « fortune » afin de pallier les pertes ou les usures des premiers mois de guerre.
La photo ci-dessous, nous donne un aperçu de l’usage assez répandu d’un velours côtelé, de teinte sombre (brun, marron, indigo foncé), ayant servi ici à confectionner le pantalon. Celui-ci possède des liserés de couleur jonquille sur les côtés afin de lui donner un aspect plus réglementaire et militaire. Cette attention était apportée afin de ne pas prendre le risque de voir considérer un potentiel prisonnier comme un franc-tireur, habillé plus ou moins en civil, et passible de ce fait d’une exécution sommaire.
A l’époque de cette photo, le sergent Lapotaire, avait déjà une très belle et longue carrière derrière lui. Depuis, 1897, date de son engagement, il avait parcouru, la Cochinchine, la Chine, Madagascar, l’Afrique et était entré en campagne en 1914 au sein du 2ème RIC. Il avait participé dès août 1914 à l’offensive du Corps d’Armée Colonial, et avait pris la route de Rossignol, où le 22 août, blessé, il avait été fait prisonnier.
A sa libération, il poursuivra sa carrière en Afrique et ajoutera une Légion d’Honneur et une Croix de Guerre aux médailles visibles sur la photo. (Médaille militaire, commémorative de Chine, Coloniale)
Comme évoqué précédemment pour les officiers, à la date théorique du 9 décembre 1914, la « Notice descriptive de nouveaux uniformes » introduit le drap bleu clair, le fameux « bleu horizon ». Les marsouins en seront équipés, comme dans la ligne, très progressivement, ce qui générera pour de longs mois, années même, un panachage certain entre anciens uniformes et effets bleu clair.
Sur cette photo de 1915, de jeunes marsouins à l’air martial, baïonnettes aux fusils, prêts à en découdre.
Les capotes restent du modèle d’avant-guerre, tout comme l’équipement. Dessous, le paletot, distinguable sur le marsouin en haut à gauche, est déjà bleu horizon comme les guêtres, képis et pantalons.
Le képi du 1er type, modèle 1914, de l’infanterie coloniale, porte une ancre en drap découpé de couleur écarlate sur le devant. Il est de confection simplifiée, sans passepoil, et possède des boutons généralement sans empreinte, sauf dans le cas de réemploi de boutons en stock lors d’une confection dans un atelier du corps.
Brodequins et gamelle individuelle en tôle de fer emboutie sont solidement attachés sur le havresac.
Pour la photo suivante, point de fusils, mais des clairons. Cette photo représente un groupe de futurs clairons à l’instruction. Ils ne portent pas encore le galon de fonction sur leurs paletots. Seul l’instructeur de gauche porte le galon de laine distinctif à losanges tricolores au collet et en bas des manches de son paletot. A droite, le sergent-major clairon, arbore quant à lui, un galon en or, en bas des manches et au collet, en plus de ses galons.
La cohabitation entre le paletot bleu foncé et les effets bleu clair durera très longtemps, les photos suivantes en témoignent. Effet de la pénurie déjà évoquée, les boutons des paletots sont simples, probablement métalliques, et ne portent donc pas l’ancre coloniale.
Je reviendrai plus loin sur l’évolution globale de la capote afin d’en suivre plus facilement son évolution.
Mentionné très succinctement dans la notice descriptive du 9 décembre 1914, le paletot de molleton est donc conservé aux Troupes Coloniales. Il conserve la coupe du modèle précédent, à deux rangées de cinq boutons et brides d’épaulettes, mais sera confectionné en bleu clair. Les nouveaux effets bleu horizon ne seront distribués qu’à partir de mars 1915.
Le caporal au centre, entièrement vêtu de bleu clair, porte ses galons réduits de laine bleu foncé sur les avant-bras. Au-dessus, sur le bras gauche, il porte des chevrons renversés. Ceux-ci ont été décrits le 21 avril 1916, le premier chevron matérialise une année de présence au front, les suivants comptant pour 6 mois. Ils sont de la couleur du galon, bleu foncé, mais ici, de teinte très neutre. Notre caporal, en comptant quatre, est un vétéran avec au moins deux ans et demi de présence au front. L’homme de gauche, caporal aussi, croix de guerre et médaille coloniale, porte des chevrons sur le bras droit, témoignage cette fois-ci d’un nombre de blessures. Il semble en porter au moins deux.
Sur la photo suivante, bien que datée de 1917, nous pouvons constater encore le panachage persistant pour ces jeunes soldats en cours d’instruction. A noter l’usage de pantalons de teinte soutenue et de matière indéfinie, velours peut-être. En paletots bleu foncé, à gauche leur instructeur et à droite, un engagé, comme il est précisé dans la correspondance.
Les écussons de collet sont en drap du fond (bleu clair) et portent, comme le règlement du 9 décembre 1914 le précise, le numéro du régiment et des soutaches écarlates. Deux marsouins n’ont pas été équipés du paletot distinctif de l’infanterie coloniale, mais de vareuses toutes armes. Ces cas sont assez fréquents même si le paletot reste très majoritairement porté.
Ci-dessous un autre exemple de vareuse toutes armes. Celle-ci ne semble pas avoir été réalisée en drap mais plutôt en molleton ou dans un tissu plus épais dans tous les cas. Elle respecte la coupe du premier modèle, avec ses cinq boutons, ici avec l’empreinte de grenades au lieu des ancres, et ses poches plaquées à l’extérieur avec ses boutons de fermeture.
Les photos suivantes témoignent des évolutions de la capote. Préalablement peut-être est-il nécessaire de préciser qu’il est toujours hasardeux de dater une photo au regard des effets portés. Une période très variable s’établit toujours entre la date officielle d’une mesure réglementaire et la constatation en situation. C’est vrai en temps de paix, ça l’est encore plus en temps de guerre.
A partir de fin mars 1915, la capote de troupe est simplifiée dans sa coupe afin de palier à la pénurie de drap. Elle sera confectionnée en drap bleu clair, ou pas, ne croisera plus sur le devant et n’aura plus qu’une seule rangée de boutons. C’est le modèle proposé par le célèbre couturier parisien de l’époque, Paul POIRET, qui sera retenu et qui évoluera en quatre modèles distincts avant de laisser place, en août 1915, mais visible plutôt courant 1916 sur le front, à une nouvelle capote croisée, le modèle 1915, à double rangée de six gros boutons d’uniforme et collet rabattu.
La capote simplifiée, dite « Poiret » :1er type :
Celui-ci est précisé le 19 septembre 1914, c’est le modèle initial.
Caractéristiques générales :
• La capote ferme droit par 6 gros boutons
• Deux poches de poitrine fermant par une patte et un bouton.
• Les pattes de collet sont celles de la capote modèle 1873
• Le drap est de teinte variable, du bleu foncé, du gris, du bleu clair, etc. suivant les importations et disponibilités.
Sur la photo ci-dessous, la coupe est bien droite, conforme au modèle Poiret, 1er type. Les pattes de collet sont de l’ancien modèle avec des chiffres « 2 » bien visibles. Le drap est d’un bleu soutenu. L’ancre est au képi et le ceinturon traditionnel à boucle rectangulaire supporte la baïonnette du fusil Lebel.
2ème type :
Le 2 novembre 1914, un écusson rectangulaire, devant être cousu à gauche sur la poitrine, est adopté. Bien que cet écusson ne soit jamais réalisé, la poche de gauche est supprimée des consignes de confection.
Caractéristiques générales :
• La capote ferme toujours droit par 6 gros boutons d’uniforme quand ceux-ci sont disponibles, sinon par divers autres boutons, dont ceux du commerce qui sont autorisés.
• Une seule poche de poitrine à droite, fermant par une patte et un bouton.
• Les pattes de collet sont dans un premier temps, celles de la capote modèle 1873, avant que le GQG ne préconise le 11 novembre 1914, l’usage de patte de collet de couleur jonquille pour l’infanterie. Ces pattes de collet particulièrement voyantes seront vite supprimées et dans la réalité, très peu ou pas utilisées du tout.
Ci-dessous, un groupe de marsouins du 8ème RIC, fraichement équipé de capotes du 2ème type, conformes à la description. Au regard de la photo datée de mai 1915, la confection devait se faire à taille unique. Ces hommes en cours d’instruction à Toulon, semblent « nager » dans leurs capotes de drap bleu clair. A noter l’absence de patte de collet, les « 8 » sont ajoutés « à la main » et peut-être même par le photographe. Les boutons sont sans empreinte.
Ci-dessous, un autre exemple de capote 2ème type. Sur cette photo datée de mars 1915, l’on distingue légèrement la patte de l’unique poche de poitrine à gauche, alors que la suppression d’une poche devait justement porter sur celle-ci et non sur celle de droite. Cette pratique se rencontre parfois, reflet d’erreurs de tailleurs en ces temps de précipitation et de pénurie où les instructions se succèdent en des temps très courts. La capote est confectionnée dans un drap « bleu-gris », elle ferme par 6 gros boutons d’uniforme sans empreinte, et ne porte pas de patte de collet. A noter que le paletot bleu horizon en partie visible, porte logiquement des boutons à l’ancre et effet de la pénurie, au moins un avec la grenade de l’infanterie de ligne.
3ème type :
Le 9 décembre 1914, la capote Poiret retrouve ses deux poches de poitrine. L’insigne de col devait être rectangulaire et de couleur jonquille. Le 20 mars 1915, ces insignes bien trop visibles sont abandonnés pour faire place à des pattes de couleur bleu clair (bleu horizon).
4ème type :
Fort de l’expérience acquise par ces premiers mois de guerre, et un besoin croissant de poches supplémentaires pour les munitions, le 24 mai 1915, une nouvelle description ajoute deux poches de hanche en toile renforcée avec des rabats fermant par un bouton. Ce modèle sera officialisé en août 1915 et sera le dernier touchant à la réalisation de la capote Poiret.
Caractéristiques générales :
• La capote ferme droit par 6 gros boutons d’uniforme dans la mesure des disponibilités.
• Deux poches de poitrine, fermant par des pattes avec boutons.
• Deux poches de hanche en toile renforcée avec rabats et boutons
• Les pattes de collet sont de couleur bleu horizon.
Sur cette photo, représentant des tirailleurs sénégalais, les capotes sont du 4ème type, comme on peut le constater à la vue des poches de hanche qui dépassent des pans relevés de la capote.
(Source internet)
Pour conclure sur ce sujet, quelques autres exemples de capotes Poiret bleu horizon, du 1er type :
Sur l’une de ces photos, le ceinturon de tradition, en cuir noir et à boucle rectangulaire, reste encore visible. Celui-ci disparaitra peu à peu, remplacé par un équipement en cuir fauve, adopté le 9 décembre 1914.
Le caporal au casque Adrian, porte bien sur sa capote les anciennes pattes de collet.
Le bleu horizon commence à se généraliser, la tenue devient homogène, même si des boutons du commerce et des effets bleu foncé sont encore présents.
Le bleu horizon se généralise…Au printemps 1915, le drap bleu clair est donc progressivement distribué aux troupes coloniales et le panachage a tendance à disparaitre petit à petit sur les photos à compter du deuxième semestre 1915 pour ne laisser presque totalement place au drap horizon qu’en 1916. Mais, affirmer ceci n’est pas scrupuleusement vrai, car à l’arrière du front, l’usage d’anciens effets sera toléré et constaté jusqu’à la fin de la guerre.
Cette première photo de la tenue complète en drap bleu clair, est intéressante à plusieurs égards.
Ces marsouins appartiennent au 5ème RIC qui, à ma connaissance, n’ont pendant la Grande Guerre eu aucune troupe en dehors du territoire métropolitain… Or, cette carte écrite « du front », présente des casques coloniaux, sous housse, en haut des havresacs ! L’usage de ces casques, au front, a-t-il été réel en attendant la protection métallique du casque Adrian ? Je ne le pense pas. Le liège du casque colonial était assurément moins efficace contre les éclats d’obus que contre les coups de soleil.
Les capotes sont de type 1 et 2 et présentent des marquages au collet tous différents les uns des autres, quand marquage il y a.
Les étuis-musettes modèle 1892, en forte toile, semblent bien remplis. Les équipements, bretelles de suspension, ceinturons, cartouchières, sont de cuir fauve, teinte remplaçant le noir, depuis le 9 décembre 1914. Cette mesure s’est répandue au printemps 1915, la photo date très probablement de cette période ou de l’été 1915.
Sur les photos suivantes, l’on retrouve les effets caractéristiques de l’Infanterie Coloniale, en commençant par le paletot de molleton (« ou autre tissu de genre approchant »… dixit le texte de décembre 1914), qui reste de même coupe que précédemment, mais en drap bleu clair. Le paletot garde donc sa coupe antérieure avec son collet droit et ses deux rangées de cinq gros boutons d’uniforme. La pénurie persistante des premiers mois ne permet pas toujours de constater l’empreinte à l’ancre sur les boutons, voire tout simplement d’en compter dix. Les brides d'épaulettes sont elles aussi conservées, les poches possèdent ou non des pattes les recouvrant.
Les écussons des collets sont en drap du fond. A noter, la taille réduite des galons, dont ceux du caporal clairon, médaillé de la Croix de Guerre, au premier rang à côté de l’adjudant en paletot de molleton. Il porte au poignet, tout comme le marsouin assis à l’extrême droite, une gourmette avec sa plaque d’identité du modèle 1881, de forme ovale et en aluminium.
Ci-dessous, ce marsouin de 1ère classe arbore fièrement sa Croix de Guerre avec une étoile, qui témoigne d’une citation à l’ordre de la brigade (Bronze), de la division (Argent) ou du corps d’armée (Vermeil). Il est entièrement vêtu de drap bleu horizon. Son bonnet de police, coiffure de repos réglementaire, est lui aussi bleu horizon, avec l’ancre écarlate caractéristique de l’arme.
Il porte un pantalon-culotte, modèle 1914, avec passepoil jonquille ainsi que des bandes molletières.
Au printemps 1915, les ornements des collets évolueront avec l’ajout d’une ancre au numéro du corps et aux soutaches, le tout toujours de couleur écarlate. C’est le cas, ci-dessous, pour cette photo du mois d’août 1918.
Sur la photo suivante, ces marsouins du 6ème RIC portent la nouvelle capote, le casque Adrian, et laissent apparaitre le paletot sous la capote.
Le casque est peint en bleu horizon et est orné sur le devant d'un attribut métallique représentant une grenade posée sur une ancre.
Le 19 août 1915, un nouveau modèle de capote en drap bleu horizon est adopté. Les capotes Poiret seront pour autant très massivement portées jusqu’en 1918. Sa coupe reprend les standards de la capote d’avant-guerre, en y ajoutant les évolutions propres à l’expérience acquise lors des deux premières années du conflit. Cette capote revient donc à une forme croisée, plus protectrice contre le froid que la capote Poiret qui fermait droit. Elle ferme par deux rangées de six boutons d’uniforme et son col plus confortable toujours pour lutter contre l’humidité et le froid des tranchées, est de forme « chevalière ». Cette nouvelle forme entrainera l’évolution des écussons de col, ce qui n’est pas encore le cas sur la photo ci-dessous. Les écussons restent du modèle antérieur, à savoir de forme rectangulaire… Ce qui est étonnant, car le port, par le marsouin de droite, de la fourragère à la couleur du ruban de la médaille militaire, ayant été conféré au régiment en décembre 1919, la photo doit dater du début de 1920, date à laquelle la forme de l’écusson aurait plutôt dû être en losange.
Ci-dessous, l’écusson a bien la forme d’un losange irrégulier. Cette modification a été arrêtée sur le papier en 1917, et dans les faits… bien plus tard comme l’on vient de le constater.
La photo ci-dessous nous permet de visualiser quelques coiffures apparues lors du conflit, à savoir, au printemps 1915, le képi « simple » bleu horizon, le bonnet de police modèle 1891/1915 en drap de même teinte et vers 1916, un béret, parfois porté comme coiffure de repos. Tous ces effets sont avec une ancre découpée de couleur écarlate pour les marsouins.
Le casque Adrian qui commencera à être distribué au printemps 1915 n'est pas représenté ici.
Ci-dessous, un groupe de sergents photographiés en août 1918. Les écussons des collets des paletots sont bien à l’ancre avec le numéro du régiment et complétés par des soutaches, le tout de couleur écarlate, sauf pour le sergent assis à l’extrême droite qui porte ses numéros et ancres dorés. Cette particularité n’était théoriquement acquise depuis 1916 qu’aux adjudants et adjudants-chefs. Aucun de ces hommes ne porte ni de chevrons de présence au front, sur les manches gauches, ni de chevrons de blessures sur les manches droites, et vu la date de la photo et les rappels de décorations, ces chevrons n’ont probablement juste pas encore été cousus.
Les galons de sergent, sont tous réglementairement de taille réduite et dorés.
Ci-dessous, d’autres marsouins en paletot portant sur le bras gauche des insignes de spécialité brodés en bleu foncé sur des écussons de drap bleu horizon :
La pénurie de boutons reste flagrante en cette année 1916 sur le paletot de ce musicien (Lyre) décoré du 34ème RIC.
Le régiment est encore en France, il sera affecté à l’Armée d’Orient en 1917.
Insigne de spécialité pour les canons de 37 mm. A noter, là encore le port de la plaque d’identité en gourmette.
Marsouin mitrailleur du 21ème RIC portant la fourragère aux couleurs du ruban de la Médaille Militaire, que le régiment reçu le 24 novembre 1918. Le liseré de couleur jonquille se détache sur le côté du pantalon-culotte, les boutons sont encore sans empreinte.
Concernant les fourragères, celles-ci ont été créées respectivement à ces dates :
21/02/1916 : Fourragère aux couleurs de la Croix de Guerre.
09/06/1917 : Fourragère aux couleurs de la Médaille Militaire.
20/10/1917 : Fourragère aux couleurs de la Légion d'Honneur.
La photo suivante a été écrite de Rosay, le 19 janvier 1919, la guerre est terminée sur le sol Français.
La toute dernière évolution, pendant la Grande Guerre, concernant la silhouette des soldats de l’Infanterie Coloniale, sera l’abandon progressif de la teinte bleu clair / horizon, par l’adoption du drap de couleur kaki.
Avant d’évoquer les effets kaki, la photo ci-dessous pourrait, à elle seule, évoquer la lenteur d’application, entre le texte et la réalité sur le terrain.
Le 21ème Régiment d’Infanterie Coloniale a participé glorieusement à la première guerre mondiale, en payant un lourd tribut et en y gagnant plusieurs belles citations.
L’obtention de la fourragère aux couleurs du ruban de la médaille militaire reçu le 24 novembre 1918 en témoigne.
Deux sous-officiers portent une fourragère sur la photo, il est probable que ce soit celle-ci.
La capote simplifiée, de type Poiret est portée de façon très majoritaire alors que depuis le 19 août 1915, un nouveau modèle de capote en drap bleu horizon a été adopté, que l’on distingue portée par des vétérans, sergents et caporaux, aux multiples chevrons d’ancienneté. Sur les capotes simplifiées, les écussons sont de la forme d’un losange irrégulier, ancre, soutaches et numéro, particularité arrêtée en 1917 alors qu’un sous-officier en capote croisée bleu horizon porte les anciennes pattes de collet rectangulaires !
Des boucles de ceinturons rectangulaires d’avant-guerre, côtoient de nouveaux modèles à aiguillons ou à plaque.
Au centre, un sous-lieutenant porte la tenue la plus moderne et la plus élégante qui soit. La teinte de celle-ci ne laisse pas de doute, elle est kaki…Le col préfigure déjà la mode des années 20, avec une forme dite « saxe ».
En 1919, date probable de cette photo, les tenues de 1915, restent malgré les évolutions majeures de coupes et de teintes, encore très largement portées… Peut-être sommes-nous en présence d’une compagnie d’instruction, usant les effets restant au magasin régimentaire ?
La fin de la Guerre... 1918... Vers le drap kakiComme vu précédemment, la notice du 9 décembre 1914, attribue le bleu clair aux troupes coloniales. Les nouveaux effets ne seront distribués qu’à partir de mars 1915, mais dès le 31 août 1915, une nouvelle décision attribue le kaki aux régiments d’Infanterie Coloniale. Les délais propres aux distributions et ces décisions aux dates rapprochées ne peuvent engendrer qu’un panachage certain. Dans les faits et témoignages à l’appui, les troupes de l’infanterie coloniale combattant sur le sol national porteront le bleu horizon jusqu’à la fin de la guerre, à quelques exceptions près, dont l’illustre Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc ou le 43ème RIC, qui seront en kaki de façon précoce. Le 25 mai 1918, une nouvelle décision confirmera l’attribution de la teinte kaki à l’ensemble des troupes coloniales.
Ci-dessous, probablement après 1920, les tenues sont uniformes et de couleur kaki.
Le Paletot, que l’on devine sous les capotes, est donc distribué en drap kaki progressivement à partir de la fin de l'année 1918. Sa présence se constate plutôt dans le début des années 1920. Les pattes de collet sont kaki, l’ancre, le numéro du corps et les soutaches restant écarlates.
La capote suit les mêmes remarques que pour le paletot.
Non visible sur cette photo, les différents insignes de grade ou de spécialités, ainsi que les chevrons sont kaki.
Les passepoils des pantalons kaki prennent une teinte bleu clair, pour l’infanterie, dont la coloniale, à compter du 30 octobre 1918 et dans les faits beaucoup plus tardivement.
Les fusils sont des « Berthier, modèle 07/15 ». A noter aussi, aux ceinturons, les boites métalliques pour masques à gaz de type M2 voisinant avec les bidons de deux litres et les pelles-bêches.
En guise de conclusion, quelques dernières photos représentant des sous-officiers portant des vareuses qui pourtant à cette époque étaient encore réservées réglementairement aux officiers.
Avant-guerre seuls les adjudants partageaient les tenues des officiers, mais les tolérances et les libertés prisent envers les règlements lors du conflit, ont amené les autres sous-officiers à suivre la mode et à adopter des tenues plus élégantes.
Ci-dessous, un sergent en vareuse de teinte bleu horizon et qui reprenant la coupe officielle du modèle 1913 pour officier, à la forme du col près.
Ci-dessous, un sergent, photographié en février 1917, porte une vareuse de teinte kaki. Il appartient très probablement à une unité combattante de tirailleurs Sénégalais. A cette époque, au sein de l’Infanterie Coloniale, seules ces unités portaient le drap kaki en France. Concernant la coupe de sa vareuse, elle n’est assurément pas réglementaire, mais élégante.
Cordialement
JLuc.
PS: Merci à Lili pour sa relecture attentive !