La tenue de cour officielle de l’empire du Japon (大礼服, taireifuku )

Bonjour à tous

L’empereur Meiji (1868/1912) nouvellement proclamé a décidé dans le cadre de son processus d’ouverture à l’occident de créer une tenue de cour qui rompt radicalement avec l’ère précédente des Daïmio et des Samouraïs (édit du Dajo Kan du 12 décembre 1872).

Cependant, les premières commandes passées auprès de maisons de confection européennes ne purent être utilisées tant il y avait de disparités entre l’interprétation des motifs, formes et dimensions et leurs réalisations.

En effet, les japonais s’étaient contentés d’envoyer de vagues dessins trop sujets à interprétation et non des parangons standardisés comme c’était déjà le cas en occident à cette époque.

Quelques ajustements eurent lieu par la suite dans un soucis d’alignement avec les puissances européennes. Ainsi lors de la visite de la mission Iwakura en Allemagne le chancelier Otto von Bismarck fit remarquer à la délégation japonaise qu’en Europe le pantalon blanc était réservé pour les grandes occasions et non pour la tenue de visite ou de réception.
Un édit du Dajo-kan du 8 octobre 1877 prend en compte cette remarque et supprime le pantalon blanc pour le remplacer par le noir, puis bien plus tard et pour le même soucis de cohérence avec l’occident une ordonnance de la maison impériale du 27 mai 1911 remplacera les plumes noires du bicorne pour le grade le plus élevé (de chokuninkan) par des plumes blanches.

Enfin, ce n’est vraiment que le 4 décembre 1886 (Meiji 19), que le cabinet impérial nouvellement crée (1885) défini dans un règlement du ministère de la maison impériale des schémas et dessins clairs non sujet à interprétation auprès des différentes maisons de confection.

La tenue de cour officielle du Japon (大礼服, taireifuku ) est donc crée et sera utilisée jusqu’à la fin de la seconde guerre mondiale, et puis officiellement abolie en 1946 (Showa 21)

Le système de promotion de grade et de port est très complexe car, si il fait référence au mérite et à la compétence il compose toujours avec la naissance et l’aristocratie.

On peut le synthétiser en trois grandes classes :

1ère classe :

Les chokuninkan  勅任官  勅 (ordre impérial) 任(devoir responsabilité, dévouement..) 官, (fonctionnaire, gouvernement, administration) la traduction la plus fidèle pour cette classe principale des hauts fonctionnaires de l’empire pourrait se résumer ainsi :
« nommé impérial » nommé par l’empereur et en conséquence : qui a la confiance de l’empereur.. et ce n’est pas peu dire au pays du soleil levant !!

C’est la classe la plus élevée (ministres, ambassadeurs, plénipotentiaires…) la particularité de cette classe réside dans le fait que ces membres sont :

Nommés par l’empereur

Payés par l’empereur sur ce que l’on appellerai aujourd’hui la liste civile ou la cassette impériale

Ce sont des dignitaires « paulownia 5-7 » -> Cf annexe en fin d’article*


2ème classe :

les sōninkan  奏任官 , ils sont :

Nommés par les membres du cabinet impérial

Payés sur le budget du cabinet impérial

Ce sont des dignitaires « paulownia 3-5 » -> Cf annexe en fin d’article*



3ème classe :

hanninkan  判任官 , ils sont :

Nommés par le chef du cabinet impérial (équivalent 1er ministre) seul ou avec son aval par le ministre du personnel civil ou par le ministre du personnel militaire.

C’est la classe inférieure des fonctionnaires civils : traducteurs, conseillers et attachés d’ambassade, consul de 1er poste…

Ce sont des dignitaires « paulownia 3-5 » -> Cf annexe en fin d’article*

A noter aussi que pour compliquer un peu cet organigramme chaque rang de fonctionnaire est sous divisé en 8 échelons avec salaires, fonctions et prérogatives définis, verrouillés et immuables.


Annexe :

Ouvrons maintenant une parenthèse pour parler de la fleur de paulownia (ou kiri) qui orne les boutons de nos fonctionnaires civils et les parements de manche :

Tout comme la fleur de chrysanthème est réservée à l’empereur, la fleur de Paulownia est réservée aux dignitaires de l’empire mais il convient de distinguer cependant une hiérarchie parmi ceux-ci.

Les « chokuninkan » sont appelés par déférence à leur grade (五七桐, Go-shichi Giri) littéralement « paulownia de 5-7 » car la fleur de paulownia sur leurs boutons et broderies se compose alternativement de 5,7 et 5 fleurs.

Les « sōninkan » et « hanninkan »   sont appelés paulownia 3-5 (五三桐, Go-san Giri) car la fleur de paulownia sur leurs boutons et broderies se compose alternativement de 3,5 et 3 fleurs.

Cet état de fait perdure encore de nos jours, ainsi l’emblème officiel du premier ministre est la fleur de paulownia 5-7 alors que la fleur de paulownia 3-5 est l’emblème des ministères qui lui sont subordonnés, par exemple la justice ou dans un tout autre domaine, la garde impériale.



source : wikipédia.org

Ci-dessous, boutons, broderies et motif du plateau d’épée comparés de chokuninkan (5/7 fleurs). et de sōninkan et hanninkan (3/5 fleurs).













Croquis d'une tenue de Shokuninkan et de soninkan





Ci-dessous, photographie d’un sōninkan :

奏任官  Itani Osamu.

Notre homme semble déjà bien âgé, bien fatigué et de surcroit peu décoré. Il y a donc peu de chance qu’il franchisse la barrière sōninkan/ chokuninkan…

Il n’est probablement pas de noble extraction et ne doit sans doute son poste qu’à son seul mérite…ceci expliquant cela !



Au dos de la photo :




天長節撮影  Anniversaire de l’empereur  3 nov. 1899 (Meiji 32)  

従六位 Junior (diplomate) de 6ème rang de cour

勲六等 Itani Osamu  勲六等 ordre du mérite de 6è classe.

A noter :

Les japonais indiquent « ordre du mérite » aussi bien pour le soleil levant que pour le trésor sacré, dans ce cas on a une photo et on constate qu’il s’agit du trésor sacré.
Lorsque l’inscription est dans un texte ou sur un boite de rangement de médaille, il est impossible sans autre indice de savoir de quel ordre il s’agit. !!

Showa tenno

Bonsoir,

Merci pour ce sujet fouillé.

Showa tenno a écrit:

Le système de promotion de grade et de port est très complexe car, si il fait référence au mérite et à la compétence il compose toujours avec la naissance et l’aristocratie.

Ce n'est nullement différent dans l'administration française actuelle (je le sais, j'en suis), tout dépend quel critère de naissance est pris en compte.

Merci pour ce sujet clair et bien documenté ! J'ai encore appris plein de choses !

Aldebaran

Bonjour,

Merci beaucoup pour ce sujet passionnant ! J'envisageais depuis un bon moment de rédiger un article sur ces uniformes de fonctionnaires civils, la documentation étant assez rare. L'uniforme de Chokuninkan est sans doute le plus bel uniforme japonais qui existe Même si ces effets ont, pour la plupart, été portés en présence de l'Empereur, ils sont délaissés par beaucoup de collectionneurs, sans doute par manque de connaissances.

Les bicornes sont assez similaires, mis a part que les Chokuninkan ont une plume blanche alors que celle des rangs inférieurs est noire. Comme sur l'uniforme, la broderie est aussi de plus en plus chargée à mesure qu'on monte dans la hiérarchie.

Cordialement

Bonjour,

Magnifique bicorne que je ne connaissais pas.
Merci pour ce sujet peu connu et intéressant.

Bonjour
Bravo pour ce post sur les tenues civiles brodées que - comme tu le sais- j affectionnent particulièrement et dont on parle si peu souvent.
Cordialement

Bonjour Jérôme,

Enfin !!!! une tenue qui n'est pas dans ta collection !!!

Bien cordialement,
Patrick

Très beau sujet. Mes compliments

Bonjour

Merci de ce post très instructif pour le profane que je suis et qui ne connais du Japon que 3 de ses arts martiaux. C'est un plaisir à lire.

Bravo l'ami,
Sujet nouveau pour moi aussi, mais tu l'as traité magistralement.

Bonsoir "Gwalchaved"
et bonsoir Daniel,

Merci pour vos commentaires bien sympathiques !!

bien cordialement,

Showa tenno

Bonsoir
Très beau et intéressant sujet!!
Merci

Bonjour,

Intéressant et peu commun, une preuve de plus du raffinement japonais...

Cordialement