Objets de Grenadiers à pied de la Garde des Consuls, de Maringo à...

Bonsoir,

J’apprécie beaucoup le sujet par Nansouty « Objets de Grenadiers à cheval de la Garde des Consuls, de Maringo à Austerlitz » (  https://www.passionmilitaria.com/t237050-objets-de-grenadiers-a-cheval-de-la-garde-des-consuls-de-maringo-a-austerlitz ) qui présente des pièces assez exceptionnelles !

Plus modestement, je voulais lui ouvrir son pendant pour l’Infanterie : « Objets de Grenadiers à pied de la Garde des Consuls, de Maringo à... » Wagram ?





Alors il n’y aura pas dans ce sujet de beau portefeuille, mais il permettra de réunir quelques pièces de ces emblématiques Grenadiers à pied :



On notera :

- Les deux modèles de sabre-briquet utilisés par la Garde des Consuls. A droite le modèle probablement hérité de la Garde du Directoire. A gauche le nouveau modèle, distribué probablement à partir de la fin de l’année 1802. Celui est de 1803. Il porte un marquage de croisière selon le règlement de floréal An VIII (lettre de compagnie plus numéro d’arme). J’ai longtemps cru que ce marquage était celui des Chasseurs, mais je pense de plus en plus que c’est un marquage précoce des Grenadiers (on ne retrouve pas de sabres précoces avec le marquage plus connu en « Gr »).



- Un bouton gros module de la Garde des Consuls.




- Une plaque de bonnet d’oursin d’officier des Grenadiers de la Garde des Consuls.




- Un bon à tirer du Préfet du Cher pour imprimer une série de lettres à envoyer aux maires afin qu'il fassent remonter des listes d'anciens soldats volontaires, remplissant les conditions d'âge (moins de 30 ans) de taille (1,80m pour les Grenadiers & 1,70m pour les Chasseurs), expérimentés et de bonne moralité, candidats à entrer dans l'infanterie de la Garde des Consuls.  Document daté du 12 floréal An XI / 2 mai 1803, alors qu'on sent que l'Angleterre est sur le point de rompre la Paix d'Amiens.




- Un Brevet de lieutenant en 1er des Grenadiers à pied de la Garde des Consuls attribué à Pierre Descombes.



Profitons-en pour retracer le parcours de cet homme :

Bordelais de naissance, Pierre Descombes intègre à 23 ans, le 12 décembre 1791 le 3e Bataillon de la Gironde. Cette unité entre ensuite dans la formation de la 68e demi-brigade avec laquelle il fait campagne jusqu’en l’An V aux Armée des Alpes puis du Rhin. Il est promu caporal le 6 décembre 1792, fourrier le 1er Ventôse An III (19 février 1795), sergent-major le 1er Messidor (19 juin 1795) et enfin adjudant sous-officier le 4 Brumaire An V (25 octobre 1796).
Il passe alors selon aux « Grenadiers près la représentation nationale » le 25 Nivôse (14 janvier 1797) si l’on reprend le terme un peu archaïque de son brevet de Lieutenant rédigé postérieurement. Vu l’année, l’unité où il entre n’est autre que la Garde du corps législatif, sous le Directoire. Cette garde d’Etat assure la protection des assemblées. Etant visiblement entré avec un grade inférieur, il recouvre rapidement un grade de sergent le 27 Pluviôse (15 février 1797) puis de sergent-major le 29 Vendémiaire An VI (20 octobre 1797). C’est ce grade qu’il porte le 19 Brumaire An VIII (10 novembre 1799), jour où son unité se retourne contre les députés pour soutenir le coup d’Etat du Général Bonaparte !


Le général Bonaparte au Conseil des Cinq-Cents, à Saint-Cloud. 10 novembre 1799 (François Bouchot, 1840, château de Versailles)

Les Grenadiers de la Garde du Corps législatif sont alors mêlés à ceux du Directoire exécutifs et à une partie des Guides de Bonaparte pour former la nouvelle Garde gouvernementale : la Garde des Consuls ! Pierre Descombes n’est pas concerné par l’écrémage (politique et opérationnel) de cette unité et profite peut-être même des postes ainsi libérés puisqu’il est promu Adjudant sous-lieutenant des Grenadiers à pied de la Garde le 19 Frimaire (10 décembre 1799) puis Sous-lieutenant le 13 Nivôse (3 janvier 1800). C’est avec ce grade qu’il fait la Seconde campagne d’Italie, passe le Col du Grand Saint-Bernard avec le Premier Consul et combat à la bataille de Marengo.


Charles-Jacques Lebel, Le Premier Consul visite l'hospice du mont Saint-Bernard, 20 mai 1800.


A Marengo, ses Grenadiers de la Garde tenus en réserve sont envoyés au moment critique de la bataille, à contre-courant de l’aile droite en retraite, pour calmer les ardeurs autrichienne et éviter la déroute. La mission est accomplie avec succès, chargés à plusieurs reprises par les Dragons, mitraillés à courte distance, les Grenadiers de la Garde ne plient pas et couvrent la retraite jusqu’à l’arrivée de la division Desaix qui retourne le sort de la bataille et leur permet de repasser à l’offensive.
La relation officielle rédigée par Berthier rapporte: "Les Grenadiers de la Garde furent placés comme une redoute de granit au milieu de cette immense plaine: rien ne put l'entamer; cavalerie, infanterie, artillerie, tout fut dirigé contre ce bataillon, mais en vain. Ce fut alors que vraiment l'on vit ce que peut une poignée de gens de cœur."
Cette action mémorable se fait toutefois au prix d’assez lourdes pertes et Pierre Descombes est blessé par balle à la jambe droite.




Il est promu Lieutenant, en second le 1er Vendémiaire An XI (23 septembre 1802), puis en premier le 5 Ventôse An XII (25 février 1804). C’est à cette occasion qu’est rédigé le Brevet de Lieutenant que j’ai. Brevet resté non daté et non signé. Il s’agit peut-être d’une copie officielle, ou alors l’exemplaire a été abandonné et refait pour X raison. Il est sur vélin, et parfaitement préservé. A note l’en-tête à l’allégorie de la République qui, depuis l’An XI, a troqué le gouvernail pour le glaive et le bonnet phrygien pour le casque !
Le dossier de membre de la Légion d’honneur de Pierre Descombes et les almanachs impériaux permettent de dresser quelques jalons sur la suite de son parcours.
Fait chevalier de la Légion d’honneur le 26 Prairial An XII (15 juin 1804), il a probablement reçu son insigne lors de la toute première remise (15 juillet), aux Invalides, comme Coignet.



Avec les Grenadiers à pied de la Garde, devenue Garde impériale, il est à l’Armée des côtes de l’Océan, c'est-à-dire au camp de Boulogne pour préparer la descente en Angleterre, en l’An XII et XIII. Il fait la campagne de l’An XIV dans la Grande Armée, c'est-à-dire la campagne d’Allemagne contre la 3e Coalition qui se conclue par la reddition d’Ulm, la prise de Vienne et la bataille d’Austerlitz !
Sur l’Almanach impérial de 1805 il apparait comme Lieutenant en 1er de la 8e compagnie du 1er bataillon des Grenadiers à pied.


La reddition d'Ulm par Charles Thévenin.



Sur celui de 1806, il est passé Adjudant-lieutenant de 1ère classe à l’Etat-major de la Brigade des Grenadiers, qui regroupe les 2 régiments de Grenadiers à pied, ainsi que les Vélites.



C’est à ce poste qu’il fait la campagne de 1806 marquée par la prise de Berlin et la bataille d’Iéna.



Dans l’Almanach de 1807 il apparait toujours comme Adjudant-major. Il enchaine avec la campagne de Pologne durant laquelle a lieu la sanglante bataille d’Eylau où l’infanterie de la Garde doit donner pour arrêter une colonne de Grenadiers russes enfonçant le centre français et menaçant la position de l’Empereur !



Huit jours après la bataille il est promu Capitaine adjudant major et c’est avec ce grade qu’il doit être à Friedland puis qu’il fait la campagne d’Espagne en 1808 qui voit la prise de Madrid et la retraite précipitée des Britanniques...


Capitulation de Madrid, le 4 décembre 1808, par Jean Antoine Gros (1810).

En 1809 il fait un bref passage au 1er Régiment de Tirailleurs-Grenadiers de la Jeune Garde, de février à avril, avant de rejoindre sa vieille unité, les Grenadiers à pied de la Vieille Garde, avec qui il fait la campagne d’Autriche marquée par la prise de Vienne, l’échec d’Essling et la victoire de Wagram.


La Bataille d’Essling, par Fernand Cormon

En 1811 il est à l’Etat-major du 1er Régiment de Grenadiers à pied quand le 29 mars, à 42 ans, il est détaché au « Bataillon de Fusiliers-Sergents et Tirailleurs-Caporaux de la Garde ». Il y a réalité trois bataillons : un de Fusiliers-Sergents formée avec des hommes issus des Fusiliers-Grenadiers et Fusiliers-Chasseurs de la Garde, et deux de Tirailleurs-Caporaux formés d’hommes venant des Tirailleurs et Voltigeurs de la Jeune Garde. Installés à Fontainebleau, ces bataillons sont une école de cadres permettant de fournir la Vieille Garde et la Ligne en sergents et caporaux. Pour les former ils sont laissés entre les mains d’officiers et de sous-officiers de la Vieille Garde, seuls les Sous-lieutenants des jeunes sortant de Saint-Cyr. Ils sont 15 capitaines de la Vieille Garde à se retrouver là-bas, mais seulement 3 capitaines adjudants major.


Officier de Grenadier à pied de la Garde impériale, planche d'époque, par Martinet.

Cette école, qui par certains aspect peut être vue comme l’ancêtre de notre école de sous-officier de Saint-Maixent, fonctionna jusqu’en 1814.
Pas lettre patente du 30 septembre 1811 il est fait Chevalier d’Empire. Comme tout membre de la noblesse d’Empire il a donc à présent des armoiries : Parti : au premier, d'azur au lévrier passant d'or surmonté d'une tour crénelée de trois pièces d'argent, ouverte, ajourée et maçonnée de sable ; au deuxième, d'or, au casque taré de profil et grillé de sable, panaché de gueules soutenu d'une épée en pal de sable ; à la champagne du tiers de l'écu de gueules au signe des chevaliers légionnaires. Livrées : les couleurs de l'écu.



Je n’ai toutefois pas trouvé d’éléments sur la carrière de Pierre Descombes après 1811. Je ne le trouve pas dans les Almanachs impériaux de 1812 et 1813.
Nous savons cependant qu’il survit aux guerres de l’Empire. Il meurt le 20 mai 1830, à 62 ans, dans sa ville natale. Ses biens reviennent alors sa jeune nièce Catherine-Honorine, encore mineure, à qui il a tout légué par testament.


Sources :
Brevet de Lieutenant en 1er.
Almanachs impériaux.
Dossier sur la Base Léonore : https://www.leonore.archives-nationales.culture.gouv.fr/ui/notice/113441#show

Amicalement.

Waoouh
Félicitations pour cette page historique illustrée et agrémentée de beaux témoins

Bonsoir,
Formidable exposé ! Un grand merci pour ce partage plus qu'intéressant.
Quel plaisir de voir du contenu de cette période

Nicolas

Bonsoir,

Merci à vous !

Nous sommes effectivement peu de passionné de cette période sur le forum et les publications ne sont pas légion...

Je complète le dossier de Pierre Descombes, notre officier de la Garde, avec cet extrait du registre matricules de la 65e demi-brigade où il fit ses débuts entre 1792 et l'An IV, avant de passer à la 68e:



Comme souvent à l'époque, on note quelques erreurs, comme l'année de naissance.
Par contre on note qu'il fait 5 pieds 5 pouces, soit 1,65 mètre, ce qui est petit pour un Grenadier. Son parcours a donc justifié sa présence dans les Grenadiers de la Garde pour lesquels il ne remplissait de fait pas tous les critères.

On me rappelle aussi judicieusement qu'il a une notice dans les Fastes de la Légion d'honneur:


Source: https://www.google.fr/books/edition/Fastes_de_la_L%C3%A9gion_d_honneur/PEMUAAAAYAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=%22descombes+pierre%22+bordeaux+1768&pg=PA195&printsec=frontcover

Ce document nous permet d'en savoir un peu plus sur sa fin de carrière !
Il a donc fait une grave chute de cheval lors de la bataille d'Eylau en 1807, sa tête heurtant violemment le sol gelé.
Un blessure qui ne l'empêcha pas dans un premier temps de poursuivre sa carrière, d'être promu et de continuer à faire campagne.
Mais une blessure dont les souffrances persistantes justifièrent une mise en retraite en 1811.
Finalement cela lui aura épargné la funeste retraite de Russie l'année suivante...


Napoléon à Eylau, derrière ses Grenadiers à pied, ordonnant à Murat de lancer la fameuse charge des 80 escadrons: "Nous laisseras-tu dévorer par ces gens-là ?"

Enfin, comme Chevalier de la Noblesse d'Empire, il avait droit à une rente sur le Mont-de-Milan:


Source: https://www.google.fr/books/edition/%C3%89tat_des_donataires_totalement_d%C3%A9poss/28tBAAAAcAAJ?hl=fr&gbpv=1&dq=%22descombes+pierre%22+major&pg=PA128&printsec=frontcover

A l'origine certainement d'une partie de l'héritage que toucha sa jeune nièce.

Amicalement.

Bonsoir,

Un post vraiment passionnant, bravo pour le travail et le partage.

Magnifique exposé. Une recherche poussée et formidable. Merci pour tout.
Je rentre chez moi courant octobre et vous présenterai une des pièces majeurs de ma collection en rapport avec la garde impériale et royale.
Amitiés à tous
Zyplokkk

Bonsoir,

Merci à vous !
C'est un plaisir de réunir, préserver et partager ces reliques des Vieux de la Vieille !

Amicalement.

Très très beau post ! le brevet de lieutenant en premier est superbe. Le parcours est impressionnant : Marengo, Eylau, Wagram, il fait parti de ces hommes dont les blessures ont empêché une participation à la campagne de russie ... lui sauvant probablement la vie

Bonsoir,

Merci, il n'est hélas pas complété et signé comme ton brevet de porte-drapeau des Grenadiers à cheval, mais il est vrai que c'est un beau parcours à travers l'Histoire de la Garde, ou plutôt des Gardes !
Il est possible que Descombes se soit fait tirer le portrait à l'époque, peut-être une miniature. Et qui sait, peut-être refera-t-elle surface un jour ?

Amicalement.

Les portraits miniatures sont rarement identifiés ou identifiables malheureusement. Ce forum m'a quand même permis de le faire pour le capitaine baron Calkoen des lanciers rouges de la garde impériale

Bonsoir,

Oui, je me souviens de cette belle identification !
Les miniatures d'officiers de la Garde ne sont pas si courantes, ou du moins elles passent moins à la vente.
Mais il n'est pas dit que Pierre Descombes en ait fait. Souvent ce devait être pour l'épouse, les enfants, voire les parents. Je ne lui connais ni épouse, ni enfant. Je n'ai pas cherché quand disparaissaient ses parents. Mais au final il est possible aussi que beaucoup de ces hommes pour qui l'Armée et la Garde furent une famille avec laquelle ils passèrent l'essentiel de leur temps n'eurent pas forcément quelqu'un ayant besoin de leur portrait.

Amicalement.