Les rations et l'alimentation de nos soldats en Indochine

Bonjour ,

J'aimerais savoir , dans le but de coller un maximum à la réalité lors de reconstitutions publiques , comment étaient alimentés nos soldats en Indochine (toute unité confondue , TTA TAP etc ...)

Merci d'avance pour vos réponses

Bonjour à tous,

Je vais tenter de répondre le plus exactement possible à votre demande ayant eu le privilège de déguster les diverses rations fournies par l'intendance au TONKIN de 1947 à fin 1949 et de 1953 à juillet 1955.

Il y avait trois sortes de repas, ceux servis dans les popotes et les mess implantés dans les garnisons importantes telles qu'HANOÏ, HAÏPHONG, TOURANE etc, ceux distribués en opérations puis la nourriture servie en postes.

Dans les garnisons importantes, l'ordinaire fonctionnait difficillement surtout au début dans les années 1947/1948, nous avions uniquement du riz, des conserves de zébu en provenance de MADAGASCAR, des liserons d'eau et rarement des patates douces.

Le tout bien entendu cuit à l'eau.

Par contre, le vin en provenance d'ALGERIE abondait mais il fallait vraiment avoir envie de le boire!

En 1950 ou 1951, un intendant eut l'dée de créer le" VINOGEL" soit du vin en poudre mis dans un sachet à diluer dans un litre d'eau.

C'était du véritable poison, certains mélangeaient cette poudre mystérieuse avec 1/4 de litre d'eau ce qui avait pour effet non seulement de les enivrer mais de les rendre malades au possible.

Dans chaque quartier où il y avait des "cuisines", une bassine d'une contenance de 30 à 40 litres était remplie de ce que nous appelions du thé mais qui était en fait une herbe infusée pour nous permettre de nous désaltérer avec ce breuvage légèrement chauffé afin de mieux désaltérer.

Les mess et les popotes avaient un gérant qui effectuait son marché où l'on trouvait pratiquement les mêmes produits qu'en FRANCE avec en prime les fruits exotiques dont nous avions été privés durant la guerre.
Pour accéder à cette nourriture, il fallait être affecté dans une garnison importante et surtout être sous officier ou officier pour payer les repas.

En 1947 et début 1948, nous percevions des rations anglaises dénommées "PACIFIC".

Ces rations se présentaient sous la forme d'une caisse en bois contenant des conserves telles que de la viande, du paté, du rolley oat (orthographe douteuse), flocons d'avoine, sucre, thé, une boîte de biscuits remplaçant le pain et une boîte ronde de 50 cigarettes de marque PLAYERS et d'autres ingrédients.

Cette boîte de rations était conçue pour 6 hommes si ma mémoire est exacte.

Bien que nos goûts soient différents de celui des anglais, les ingrédients étaient mangeables et même très satisfaisants lorsque nous avions le temps de faire chauffer la nourriture.

Il y avait 7 caisses différentes numérotées P1 pour le lundi, P2 pour le mardi et P7 pour le dimanche.

Le contenu était très peu différent d'un jour à l'autre sauf pour la P7, celle du dimanche qui contenait du poulet et une énorme pêche au sirop d'origine australienne.

Le "hic" est que nous ne percevions jamais de P7, elle était remplacée par une boîte d'un jour de la semaine car cette ration du dimanche quittait rarement l'intendance qui les gardait pour leurs personnels et les boîtes de pêches et de poulets étaient dirigées vers des mess d'officiers.

Ensuite, mais seulement pendant 2 ou 3 mois nous avons perçu des rations de combat US dénommées "JUNGLE".
Elles se présentaient sous l'aspect de 3 boîtes métalliques de 20X20 cm et de 5 cm environ en hauteur.
Ces trois boîtes représentaient le contenu du petit déjeuner, du déjeuner et du dîner.

Ces rations devaient être à l'origine prévues pour la survie dans la jungle car nous n'avions strictement rien à manger de consistant.

La nourriture se présentait sous forme de bonbons, biscuits divers survitaminés paraît il mais notre estomac criait vraiment famine et nous connaîssions la faim e"n permanence.

Nous nous précipitions dans les villages à la recherche de riz, éventuellement de poulets, d'oeufs... enfin tout ce qui se mangeait!

Nous lancions des grenades OF dans les rivières pour récupérer des poissons, généralement des silures que nous faisions bouillir.

Fin 1948 ou début 1949, nous avons perçu les premières rations françaises qui se sont améliorées au fil du temps car des conserves étaient pourries ( involontairement ou non), les cigarettes "TROUPE" moisies par exemple.

En poste, le ravitaillement arrivait par convoi. La nourriture était frugale pour le moins, du riz à profusion et des boîtes de zébu.

Pas de pain, mais de la farine que nous mélangions avec de l'eau pour obtenir une pâte que nous déposions dans un four que nous avions fabriqué pour la cuisson ; le résultat était désastreux mais c'était mieux que rien.

Nous avions trouvé le moyen d'améliorer notre ordinaire en saisissant tout ce qui était mangeable dans les villages où nous avions eu à combattre les viets.
Les prisonniers portaient avec leurs balanciers des cochons, des bufflons qu'il fallait tuer une fois arrivés au poste, ce qui provoquait des scènes de fous rires inimaginables car il n'y avait aucun boucher parmi nous.

Nous dédommagions le chef du village avec des piastres HO CHI MINH que nous avions saisies sur les prisonniers, cette façon d'agir était formellement interdite.

Nous avions un autre moyen d'obtenir un peu plus de nourriture d'une façon tout aussi proscrite!

Nous saisissions certes des piastres HO CHI MINH mais quelquefois des véritables piastres gardées précieusement par notre chef de poste, le lieutenant Alain RIFFET.

A THUONG DINH, mon dernier poste, sur la RC 1, j'effectuais les liaisons radios avec la portion centrale qui se trouvait à BACH MAÏ.
Je demandais par radio des munitions, des effets etc à livrer par le prochain convoi.

Mon correspondant était un camarade avec lequel nous établissions une liaison en dehors des horaires prévus et de nuit.

Je lui passais commande de divers ingrédients, nourriture etc

Lorsque le convoi de ravitaillement arrivait, nous déchargions ce supplément et le lieutenant RIFFET allait régler le montant des frais au chef de convoi qui remboursait mon camarade. Ni vu, ni connu.

Chaque poste se débrouiillait comme il le pouvait, ce n'était pas évident du tout.

A votre disposition pour plus de précisions si possible.

Bien amicalement.

Gantheret

Bonjour ,

Merci beaucoup pour cette réponse plus que complète !

Avez vous perçus des "rations CEFEO" ? :

http://17thdivision.tripod.com/thepeacethatwasnt/id9.html

Bonjour,

Si mes souvenirs sont bons, la mention CEFEO figurait sur les premières rations françaises?

L'appellation exacte des rations anglaises en provenance certainement des INDES était:
"PACIFIC COMPOS"

Outre les cigarettes "PLAYERS" il y avait également des "CRAVEN"

Cordialement;

Gantheret

Bonjour ,

Merci beaucoup pour votre réponse !

Si toutefois vous vous rappelez d'une quelconque information supplémentaire n'hésitez pas !

merci du temoignage Gantheret

Bonsoir,

Deux souvenirs me sont revenus !

Nous percevions de temps en temps des boîtes de 5 kg de sardines du MAROC, de choucroute et d'autres conserves.

Je me souviens qu'en 1947 ou 1948, nous avions perçu une boîte de 5 kg de "tripes à la mode de Caen".
Je l'ouvre et avec une fourchette, je tente de prendre une part de ce met que nous avions mis à chauffer directement sur un feu et je sors.... un pis entier de vache!!

Depuis, il ne faut plus me servir cette spécialité normande.

Nous percevions également des boîtes de 25 cl de lait concentré d'une marque très connue "GLORIA" la plupart du temps inutilisable car le métal des boîtes était totalement rouillé.
Ceci était dû à la mauvaise qualité du métal utilisé, je n'irai pas jusqu'à dire que la CGT et ses amis avaient une part de responsabilité, quoique......

Cordialement.

Gantheret

Bonjour ,

Merci beaucoup pour ces informations supplémentaires !

Je vous ai envoyé un MP concernant quelques photos d'époque

Salut,
merci Gantheret pour cet expose.
Mais concernant le Vinogel,il ne était pas gélifiée? Après quelques ancien légionnaires,il a eu les gars
qui mangent le Vinogel sur le pain comme la marmelade.
Le vin en poudre je connais a Mururoa dans les années 80.Buvable avec beaucoup de volonté et
surtout mélangé au sirop de grenadine.

bmc

Bonjour,

Je m'excuse du retard apporté à la réponse mais le dépanneur sort à l'instant de chez moi!

Non, cher ami le "VINOGEL" n'était pas gélifié tout au moins à mon époque en 1947/1949.

Il se présentait sous la forme de poudre rosâtre dans un sachet dosé pour un litre de.... vin .

En 1980, l'intendance avait peut être amélioré la qualité grace aux progrès de la chimie!

Rien d'étonnant à ce que des légionnaires confectionnent des tartines avec cet ingrédient, certains buvaient bien de l'essence sans compter l'eau de Cologne et autres alcools décapants!

Bien amicalement.

Gantheret

Bonjour ,

Merci pour cette précision !

Avez vous reçu mon MP ?

Non !