Une arme ancienne....

Bonjour à tous !


Le charme de ce forum, et en particulier de la présente partie, est que, si la majeure partie des objets et collections présentés sur les autres parties remontent en leur écrasante majorité aux XIXème et XXème siècles, l'on voit ici des pièces dont l'ancienneté laisse toujours rêveur l'amateur d'histoire, que ce soient les extraordinaires pièces d'équipement Renaissance et époque classique présentées régulièrement, les antiquités islamiques de Domayeux, ou encore des pièces de l'âge de bronze, présentées par mc et par d'autres membres.

J'ai encore gravés dans la rétine un casque épiriote et une hache de l'âge de bronze présentés ces derniers temps........  


Je m'en vais vous conter en cette nouvelle année une histoire étonnante....


Comme le savent déjà les membres Bretons de l'aimable assistance, la Bretagne est le centre du monde, justement réputée qu'elle est pour son climat toujours égal, son homard bleu, et l'insolente beauté de ses jeunes filles:


Ce que vous savez moins, c'est qu'il y a sept mille ans, elle était déjà le centre du monde, justement réputée pour un tout autre produit: ses haches d'apparat en méta-hornblendite; les plus belles de celles-ci, polies dans une roche métamorphique à grain très fin, donnant après polissage une teinte d'un vert-noir très profond, étaient l'objet d'une industrie de luxe, dont l'on a retrouvé de très beaux exemplaires dans le nord-ouest de l'Europe, sur un arc s'étendant en gros de la Bretagne à la Frise actuelles; ces armes de luxe, sans doutes tout autant rituelles que de combat, étaient destinées à de grands chefs.

La hache Bretonne en méta-hornblendite, c'est l'équivalent néolithique du sabre de luxe  Consulat ou Empire pour maréchal ou officier d'état-major, qu'on se le dise !

Ceci posé, voici le début de l'histoire: en 5.007 av. J.C. environ, un fourbisseur, appelons le Jean-Yves, est occupé à l'usinage d'un beau morceau de pierre, dont il a réussi la taille d'une tranche, qu'il est à présent occupé à mettre en forme grossière, en attendant son polissage de plus en plus fin, et son montage, en vue de son exportation destinée à gonfler l’excédent commercial de l'Armorique.

C'est alors que l’on entend soudainement sonner une corne de bélier; les ennemis attaquent par la mer, voulant à n’en pas douter pratiquer une razzia ! N'écoutant que son courage atavique, Jean-Yves pose sa pierre sur le sol, et dévale vers la côte, en compagnie de ses amis, pour repousser vaillamment l'envahisseur.

En fait, il s'agit d'une fausse alerte, causée par le guetteur qui a un peu trop forcé sur le gwin-ru, un breuvage néolithique dont personne ne sait de nos jours à quoi il correspond...  Jean-Yves et ses amis boivent un coup de gwin-ru avec le guetteur, puis un autre, puis un troisième........

Il est temps de se remettre au travail, mais, avant que de remonter, Jean-Yves croise la Marie-Jeanne, une néolithique accorte, qui l’entraine au fond d'une grotte marine, sur le bord de la plage; Jean-Yves, en néolithique galant, défère aux avances de la Marie-Jeanne, puis tous deux fêtent leur rencontre avec quantité de gwin-ru.

La marée monte, Jean-Yves et la Marie-Jeanne se noient sans même s'être réveillés...


Fin de la première partie de l’histoire...




                 









Le morceau de pierre est resté posé au sol, et est lentement recouvert par la poussière des années, celle des décennies, la poussière des siècles et celle des millénaires...      












Deuxième partie.




Environ sept millénaires plus tard, une pelle mécanique ronronne le doux chant du diesel de chantier; elle creuse une excavation, pour construire un pavillon....

L'heureux futur propriétaire, qui surveille les travaux avec impatience, aperçoit dans les déblais un caillou à la forme bizarre... Il le met de côté, et le donne à un ami, amateur de curiosités naturelles et d'histoire, qui le gratte un peu, et distingue qu'il s'agit d'une méta-hornblendite.



Les années passes, et l'ami fait cadeau de la pierre à un autre de ses amis.


Cette pierre, la voici:







Notre dernier personnage est un doux rêveur, souvent illuminé d’idées aussi surprenantes qu'incongrues; il décide de finir le travail commencé par Jean-Yves, soixante-dix siècles plus tôt, et laissé inachevé pour cause de décès inopiné de ce fourbisseur galant et amateur de gwin-ru....


Le souci est que, s'il n'est jamais en retard d'une idée à la gomme, il a par contre, deux mains gauches, obstacle évident à la réalisation de ses projets mirobolants ... Il commence donc par essayer d'égaliser à la meuleuse à disque les faces de la pierre, et d'en rectifier la pointe et le tranchant; puis, il continue avec des disques de plus en plus fins, vendus par le granitier-marbrier du coin..

Puis il fignole avec la lustreuse à carrosserie.....


Voici ce que cela donne:  



Eh bien non !

Car le lointain successeur de Jean-Yves le fourbisseur néolithique, a triché !  


Car cela, c'est l'effet souhaité, et la tricherie a consisté à mouiller la hache pour la photo..


Voici la réalité:



Car entre les disques de grain 120 et la polisseuse à carrosserie, il aurait fallu probablement essayer de polir avec des grains de plus en plus fins.... Mais à la main, bonjour !


Question: pensez-vous que le touret à polir, qui sert pour les lames, pourrait faire l'affaire pour donner à cette pierre à grain fin un bel aspect luisant, comme sur l'avant-dernière photo, voire mieux ?

Ou bien les disques de coton vont-ils littéralement exploser, car ils ne sont pas conçus pour polir la pierre ?

Bien, si le successeur de Jean-Yves, fourbisseur néolithique arrive à finir de polir cette hache de façon satisfaisante, l'attend un beau morceaux de houx de talus en train de sécher pour lui fournie un manche digne de ce nom...  

Bonsoir,
J'adore cette histoire, merci du ton employé pour nous la narrer.
Ceci etant, je comprend que l'actuel heureux propriétaire de cette pierre multi seculaire veut en fait, rendre un hommage postume au défunt Jean-Yves lequel avait lui même rendu hommage à l'accorte Marie-Jeanne, lequel hommage lui fut fatal. (pas glop, pas glop!!)
Bref et pour faire court, je ne vois qu'une méthode valable et respectueuse: polir cette pierre selon les usages de l'époque!! ( tu es dispensé du sacrifice humain -encore si tu as un voisin vraiment emme*dant...- lequel sacrifice était comme de juste un élément essentiel du process de polissage!!)
Bonne année et bon courage
Cordialement

Bien écrit, bien relaté et a l'humour typiquement armoricain ! 😄

La pierre est magnifique ! Merci Castelnau pour le partage.

J'ai beaucoup aimé l'histoire
et l'objet d'avant , et de maintenant.

Quand on ramasse des galets, mouillés, si beaux avec leur belles couleurs, c'est toujours la même déception du lendemain quand ils ont séché.
Sans doute que s'il ne s'était noyé, J.Y. eu été déçu par l'aspect à jeun de l'accorte damoiselle de la veille.

Dans ta démarche de polissage, rendu ou tu en es, je crois que je continuerai le polisage mécanique en diminuant la taille du grain au fur et à mesure de l'affinage de la surface de la pierre.
Pour finir, je crois que plus le polissage va s'affiner, plus la surface va gagner en brillance, comme toutes les toutes les pierres précieuses .

Bon courage

Un romancier notre ami Castetelnau ! qui arrive à nous plonger,en nous faisant rèver dans avec une histoire plausible.Un ami archéologue et historien,devant mon imagination lors de trouvailles,m'avait dit ,"contentes toi de constater,décrire,mais n'imagine pas" .....dur,dur,mais j'ai retenu la leçon.
Pour finir à polir cette hache les conseils d'un marbrier,d'un fabricant de monuments funéraires seraient judicieux

Bonjour,

Merci à tous pour votre indulgence à la lecture de ce conte débridé et mal-léché !


Quelques remarques en vrac:

- sérieusement, la méta-hornblendite est une roche assez rare dans cette nuance verte, et je crois qu'elle n 'est présente qu'en Bretagne occidentale;
- comme les roches métamorphiques apparaissent en général en boule, je pense que cette tranche a réellement été pré-taillée;
- elle provient d'un site dont les roches très particulières ont été, comme dit retrouvées usinées sur tout l'arc Manche-mer du Nord;
- un ancien m'avait fait tout un cours sur le sujet; ses connaissances étaient inépuisables; il était octogénaire, et, malheureusement, je ne pense pas qu'il ait consigné par écrit tout son savoir à ce sujet...
- Le substrat de l'histoire n'est donc pas totalement impossible, même si la fantaisie s'est donné libre cours ensuite.


Pour le reste, je suis déjà allé voir le marbrier, et c'est lui qui m'a cédé mes disques de polissage; malheureusement, ceux-ci s'arrêtent au grain 120.

J'ai acquis depuis lors, pour les sabres, des feuilles dont les grains s'étagent jusqu'au 600, mais ce sont des feuilles à utiliser à la main, et non à la ponceuse, et attaquer à la main une roche cristalline dont la dureté doit se situer environ à 8 sur l'échelle de Mohs, c'est autre chose que d’essuyer de la fleur de rouille; c'est long et pénible, croyez-moi !

Je vais toutefois m'y attaquer doucement, puis j’envisage de terminer soit au touret à polir, soit à la ponceuse pour carrosserie, que j’avais précédemment employée trop tôt.

Ce qui m'encourage, c'est que j’obtiens exactement la même teinte que celle des plus belles haches exposées dans les musées; ces dernières sont le plus souvent bipennes, mais ceci est une autre histoire....

Ah, j'oubliais: si cela vous intéresse, je ne manquerai pas de vous montrer les progrès réalisés...

ghostrider a écrit:

,"contentes toi de constater,décrire,mais n'imagine pas"   .....dur,dur,mais j'ai retenu la leçon.

Il avait tort, ton ami ! Car c'est l'imagination qui nous sauve..... Heureusement qu'elle est là !

Mais il existe des pierres à poncer, c'est ce qu'on utilise (avec une lourde machine) pour poncer les carreaux de marbres une fois posé dans la chape. (j'ai connu, professionnellement ....) chez un marbrier poseur et finisseur. Cela ne s'utilise pas à sec, mais avec de l'eau. et c'est horriblement salissant.
suffit de taper "polissage du marbre" sur GG ou Mozilla

Ah je te remercie Daniel ! J'essaye de ce pas !

Bonsoir
j'irai me coucher moins con ... je ne connaissais pas la "méta-hornblendite"
et par ailleurs, j'ai bien aimé "ce conte débridé et mal-léché"

Merci !

J'espère qu'il aura une suite, si j'arrive à polir et à monter la hache.......

Castelnau a écrit:

ghostrider a écrit:

,"contentes toi de constater,décrire,mais n'imagine pas"   .....dur,dur,mais j'ai retenu la leçon.

Il avait tort, ton ami ! Car c'est l'imagination qui nous sauve..... Heureusement qu'elle est là !

Tout à fait  !mais il faut revenir au contexte,la mise en garde à mon encontre,concernait un mémoire devant figurer dans une revue"savante".Biensur quel intérêt de posseder un vieil objet si on se prive d'imaginer son usage, parcours. Se représenter son ou ses utilisateurs,de revoir leur environnement,leur vie.
Sans oublier l'excitation que procure la recherche dans les ouvrages en rapport,le net ,les archives !

Oui, Blaise Pascal l'avait dit il y a longtemps: c'est la chasse qui est intéressante, plus que la possession de la proie........